Ces résultats sont le fruit d’analyses coordonnées par le
Comité français de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), l’Office français de la biodiversité (OFB) et le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), fondées sur les connaissances existantes et l’expertise de nombreux écologues forestiers. Cette évaluation a également bénéficié de la collaboration avec plusieurs Conservatoires botaniques nationaux (CBN) et l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN).
Cette étude porte sur les écosystèmes forestiers rencontrés aux
étages montagnard (zone des forêts mixtes) et
subalpin (étage le plus élevé avec des forêts) des différents massifs montagneux de l’Hexagone (Alpes, Jura, Massif central, Pyrénées, Vosges) et de Corse. Parmi les 19 écosystèmes forestiers de montagne qui ont été évalués, 8 relèvent des
forêts mixtes (mélanges de Hêtres et de Sapins blancs) qui caractérisent l’étage montagnard, 6 relèvent de
forêts de sapins blancs ou d’épicéas communs qui marquent la transition entre l’étage montagnard et l’étage subalpin, et 5 d’écosystèmes de
forêts de pins (Pin sylvestre, Pin cembro, Pin à crochets), typiques des espaces les plus écologiquement contraints, par la sécheresse ou le froid. Au sein de chacun de ces écosystèmes, les essences forestières dominantes sont accompagnées de tout
un cortège d’espèces végétales et fongiques (arbres, arbustes, plantes herbacées, mousses, lichens et champignons) et d’une
faune forestières spécifiques.
Des bouleversements inédits marqués par le changement climatique
Malgré une augmentation de la surface des forêts depuis le milieu du XIXème siècle, les forêts de montagne de l’Hexagone et de Corse
connaissent aujourd’hui des bouleversements liés à de multiples pressions d’origine anthropique, locales ou globales : épisodes de dépérissement ou diminution du renouvellement forestier, modification des communautés d’espèces (ensemble des populations d'espèces qui interagissent ensemble dans un espace donné), etc. En particulier, elles sont exposées à des conditions climatiques qui diffèrent de plus en plus de celles qui ont permis leur développement. C’est notamment le cas des
hêtraies et des
cembraies-mélézins (forêts de Pins cembros et de Mélèzes) de l’
étage subalpin qui sont 2 écosystèmes de forêts de montagne classés « En danger » montrant des mutations de leurs végétations. 8 autres écosystèmes de l’étage montagnard sont classés « Vulnérable » et 6 sont « Quasi-menacé ».
Le changement climatique est un facteur déterminant des résultats de cette évaluation.
Des incertitudes sur l’avenir des forêts de montagne
C’est l’un des autres constats de cette étude : malgré une abondance de recherches sur les forêts, il reste difficile de prédire les trajectoires futures des forêts de montagne de l’Hexagone et de Corse
face au cocktail de pressions qu’elles subissent.
Les forêts actuelles sont l
’héritage de la sylviculture et de déprises d’activités agricoles et pastorales : anciens alpages reconquis par de jeunes forêts, forêts plantées ou semées, futaies de sapins pour le bois d’œuvre, taillis de hêtres pour le bois de chauffage, ou encore forêts anciennes et matures à préserver… Un même type d’écosystème forestier peut être différent d’un endroit à un autre, et, selon les contextes, les pressions sont indépendantes ou constituent un ensemble dont il est difficile de prédire les effets sur le fonctionnement des écosystèmes des forêts de montagne et leur risque de disparition.
Agir pour la résilience des forêts de montagne et le renforcement des connaissances
Les montagnes hébergent
une biodiversité unique, héritée des dernières ères glaciaires avec des
populations d’espèces « reliques » adaptées à des conditions extrêmes. Les caractéristiques écologiques, géographiques et historiques des montagnes en font des territoires à enjeux pour la protection du patrimoine naturel. Face aux menaces actuelles et aux défis à venir, il est donc nécessaire d’agir afin d’assurer l’avenir des forêts de montagne et des services écosystémiques qu’elles rendent en :
- favorisant la naturalité des forêts de montagne en privilégiant la restauration et la préservation de la biodiversité forestière et des processus propres à ces écosystèmes,
- assurant la pérennité des programmes de surveillance des forêts, qui constituent une source d’information essentielle pour mettre en place des actions efficaces et les adapter aux évolutions.
Publication et résultats détaillés disponibles sur : www.uicn.fr/lre-france/ et https://inpn.mnhn.fr/actualites/lire/15981
Qu’est-ce que la Liste rouge des écosystèmes et à quoi sert-elle ?
La Liste rouge des écosystèmes est une méthode d’évaluation élaborée par l’UICN qui vise à estimer le risque d’effondrement des écosystèmes selon des standards scientifiquement établis. Ainsi, le résultat de ces évaluations permet d’identifier les écosystèmes menacés et les dynamiques de dégradation. Complémentaire à la Liste rouge des espèces menacées, cette approche vise à apporter une dimension écosystémique aux connaissances relatives aux risques de disparition de la biodiversité. C’est donc un outil d’aide à la décision destiné à faciliter le développement de stratégies de conservation. Ses résultats sont publics et diffusés dans le cadre de l’Inventaire national du patrimoine naturel (INPN).
Ces évaluations sont le fruit d’une démarche collégiale et partenariale. Elles sont pilotées par le Comité français de l’UICN et PatriNat (OFB, MNHN, CNRS, IRD) avec la mobilisation d’expert/es des écosystèmes qui apportent leurs connaissances et garantissent la qualité des résultats.
Le Comité français de l’UICN
Le Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature est le réseau des organismes et des expert/es de l’UICN en France. Regroupant au sein d’un partenariat original 2 ministères, 7 organismes publics, 8 collectivités et 61 organisations non gouvernementales, il joue un rôle de plateforme d’expertise, de concertation et d’action pour répondre aux enjeux de la biodiversité. Il rassemble également un réseau de 300 expert/es répartis en six commissions thématiques, dont la Commission de gestion des écosystèmes. Au niveau mondial, l’UICN a développé la méthodologie de référence pour guider les pays dans l’élaboration de leur Liste rouge nationale des écosystèmes. www.uicn.fr
L’Office français de la biodiversité
Établissement public de l’État créé le 1er janvier 2020, l’Office français de la biodiversité est placé sous la tutelle des ministères de la Transition écologique, de l'Énergie, du Climat et de la Prévention des risques, et de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt. Il a pour missions la surveillance, la préservation, la gestion et la restauration de la biodiversité terrestre, aquatique et marine, ainsi que la gestion équilibrée et durable de l’eau, dans l’Hexagone et en Outre-mer. Il est chargé de développer la connaissance scientifique et technique des espèces, des milieux et de leurs usages, de surveiller et de contrôler les atteintes à l’environnement, de gérer des espaces protégés, d'appuyer la mise en œuvre des politiques publiques, et de mobiliser l'ensemble de la société, acteurs socio-économiques comme citoyens. Depuis 2017, il a un centre d’expertise et de données (PatriNat) commun avec le MNHN, le CNRS et l’IRD afin de renforcer le suivi et l’expertise sur la biodiversité et la géodiversité. www.ofb.gouv.fr
Le Muséum national d'Histoire naturelle
À la frontière entre recherche, culture et société, le Muséum se consacre à la connaissance de la nature et aux relations que les humains entretiennent avec celle-ci. Cet établissement scientifique majeur, qui est à la fois un centre de recherche de pointe et une université, comprend aussi des collections exceptionnelles parmi les trois plus importantes de la planète. Patrimoine de l’humanité, elles irriguent la science dans le monde entier et sont présentées dans ses musées, jardins botaniques et zoologiques ou bibliothèques répartis dans 13 sites en France. Pôle d’expertise, il conseille également les pouvoirs publics, français et européens, pour les politiques environnementales. Fort de quatre siècles d’histoire des sciences, il demeure aujourd’hui une référence en matière d’enjeux écologiques et sociaux. www.mnhn.fr