Le premier exemple d’APD basée sur l’offre a été lancé au Cambodge au cours de l’exercice financier en cours. En décembre 2023, les gouvernements japonais et cambodgien se sont accordés sur un programme d’APD visant à soutenir les efforts du gouvernement cambodgien pour construire une infrastructure numérique, comprenant une aide au développement d’un Centre national de données et une assistance pour l’amélioration des réseaux de télécommunications et le développement des ressources humaines du pays. Le Centre national de données sera une installation essentielle à la création d’un gouvernement numérique qui rationalisera les services administratifs grâce aux technologies de l’information et de la communication. Le Japon apportera son aide à la création du Centre et à la fourniture d’équipements. Dans le cadre du projet d’amélioration des réseaux de télécommunications, des entreprises japonaises mèneront une démonstration grandeur nature des télécommunications au Cambodge dans le but de construire une infrastructure de télécommunications à faible coût. Le projet sera également mené dans la perspective du développement des réseaux de communication 5G. Alors que des entreprises chinoises construisent des réseaux de communication au Cambodge, ce projet a pour objectif de diversifier ces réseaux afin d’éviter la dépendance à un seul pays.
Des projets d’APD basée sur l’offre sont en cours dans les pays d’Asie du Sud-Est. Une réunion des dirigeants de la communauté asiatique à zéro émission (AZEC), une initiative visant à la décarbonation de l’Asie, s’est tenue le 11 octobre à Vientiane, au Laos, au cours de laquelle un « Plan d’action pour la prochaine décennie » a été adopté. Le plan intègre l’utilisation de l’APD basée sur l’offre dans des projets menés par le Japon. Shigeru Ishiba, Premier ministre du Japon, qui a participé à la réunion, s’est entretenu ce jour-là avec son homologue laotien, Sonexay Siphandone, lui faisant part de l’intention du Japon de soutenir le développement économique du Laos grâce à cette nouvelle forme d’APD. Le Laos dépend principalement de l’énergie hydroélectrique, et le Japon soutiendra l’amélioration de sa capacité de production d’électricité, facilitant ainsi l’approvisionnement stable du pays et l’augmentation de ses exportations d’électricité. Le Japon fournira également une assistance au développement technologique pour la production d’hydrogène et d’ammoniac verts, qui ne génèrent pas de dioxyde de carbone lors de leur combustion.
En octobre 2023, le gouvernement japonais a tenu un dialogue politique sur la coopération économique avec le gouvernement indonésien à Jakarta et a discuté de ses plans pour promouvoir la coopération économique, y compris l’APD basée sur l’offre. Ces exemples illustrent la manière dont le Japon propose des plans d’assistance efficaces à différents pays, en s’appuyant sur ses forces uniques, telles que son expertise de longue date en matière d’aide et les capacités technologiques des entreprises du secteur privé.
[ L’APD basée sur l’offre est également en cours en Afrique. Le Japon et le Mozambique ont convenu en mars d’une assistance pour un projet de lutte contre le terrorisme et de développement socio-économique. Des attaques armées dans la province de Cabo Delgado, au nord du Mozambique, ont mis à l’arrêt plusieurs des plus importants projets de gaz naturel liquéfié d’Afrique. Le Japon fournira des véhicules et des motos pour les opérations antiterroristes et de sécurité, ainsi que des programmes de développement des ressources humaines pour la police et les autorités judiciaires afin de lutter contre le terrorisme. Cette offre est basée sur les besoins des communautés locales qui aspirent à une sécurité durable et à la reprise des projets de développement.]
L’APD du Japon remonte à 1954, année où il a rejoint le plan de Colombo, une organisation de coopération régionale en Asie, deux ans avant de devenir membre des Nations Unies. Neuf années seulement s’étaient écoulées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. En pleine reconstruction d’après-guerre et loin d’être un pays riche, le Japon endossa pourtant la responsabilité des réparations envers les pays asiatiques. Pour le Japon, dépourvu de ressources naturelles abondantes et qui ne disposait pas d’une force militaire importante après la guerre, l’APD, qui permettait de soutenir le développement économique d’autres nations, constituait un outil de diplomatie pacifique important. Le développement d’infrastructures telles que les ports et les autoroutes grâce à l’APD du Japon a favorisé l’implantation des entreprises japonaises dans ces pays, créant des relations mutuellement bénéfiques.
Avec le développement économique du Japon, son APD a continué de croître, et en 1989, le Japon a supplanté les États-Unis comme premier pays donateur au monde. Cependant, en raison d’une économie morose, il fut dépassé par les États-Unis en 2001, et occupe aujourd’hui le troisième rang mondial. Le budget alloué à l’APD par le gouvernement a culminé à 1 168,7 milliards de yens durant l’exercice 1997 et n’a cessé de baisser depuis, s’élevant à seulement 565 milliards de yens pour l’exercice 2024.
L’objectif fixé par les Nations Unies pour l’APD de chaque pays est de 0,7 % du revenu national brut, mais ces dernières années, le Japon n’a atteint que la moitié de cet objectif.
Le Japon, sans perspective d’augmentation de ses dépenses d’APD, vise à renforcer la qualité de son aide. Dans le cadre de la réforme en cours de son APD, en juin 2023, le Japon a, pour la première fois en huit ans, mis à jour sa Charte de la coopération au développement, qui définit la politique de base pour l’APD et a intégré la « coopération de type offre » comme nouveau cadre d’assistance. En plus de l’aide classique à la construction d’infrastructures telles que les routes, les ponts et les ports, le Japon proposera proactivement un large éventail de programmes englobant l’action climatique, la promotion de la numérisation, le renforcement des chaînes d’approvisionnement et le développement des ressources humaines. Ayant développé leurs infrastructures de base et atteint un certain niveau de développement économique, les pays d’Asie du Sud-Est cherchent maintenant à bénéficier d’un accompagnement technique durable et d’un développement avancé de leurs ressources humaines afin d’atteindre un développement économique de haute qualité et d’améliorer la vie de leurs populations. Dans cette optique, une nouvelle forme d’APD est requise, une qui illustre le proverbe « Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour. Si tu lui apprends à pêcher, il mangera toujours. » ; et c’est ce que représente la coopération basée sur l’offre.
Akihiko Tanaka, président de l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA), responsable des opérations d’APD du Japon, a déclaré dans une interview accordée au Nikkei : « La liste des pays en développement a considérablement changé au cours des 70 dernières années. La Thaïlande et l’Indonésie sont désormais des pays à revenu intermédiaire supérieur. La co-création fondée sur une compréhension mutuelle sera la clé de l’APD à l’avenir, plutôt qu’une simple assistance unilatérale. L’idée est de résoudre les problèmes sociaux ensemble d’une manière qui profite également au Japon grâce à la technologie et aux connaissances développées dans le cadre de ces efforts. »
La Charte de la coopération au développement mise à jour l’année dernière stipule également : « Le Japon réalisera une coopération qui n’implique pas [...] de coercition économique, et qui ne porte pas atteinte à l’indépendance et à la durabilité des pays en développement. » Les pièges de la dette, qui consistent à accorder des prêts excessifs sans considération pour la capacité financière de l’emprunteur ou de sa capacité à rembourser, aboutissant à un contrôle économique, sont devenus une préoccupation mondiale. Même si l’APD a pour but de consolider les relations diplomatiques et économiques des deux parties, elle ne doit en aucun cas compromettre l’indépendance du pays bénéficiaire. Par ailleurs, une assistance unilatérale et sans adaptation au contexte local sera inefficace. L’APD basée sur l’offre se caractérise par une approche dans laquelle le Japon et son homologue travaillent de concert pour définir les modalités de l’assistance. Il existe désormais un besoin pour cette forme d’APD qui, à l’image d’un costume sur mesure, naît d’une communication étroite entre le tailleur et son client.
Article d’Akio Yaita
Journaliste. Diplômé de la faculté des lettres de l’université de Keio.
Après avoir terminé son doctorat à l’Académie chinoise des sciences sociales, il a travaillé comme correspondant pour le Sankei Shimbun à Pékin et comme chef du bureau de Taipei. Auteur ou co-auteur de nombreux livres.
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