Fort d’une industrie textile en plein essor, le Cambodge table sur une croissance économique stimulée par les exportations. Un grand nombre de produits sont également exportés à l’heure actuelle via la Thaïlande et le Vietnam. L’augmentation des exportations directes depuis le PAS permettra de renforcer la chaîne d’approvisionnement et d’engendrer des bénéfices considérables pour la sécurité économique. Un centre commercial japonais AEON Mall et une base de production d’Oji Holdings Corporation sont en activité dans la zone économique spéciale adjacente au port. L’ambassadeur du Japon au Cambodge, Atsushi Ueno, a évoqué l’importance du port lors de la cérémonie, déclarant : « Ce port est au coeur du partenariat entre le Japon et le Cambodge. »
Alors que les conflits continuent d’éclater à travers le monde, la sécurité économique prend une importance grandissante. Celle-ci inclut la sécurisation des chaînes d’approvisionnement ainsi que le développement et la préservation de technologies clés. Conscients de cet enjeu, le gouvernement japonais et les entreprises japonaises oeuvrent pour contribuer à la sécurité économique de plusieurs pays d’Asie du Sud-Est.
En juillet 2024, le Sommet commercial asiatique a été organisé par le Keidanren (Fédération des organisations économiques japonaises) à Tokyo, où le Premier ministre de l’époque, Fumio Kishida, a annoncé que le Japon soutiendrait le développement de grands modèles de langage (LLM) afin de jeter les bases de l’IA conversationnelle. Des entreprises japonaises du secteur de l’IA vont collaborer sur des infrastructures de LLM spécialisées dans diverses langues d’Asie du Sud-Est afin de permettre aux utilisateurs de ces pays de mieux utiliser ChatGPT, qui repose en grande partie sur des données en anglais. Du point de vue de la sécurité économique, il est nécessaire d’améliorer l’environnement de recherche dans la langue locale d’un pays. ELYZA, Inc., une start-up de KDDI Corp., a travaillé sur le développement d’un LLM spécialisé en japonais et va maintenant développer un LLM basé sur le thaï. Dans son discours lors du sommet, Kishida a déclaré : « Les jeunes au Japon et en Asie travailleront ensemble, dans un esprit de saine compétition, pour perfectionner leurs compétences, faire progresser davantage les technologies de l’IA et façonner l’avenir de l’Asie. OEuvrons ensemble pour créer une telle ère. »
Le gouvernement japonais a mené la création de la communauté asiatique à zéro émission (AZEC), et promeut activement la décarbonation dans toute l’Asie. Les entreprises coopèrent aussi activement à cette fin. En juin 2024, l’Autorité thaïlandaise de production d’électricité (EGAT) et Mitsubishi Heavy Industries, Ltd. ont signé un protocole d’accord portant sur l’étude de l’introduction de technologies utilisant l’hydrogène comme combustible pour la production d’électricité. EGAT a également signé un protocole d’accord avec IHI Corporation concernant l’étude de la production et de l’utilisation de la biomasse comme combustible.
On observe aussi une progression des collaborations dans le domaine des communications. La société NTT Docomo, Inc. a annoncé qu’elle mènerait des essais aux Philippines et à Singapour pour le déploiement de l’Open RAN (réseau d’accès radio ouvert), un réseau de communication permettant l’interconnexion d’équipements provenant de divers fournisseurs. Outre une réduction des coûts de maintenance des réseaux de communication, l’Open RAN offre l’avantage de minimiser les risques de fuites d’informations causées par la dépendance à des entreprises de pays spécifiques.
Par ailleurs, l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) et le Japon travaillent sur de nombreuses autres initiatives, par exemple, en permettant les paiements par code QR transfrontaliers et le recyclage international des déchets électroniques, tels que les appareils électroménagers, les ordinateurs et les smartphones usagés.
Les relations amicales de coopération entre le Japon et l’ASEAN ont été suscitées par la création du forum Japon-ASEAN sur le caoutchouc synthétique en 1973. Au cours des années qui ont suivi, le Japon a contribué au développement économique de l’ASEAN via l’aide publique au développement (APD). Mais le temps où le Japon, fort de sa position dominante, agissait en tant que « fournisseur » arrive à son terme. La population de la région de l’ASEAN est d’environ 680 millions d’habitants, soit plus de cinq fois celle du Japon. Au Japon, pays marqué par une société vieillissante et un faible taux de natalité, l’âge moyen est de 49 ans (en 2023), alors qu’il n’est que d’une vingtaine d’années en Indonésie et aux Philippines. Le produit intérieur brut (PIB) de la région de l’ASEAN, qui jouit de riches ressources naturelles et d’une maind’oeuvre jeune, et qui est désormais un moteur de croissance de l’économie mondiale, devrait dépasser celui du Japon aux alentours de 2030.
Nobuhiro Aizawa, professeur à l’Université de Kyushu qui étudie les situations politiques dans divers pays de l’ASEAN, a déclaré dans une interview au journal The Yomiuri Shimbun : « L’ASEAN, qui est devenue un marché géant, est désormais en position de choisir des partenaires qui lui offrent une valeur ajoutée, qu’il s’agisse du Japon, mais aussi des États-Unis, de la Chine, de la Corée du Sud, de l’Australie et de l’Union européenne (UE). Nous sommes à un moment charnière où la dynamique des relations entre le Japon et l’ASEAN passe d’un schéma où « le Japon choisit qui aide » à un autre où « le Japon est choisi comme partenaire ». » Il a ajouté qu’il est primordial pour le Japon d’être considéré comme un partenaire attractif, en soulignant que « l’ASEAN elle même est essentielle à la survie du Japon. »
Quelle est la position actuelle du Japon du point de vue de l’ASEAN ? L’ISEAS – Yusof Ishak Institute, basé à Singapour, mène une enquête de perception auprès d’experts de 10 pays de l’ASEAN depuis 2019. Dans celle-ci, la Chine a été choisie comme étant « la puissance économique la plus influente en Asie du Sud-Est » pour la 6e année consécutive, par 59,5 % des personnes interrogées. L’ASEAN se place au 2e rang (16,8 %) et les États Unis au 3e (14,3 %). Dans la catégorie « puissance politique et stratégique la plus influente en Asie du Sud-Est », la Chine arrive en tête (43,9 %), suivie des États-Unis (25,8 %) et de l’ASEAN (20,0 %). Seuls 3,7 % des participants ont choisi le Japon dans ces deux catégories. En revanche, concernant la confiance des participants dans le fait que chaque pays « agira de manière juste » pour contribuer à la paix, la sécurité, la prospérité et la gouvernance mondiales, le Japon arrive en tête avec 58,9 %, tandis que les États-Unis ont obtenu 42,4 % et la Chine 24,8 %. Lorsqu’il leur a été demandé de sélectionner un « pays favori pour vivre ou travailler », en dehors des pays de l’ASEAN (22,4 %), les répondants ont placé le Japon en tête de liste avec 17,1 %. Cela prouve que le Japon conserve son statut de pays digne de confiance, les habitants de l’ASEAN appréciant sa fiabilité dans le respect des engagements économiques et un sentiment partagé d’affinité culturelle.
Pendant de nombreuses années, l’ASEAN n’a pris parti ni pour les États-Unis ni pour la Chine, maintenant une position de neutralité et entretenant des relations économiques étroites avec ces deux pays. Cependant, l’approfondissement des relations économiques avec la Chine suscite également des préoccupations croissantes. L’enquête de perception de l’ISEAS a révélé que 67,4 % des personnes interrogées étaient « préoccupés par l’influence économique régionale croissante de la Chine », soit plus du double des 32,6 % qui l’accueillaient favorablement. La montée en puissance de la Chine en tant que nation unique s’accompagne de risques pour la sécurité économique.
Les relations avec les États-Unis devraient également se tendre à nouveau avec le retour de Donald Trump à la présidence en janvier 2025, qui remettra sa politique « America First » sur le devant de la scène. Lors de son précédent mandat, il a été absent à plusieurs reprises des conférences réunissant les chefs d’État de l’ASEAN. Il a montré peu d’intérêt pour les différends territoriaux en mer de Chine méridionale jusqu’à ce que les tensions s’aggravent entre les États-Unis et la Chine, donnant une forte impression de dénigrement de l’Asie du Sud-Est. D’un autre côté, la première administration Trump a imposé de lourdes taxes sur les importations en provenance de Chine, ce qui a conduit de nombreux sites de production à se délocaliser hors du pays, permettant à l’Asie du Sud-Est de tirer profit du conflit entre les deux puissances. Cependant, Trump a exprimé son intention d’imposer des droits de douane allant de 10 % à 20 % sur les importations en provenance de pays du monde entier au cours de son second mandat. Des pays comme le Vietnam, dont l’excédent commercial avec les États-Unis ne cesse de croître, pourraient être pris pour cible.
Alors que les États-Unis et la Chine continuent de poursuivre de manière agressive des politiques axées sur la promotion de leurs propres intérêts nationaux, le renforcement des partenariats entre le Japon et l’ASEAN sera mutuellement bénéfique. Cela stimulera la croissance du Japon, avec sa société vieillissante, son faible taux de natalité et sa croissance atone, et permettra à l’ASEAN de maintenir une croissance rapide et de préserver son indépendance. Le moment est venu pour le Japon et l’ASEAN de consolider davantage encore leur relation de confiance bâtie au fil des ans, désormais en tant que partenaires égaux.
Article d’Akio Yaita
Journaliste. Diplômé de la faculté des lettres de l’université de Keio.
Après avoir terminé son doctorat à l’Académie chinoise des sciences sociales, il a travaillé comme correspondant pour le Sankei Shimbun à Pékin et comme chef du bureau de Taipei. Auteur ou co-auteur de nombreux livres.
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