En préambule, 62% des actifs occupés se disent gênés par le bruit et les nuisances sonores sur leur lieu de travail. Les personnes travaillant dans les secteurs de l’agriculture et de l’industrie (72%) et dans le secteur du BTP-Construction (83%) sont davantage touchées, tout comme les personnes travaillant en open space (73%). Si ces catégories de travailleurs sont plus exposées, cette problématique est généralisée à l’ensemble des secteurs et des modes de travail. Ainsi, plus d’un actif occupé sur deux dans le commerce (55%), les services (58%) et l’administration (62%) se déclare gêné par le bruit. Le travail en flex office (65%), en bureau fermé (62%) ou principalement en télétravail (56%) ne protègent pas totalement les actifs de cette gêne.
Contrairement à l’idée reçue qui veut que les problèmes d’auditions et la sensibilité au bruit concernent davantage les personnes plus âgées, on n’observe pas de différence selon l’âge. 64% des actifs de moins de 35 ans se disent gênés, au même titre que 63% des 35-49 ans et 59% des 50 ans et plus.
Bruit au travail : Danger silencieux pour la santé auditive
Près des trois quarts des actifs occupés français témoignent d’une dégradation de leur santé au quotidien causée par le bruit et les nuisances sonores sur leur lieu de travail. Pour près d’un sur deux, ces répercussions impactent leur audition (49%).
Certaines catégories de travailleurs dont le lieu de travail est davantage propice au bruit semblent davantage exposées. Ces espaces de travail sont l’open space (81% des personnes y travaillant témoignent des répercussions négatives du bruit sur leur santé et plus précisément 58% mentionnent des répercussions sur leur audition), et l'atelier, les chantiers ou les chaînes de production, où 59% des actifs occupés déclarent que leur santé auditive a été impactée. Mais là encore, ces cas plus extrêmes ne doivent pas occulter la généralisation de ces impacts négatifs sur la santé auditive des actifs occupés français. Il n’y a pas de différence significative selon l’âge, entre télétravailleurs et non-télétravailleurs, ou le secteur. Même les modes de travail qui devraient préserver davantage du bruit et des nuisances sonores sont touchés : 47% des personnes travaillant en bureau fermé sont touchées par une répercussion auditive.
Les répercussions auditives, si elles touchent la population active dans son ensemble, frappent plus durement certaines populations.
- 37% des actifs occupés français sont concernés par une diminution momentanée de compréhension de la parole. Elle touche une majorité des salariés du BTP (52%). Les personnes travaillant en atelier, sur des chantiers ou des chaines de production sont également surexposées (46%).
- 32% des actifs occupés témoignent avoir souffert de sifflements et d’acouphènes. Ces problèmes frappent davantage les ouvriers (39%), les actifs occupés de la banlieue parisienne (41%), et les personnes travaillant en atelier, sur des chantiers ou des chaines de production (40%).
- Enfin, la surdité touche près d’un quart des actifs occupés (24%). Elle atteint davantage les hommes (28%), et les personnes travaillant en atelier, sur des chantiers ou des chaines de production (35%).
Il se dessine une proximité indirecte entre les actifs occupés et ces problématiques de santé auditive : plus d’un tiers connaît au moins un collègue souffrant d’acouphènes ou de pertes d’audition. Directement ou indirectement, la santé auditive est une problématique ancrée dans la vie des actifs.
Le coût du bruit : Au-delà de la santé auditive, un risque pour la santé globale dont la santé mentale
Les effets sur la santé du bruit et des nuisances sonores au travail dépassent la seule santé auditive. Elles se traduisent également par de la fatigue pour 60% de la population active, du stress (50%), des troubles du sommeil (33%), une souffrance psychologique (31%) et de l’hypertension dans les cas les plus extrêmes (22%).
Un lien semble exister entre le bruit au travail, la santé auditive et le burn-out. Les personnes dont le score d’auto-évaluation du burn-out est élevé, voire très élevé sont davantage touchées par des pertes temporaires de compréhension (47% et 66%), des acouphènes (39% et 64%) et la surdité (52% pour les scores élevés).
Nuisances sonores et santé au travail : Un lien parfois difficile à établir pour les actifs occupés
Parmi les 38% de actifs occupés qui, de prime abord, ne sentent pas gênés par le bruit et les nuisances sonores sur leur lieu de travail, une part non-négligeable témoignent de leurs conséquences sur leur santé. 48% de ces actifs occupés témoignent d’une répercussion négative sur leur santé, alors même qu’ils ne se disaient pas gênés par le bruit, et 27% un impact négatif sur leur audition. Ces actifs occupés ne semblent pas réaliser dans un premier temps le lien entre le bruit et les nuisances sonores, normalisés et minimisés à leurs yeux, et leurs conséquences concrètes sur leur santé.
Des dispositifs pour les personnes en pertes d’audition à faire connaître, même auprès des premiers concernés
Au plus haut, seul un actif occupé sur deux connaît les différents dispositifs mis en place en cas de perte auditive. Plus alarmant, ils sont au mieux 26% à voir précisément de quoi il s’agit. Les dispositifs les plus connus sont le dispositif 100% santé et l’accord handicap & la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Le dispositif Agefiph est doté d’une notoriété plus marginale : 37% des actifs occupés le connaissent, mas seulement 17% voient précisément de quoi il s’agit.
Si les personnes dont la santé auditive a été impactée par le bruit et les nuisances sonores au travail identifient davantage ces dispositifs, leur notoriété nécessite d’être encore consolidée. 55% connaissent le dispositif 100% santé, 57% l’accord handicap & la RQTH, 43% le dispositif Agefiph.
Il en va de même pour les 50 ans et plus : alors qu’ils sont davantage exposés à ces problématiques de santé, la notoriété de ces dispositifs reste dans la moyenne, ne s’en éloignant pas de manière significative.
Des démarches davantage envisagées qu’effectuées, et minoritaires dans les faits
Alors que 62% des actifs occupés se disent gênés par le bruit et les nuisances sonores au travail – et que parmi eux, 88% témoignent de leurs effets concrets sur leur santé – à peine un quart a déjà entamé une démarche pour s’en prémunir. Un quart a déjà demandé un équipement de protection individuelle lorsqu’ils sont sur leur site de travail, 24% ont réalisé un test auditif. 22% ont déjà consulté un médecin, et 19% ont déjà demandé un équipement lorsqu’ils sont en télétravail. Ils sont bien moins nombreux à avoir été affectés sur un autre espace de travail (11%), ou à avoir sollicité un arrêt de travail (9%).
Ces démarches restent le plus souvent envisagées, sans forcément s’accompagner d’un passage à l’acte. Plus alarmant, un répondant sur deux ou plus n’a jamais entamé chacune de ces démarches, et ne souhaite pas le faire.
Une prise en compte perfectible de la santé auditive par les entreprises
Aux yeux des actifs occupés, leur entreprise ne prend pas encore tout à fait la mesure de la santé auditive des collaborateurs. 44% estiment que cet enjeu est suffisamment en compte, dont 11% tout à fait.
A peine 38% des 50 ans et plus – plus concernés encore par cette thématique – déclarent que leur employeur prend la mesure de cette problématique. Les personnes les plus concernées – celles dont la santé auditive est impactée – ne se démarquent pas de la moyenne.
Dans les faits, un peu plus de la moitié des actifs occupés ont vu des solutions leur être proposées (53%). Leurs employeurs investissent plutôt dans des équipements adaptés (31% des actifs occupés déclarent qu’on leur a proposé des protecteurs individuels contre le bruit, 28% des casques de communication spécifiques). 23% des actifs occupés témoignent que les espaces de travail ont été pensé pour réduire le bruit et les nuisances sonores, via la création d’espaces pour s’isoler, ou le réaménagement d’espaces existants. Enfin, l’employeur de 21% des répondants a proposé des sessions d’information et de sensibilisation, et 20% des dépistages de l’audition.
En se penchant sur la mise à disposition de protections individuels contre le bruit, on observe un fort décalage selon le secteur d’activité. Les salariés des secteurs de l’agriculture et de l’industrie (57%) et du BTP se voient davantage proposés ces équipements, contrairement aux secteurs du commerce (31%), des services (27%) et – tout particulièrement – de l’administration (19%).
Si la proportion d’actifs occupés déclarant s’être vue proposée ces protections reste stable entre 2023 et 2024 (31%), ces scores évoluent fortement au sein d’un même secteur. Dans les secteurs particulièrement concernés par ces problématiques (agriculture, industrie, BTP), les actifs se voient moins proposés de protections que l’année dernière (11 points de moins dans le secteur de l’agriculture et de l’industrie, 14 points de moins dans le BTP). A l’inverse, les secteurs qu’on pourrait estimer moins concernés – même si dans les faits, nous avons vu que les problématiques de santé auditive s’y posent – ces scores augmentent (4 points de plus dans le commerce et l’administration). Ceci tend à prouver que si certains secteurs se saisissent davantage du sujet et proposent des solutions à leurs salariés, ces avancées sont encore fragiles, et l’ensemble des secteurs bénéficieraient d’une meilleure connaissance et compréhension de la santé auditive de leurs collaborateurs.
Pour les actifs occupés, le manque de connaissances et d’informations sur les impacts du bruit vis-à-vis de la santé en général constitue le principal frein à la prévention en matière de santé auditive dans leur entreprise (31% le mentionnent). Au coude-à-coude, les actifs occupés citent ensuite l’insuffisance de la communication interne, l’absence de politique RH inclusive et la nature même de l’activité – ce dernier argument relevant d’une forme de fatalisme. Il est d’ailleurs davantage mobilisé par les ouvriers (29%).
Résultats complets
https://www.journee-audition.org/images/cp/barometre-bruit-travail-2024.pdf