« L’art n’est pas essentiel, mais il est porteur de sens. Est-ce que vous imaginez Paris sans art ? La vie sans art ? ». C’est par ces mots que Xavier Lépine (Président - Paris-Île de France Capitale Économique) a ouvert la soirée. L’art est un facteur d’attractivité caractéristique du Grand Paris, l’étude Cultures et industries créatives, un atout économique, social et territorial pour le Grand Paris l’a montré en révélant le poids de ce secteur économique et son effet d’entraînement.
Mais l’art est aussi un facteur d’attractivité car il permet d’ouvrir le champ des possibles de la réflexion et de l’imagination à une époque de transitions où il ne s’agit plus d’optimiser des voies toutes tracées mais d’inventer de nouveaux chemins, rappelle Chloë Voisin-Bormuth (Directrice générale - Paris-Île de France Capitale Économique). Or les entreprises sont un acteur à part entière de ces transitions et des transformations à mettre en œuvre. Dans l’entreprise aussi, l’art a ainsi son rôle à jouer. Les mondes artistiques et culturels peuvent être des sources d’inspiration dans leur capacité à innover, à s’adapter, à créer. Interroger les liens entre art et entreprise, le rôle et l’évolution du mécénat, l’intégration de l’art dans une stratégie management, c’est prendre en compte ce rôle de l’art, c’est comprendre que l’artiste n’est plus dans sa tour d’argent… mais l’a-t-il été? Chloë Voisin-Bormuth, en retraçant une histoire rapide des liens entre lieux de pouvoir et artistes et plus particulièrement du mécénat et de son évolution, a montré que les relations entre l’artiste et son mécène ont toujours été des relations chahutées entre asymétrie de la relation de pouvoir et émancipation et liberté de l’artiste, recherchée par le mécène lui–même. Car c’est de cette liberté et de cette capacité à voir plus loin que naît l’inspiration.
Cette réflexion sur les fertilisations croisées qui peuvent exister entre les deux mondes constitue un changement de paradigme par rapport aux liens historiques entre art et entreprise, et plus largement entre artistes et mécènes. D’un mécénat incarné par la personne du mécène cherchant à conforter un système de valeurs ou à produire un effet d’affichage, le mécénat devient un outil d’ouverture pour l’ensemble des collaborateurs. Ni totalement désintéressée, ni strictement calculée, l'intégration de l'art dans l'entreprise prend désormais plusieurs formes : accueil d'artistes en résidences, collaborations en mode projet, mécénat sous toutes ses formes, formation… Les trois tables-rondes et le keynote de la soirée ont permis d’éclairer ces différents dispositifs.
En ouverture de la première table-ronde sur les collaborations artiste-entreprise et le programme de résidences d’artistes en entreprises Les MAGNETiques porté par Paris-Île de France Capitale Économique, soutenu par la DRAC Île-de-France et accompagné par Beaux Arts Consulting, Laurent Roturier (DRAC Île-de-France) a souligné deux idées : l’importance de préserver la liberté d’agir et de bousculer de l’artiste et la « destruction créatrice » que peut permettre sa présence. Adaptant le concept de Schumpeter, l’artiste peut détruire les schémas anciens et apporter de nouvelles idées.
C’est ce qui ressort également des échanges de la table-ronde avec Pierre-Emmanuel Becherand (Directeur de l’unité Architecture, Société du Grand Paris), Juliette de Charmoy (Déléguée générale - Fonds de dotation du Grand Paris Express), Simon Chaouat (artiste - Niveau Zéro Atelier) et Judith Gross (Vice-présidente Communication pour la division parfum - IFF). Travailler ensemble ne va pas de soi, même pour une entreprise créative comme IFF, mais c’est cette rencontre - surtout quand elle déstabilise - qui enrichit et inspire. Cela implique un positionnement particulier : les deux parties doivent être curieuses de découvrir l’autre, ouvert à la rencontre et à l’inconfort. De la friction naît la création.
Cette ouverture à l’Autre se retrouve dans l’évolution du mécénat, éclairée par le croisement des regards d’Anne-Laure-Béatrix (Directrice - Beaux Arts Institute) et Emmanuelle Raveau (Directeur de la Communication et du Marketing - EY). EY, par exemple, est depuis de nombreuses années le mécène principal de l’Opéra de Paris. Mais son mécénat a évolué avec une augmentation des contacts entre les danseurs de l’Opéra et les collaborateurs. C’est l’occasion de fédérer, de rendre plus créatifs mais aussi plus heureux selon Anne-Laure Béatrix. À ce changement dans la nature du mécénat, s’ajoute une augmentation de l’engagement des entreprises, encouragé par des évolutions réglementaires qui font de la France une exception : entre 2005 et 2022, le nombre d’entreprises mécènes (tous mécénats confondus) a été multiplié par 9. Cela concerne des entreprises de toutes tailles, avec des budgets adaptés : les TPE représentent 66,3% des entreprises mécènes pour 7% du budget mécénat, les PME 30,1% des entreprises pour 18,9% du budget, les ETI 3,3% pour 26,7% et les grandes entreprises 0,2% pour 47,4%.
La dernière table-ronde a permis d’éclairer un dernier enjeu : celui des arts et des humanités comme outil de formation. Jean-Claude Le Grand (Directeur général des Ressources Humaines - Groupe L’Oréal) et Solenne Blanc (Directrice générale - Beaux Arts & Cie) l’ont montré au travers de l’exemple du Séminaire des Capucins porté par L’Oréal dans les années 1990 et récemment remonté. Ce séminaire propose à des groupes restreints de 20 salariés une semaine de rencontres avec des artistes et des chercheurs. « La complexité des œuvres d’art permet de se frotter à la complexité du monde » a mis en évidence cette dernière. L’enjeu pour Jean-Claude Le Grand est désormais de descendre le séminaire plus bas dans l’organisation, pour que l’impact soit optimal, et de le développer avec d’autres entreprises.
Interroger les liens entre art et entreprise, le rôle et l’évolution du mécénat, l’intégration de l’art dans une stratégie management, c’est prendre en compte ce rôle de l’art à la fois dans le monde de l’entreprise, mais plus largement dans les transitions. L’art est phare et balise, éclaireur et porteur de sens. Dans un monde où l’attractivité de demain est inséparable de la réussite des transitions, Paris-Île de France Capitale Économique s’engage au travers du projet Les MAGNETiques pour rapprocher les arts du monde économique afin de trouver dans ce tandem un puissant levier d’innovation, de fédération et de création à l’échelle de tout un territoire.