Les flux migratoires de l’Afrique vers l’UE ont connu d’importantes fluctuations au fil des ans, atteignant un pic en 2014‑2016. En 2015, la Commission européenne a créé le fonds fiduciaire d’urgence (FFU) de l’UE pour l’Afrique afin de répondre à diverses situations de crises dans trois régions africaines: le Sahel et le lac Tchad, la Corne de l’Afrique et l’Afrique du Nord. Les déplacements de populations à l’intérieur d’un même pays sont courants en Afrique, mais le Sahel se trouve également sur la voie de transit la plus fréquentée par les migrants voyageant vers l’Europe.
«Le résultat n’est pas garanti lorsque l’aide est dispersée sans vision stratégique», a déclaré Bettina Jakobsen, la Membre de la Cour responsable du rapport. «Bien que le FFU pour l’Afrique ait contribué à maintenir la migration au premier rang des priorités politiques et de développement, nous sommes obligés de réitérer nos critiques car nous n’avons pas constaté de grands changements dans le champ d’action du fonds, qui reste trop étendu.»
Les projets soutenus par le FFU ont fait état de nombreux résultats, et ont partiellement atteint leurs buts. Tous ceux que les auditeurs ont examinés répondaient certes à des besoins, mais pas aux plus urgents d’entre eux. Les règles du FFU ont permis de prendre les décisions de financement rapidement, mais les enseignements tirés ont été peu pris en compte et les réalisations du fonds ont souvent été surévaluées. En outre, les indicateurs utilisés pour suivre les résultats des projets ne permettent pas de savoir si ceux-ci sont durables, ni s’ils ont contribué à remédier aux causes profondes de l’instabilité, de la migration irrégulière et des déplacements de populations. La Commission européenne ne sait donc toujours pas quelles sont les approches les plus efficientes et efficaces pour réduire la migration irrégulière et les déplacements forcés en Afrique.
À la différence de l’aide fournie jusque-là, celle du FFU pour l’Afrique était censée reposer sur des informations factuelles. Le FFU a donc financé plus d’une centaine de rapports d’étude qui lui ont fourni de précieuses informations sur les moteurs des conflits, de la migration irrégulière et des déplacements de populations. Toutefois, ces rapports ayant pour la plupart été publiés lorsque les fonds avaient été presque intégralement engagés, ils n’ont guère eu d’impact sur les projets.
La Commission européenne a élaboré de nouvelles approches pour recueillir des informations sur les causes profondes de la migration et pour détecter les risques pour les droits de l’homme dans un environnement instable. Vu que ces risques sont plus élevés en Libye, la Commission a, pour la première fois, confié leur suivi à des tiers, dont les rapports peuvent constituer une source d’information utile. Mais elle ne dispose pas de procédures formelles de signalement, d’enregistrement et de suivi des cas présumés d’atteintes aux droits de l’homme en lien avec des projets financés par l’UE. À titre d’exemple, aucun dispositif ne permet de déterminer si ces cas ont été dûment examinés et pris en considération au moment de décider si le soutien européen doit être maintenu ou suspendu. Les auditeurs ne peuvent donc pas confirmer que tous les cas présumés ont fait l’objet d’un suivi.
La gardienne des finances de l’UE adresse plusieurs recommandations à la Commission et lui demande de les appliquer à temps pour permettre d’optimiser la dernière phase du FFU, dont les activités doivent cesser en 2025, et d’anticiper de futures actions de développement poursuivant des buts similaires. L’organe exécutif européen devrait notamment s’appuyer davantage sur des éléments probants pour cibler les zones géographiques et les bénéficiaires, mais aussi améliorer la détection des risques pour les droits de l’homme et prendre des mesures pour les atténuer.
Informations générales
Le FFU vise à soutenir la stabilité dans tous ses aspects et à contribuer à une meilleure gestion des migrations en Afrique. Ses priorités comprennent la lutte contre la traite d’êtres humains, les efforts de stabilisation au niveau régional et la protection des migrants en situation de vulnérabilité. Il a reçu plus de 5 milliards d’euros de contributions et soutenu 27 pays africains. La majeure partie de ces contributions (4,4 milliards d’euros, soit 88 % du total) provenait des Fonds européens de développement (FED) et du budget de l’UE. En décembre 2023, 4 508 millions d’euros avaient été dépensés. Après avoir baissé pendant la pandémie de COVID‑19, les chiffres de la migration irrégulière vers l’Europe sont de nouveau en augmentation constante. Nos auditeurs ont observé de plus près quelques-uns des pays des différentes régions couvertes: l’Éthiopie, la Gambie, la Mauritanie, la Libye et la Tunisie.Le rapport spécial 17/2024 «Fonds fiduciaire d’urgence de l’UE pour l’Afrique – Malgré de nouvelles approches, le soutien est resté peu ciblé» est disponible sur le site internet de la Cour. En 2018, dans leur premier rapport spécial sur le FFU, les auditeurs avaient conclu qu’il s’agissait d’un instrument souple, mais pas assez ciblé.