Contexte de recherche : de la nécessité d’intégrer d’autres corps de métier aux projets scientifiques
L’Université de Bretagne occidentale (UBO) est partenaire du projet à travers l’UMR 6308 AMURE, laboratoire de recherche spécialisé dans le droit et l’économie de la mer.
Dans le cadre des travaux de FISH INTEL, les chercheures de l’UBO ont travaillé de près avec les pêcheurs du Finistère, des Côtes d’Armor et de Normandie pendant toute la durée du projet.
Par le biais de 12 entretiens individuels et 7 réunions collectives, les chercheures ont voulu intégrer les professionnels de la pêche dans les processus de recherche et prendre en considération leur expérience dans le domaine.
Cette collaboration a été essentielle pour assurer la réalisation des actions du projet et acquérir des connaissances fines sur le comportement des espèces et les spécificités du milieu.
Quand les pêcheurs se mettent au service de la science pour construire, avec les chercheurs, un réseau acoustique
Zones de passage des espèces, à faible courant, abritées, accessibles, … Les lieux de pose des récepteurs doivent répondre à de nombreuses caractéristiques pour que les dispositifs acoustiques puissent être déployés.
Les échanges avec les professionnels de la pêche ont permis de déterminer des points précis sur la carte et de s’adapter aux caractéristiques du milieu. Cette co-construction du réseau acoustique entre pêcheurs et scientifiques s’aligne avec une collaboration étroite entre les partenaires scientifiques français et les Comités des pêches du Finistère et de Normandie (partenaires du projet) et des Côtes d’Armor, notamment dans le cadre des marquages des espèces suivies.
« Nous sommes allées à la rencontre des pêcheurs pour qu’ils nous parlent de leur expérience, de leurs connaissances. Ils ont beaucoup plus de choses à nous apprendre que nous à eux. »’ Katia Frangoudes, chercheure en Sciences humaines et sociales
Comités des pêches, scientifiques et pêcheurs locaux ont ainsi procédé au marquage de 350 poissons et crustacés (bars, lieus jaunes et langoustes rouges) entre mai et septembre 2022. Les savoirs des pêcheurs ont notamment permis aux scientifiques de marquer un total de 71 lieus jaunes, une première en France.
Le lieu jaune : au-delà du sujet de recherche, un enjeu écologique ?
Espèce fragile pouvant se trouver à de grandes profondeurs (jusqu’à 200m de profondeur environ), le lieu jaune est confronté à un risque de mortalité post-capture important en raison de la variation de pression.
Lors des entretiens et réunions organisées, les pêcheurs ont indiqué les moments et les lieux précis dans lesquels les lieus jaunes se trouvent à faible profondeur, ce qui a rendu possible le marquage délicat de cette espèce.
La nécessité de mettre en place des mesures de gestion adaptées pour le lieu jaune, autant pour la pêche professionnelle que récréative, est une des principales conclusions émises par le projet FISH INTEL.
Bien que malmenés dans un secteur en crise, les pêcheurs sont les premiers observateurs de l’écosystème marin : au-delà de leur profession, ils sont aussi des lanceurs d’alerte
Actuellement, les seules réglementations qui s’appliquent pour cette espèce sont des quotas non adaptés et une taille minimale de capture de 30cm, soit inférieure à la taille de maturité sexuelle du lieu jaune (50cm). Pour la pêche récréative, seule la taille minimale de capture de 30cm est appliquée, sans limite de prises.
Or, les 12 pêcheurs professionnels et les 7 pêcheurs récréatifs interrogés par les chercheures de l’UBO sont unanimes sur le fait que cette ressource diminue de plus en plus chaque année.
‘’Il y a 15 ans, je pouvais pêcher entre 4 et 5 tonnes de lieus de taille 1 [plus de 5kg], c’était 35% de ma pêche. Maintenant, je n’en pêche même pas 100kg. ‘’
Ligneur, Finistère
Durant les réunions et ateliers de travail organisés par FISH INTEL, les pêcheurs ont exprimé une réelle volonté de préserver la ressource et de mettre en place une gestion durable pour cette espèce.
Les propositions de gestion émises concernent, entre autres, l’augmentation de la taille minimale de capture, la mise en place de quotas adaptés et le respect de la période de repos biologique.
Les résultats d’une enquête quantitative menée par les chercheures de l’UBO auprès de 119 pêcheurs récréatifs, montrent que plus de 60% d’entre eux seraient favorables à la mise en place d’un quota par jour et/ou par bateau pour le lieu jaune.
Face à ces constats, les chercheurs du projet FISH INTEL prévoient de présenter cette année les résultats et les conclusions du projet auprès des commissions respectives du Comité National des Pêches (CNPMEM).
Dans les années 2000, les pêcheurs étaient déjà au chevet du bar
En prônant une approche précautionnelle, ils font notamment référence à la situation similaire du bar européen au début des années 2000.
Surpêche, gestion inadaptée, diminution des grands individus, …
Face à cette situation, les ligneurs bretons avaient mis en place des mesures de gestion par volonté propre, comme la réduction de l’effort de pêche ou encore, l’interruption de l’activité pendant la période de reproduction de l’espèce.
Depuis, la pêche du bar européen est plus strictement encadrée par le Comité National des Pêches (CNPMEM) et/ou la Commission Européenne. Les pêcheurs récréatifs s’alignent avec les professionnels vis-à-vis de la nécessité de limiter l’effort de pêche sur cette espèce.
Fish Intel : Le projet européen FISH INTEL (2021-2023), réunissant des partenaires français, anglais et belges, a réalisé des suivis de cinq espèces marines d’intérêt commercial dans la Manche (bar européen, lieu jaune, langouste rouge, thon rouge et dorade grise) en utilisant une technologie innovante par télémétrie acoustique. Les objectifs ? Étudier les mouvements des espèces pour comprendre leurs comportements, identifier des habitats essentiels et contribuer à une gestion plus durable de la pêche en Manche. Financé par le Fonds européen de développement régional (FEDER) à travers le programme Interreg France - Manche - Angleterre (FMA), FISH INTEL est l’un des derniers projets Interreg de coopération transfrontalière avec l’Angleterre suite à leur retrait de l’Union Européenne.
La salle de presse
Les scientifiques de l’Université de Bretagne Occidentale font appel aux connaissances écologiques des pêcheurs
Les scientifiques de l’Université de Bretagne Occidentale font appel aux connaissances écologiques des pêcheurs
Communiqué de presse -
Publié le mardi 18 avril 2023 à 00h00, mis à jour le mercredi 19 avril 2023 à 16h45
Projet de recherche européen Fish Intel: les scientifiques de l’Université de Bretagne Occidentale font appel aux connaissances écologiques des pêcheurs du Finistère, des Côtes d’Armor et de Normandie
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