Les forêts rendent de nombreux services écosystémiques et représentent le principal puits de carbone terrestre. Toutefois, elles sont victimes du dérèglement climatique qui, à travers vagues de chaleur et sécheresses à répétition, cause des baisses de croissance et peut conduire à la mort des arbres. Augmenter la diversité des espèces d’arbres est une des solutions explorées pour rendre les forêts plus résilientes. Pourtant, les effets du mélange d’espèces sur le risque de dépérissement des arbres suite à des sécheresses et des vagues de chaleur extrêmes restent très mal connus.
Un consortium de scientifiques internationaux impliquant fortement INRAE et le Cirad a conduit différentes études à travers l’Europe pour mieux comprendre comment la diversification des forêts peut permettre d’accroitre leur résilience au changement climatique.
Pour tester l’intérêt de la diversification des espèces, les scientifiques se sont appuyés sur un réseau international de plantations expérimentales, regroupant plus de 20 espèces d’arbres (érables, bouleaux, hêtres, etc.) réparties dans 5 forêts expérimentales situées en France, Allemagne, Belgique, Italie et Autriche. Des mesures sur le terrain et des prélèvements d’échantillons ont été principalement effectués lors des épisodes de sécheresses extrêmes de 2022.
En combinant des mesures physiologiques de stress hydrique (évalué sur le terrain au pic de la sécheresse) et des données sur la résistance au stress (mesurée en laboratoire à partir d’échantillons de branches), les scientifiques ont estimé la valeur du risque de mortalité de chaque arbre face à la sécheresse.
Les résultats montrent que c’est l’identité de l’arbre, et en premier lieu son espèce, qui détermine principalement le risque de mortalité de ce dernier durant une sécheresse extrême, plus que par le fait qu’il pousse en mélange ou en peuplement pur. Par exemple, sur le site expérimental ORPHEE, situé en Gironde dans les Landes, les scientifiques ont observé que chêne vert est plus résistant à cette sécheresse extrême que le bouleau ou le pin ; et ce quelles que soient les conditions de mélange.
Cette résistance liée aux caractéristiques intrinsèques de chaque espèce n’infirme pas l’effet positif global des mélanges sur la survie des arbres, mis en lumière sur des jeunes plants dans une précédente étude du même consortium de scientifiques.[1]
Certaines combinaisons d’espèces ont même des effets très positifs pour la survie des forêts. Par exemple le chêne vert avec le pin, le chêne vert avec le bouleau, l’érable avec le bouleau ou bien le mélèze avec le chêne. Les scientifiques estiment que si les bonnes combinaisons d’espèces sont favorisées par les gestionnaires, le risque de mortalité des arbres sous sécheresse est drastiquement limité de 100 à 200 %. Toujours sur le site expérimental français, le rapprochement spatial des plants de pins et de chênes verts a permis aux chênes verts de bénéficier de plus d’ombre et de mieux résister aux vagues de chaleur.
À travers l’analyse détaillée de certains mélanges, les scientifiques ont ainsi montré que l’association d’espèces aux stratégies d’utilisation de l’eau différentes (comme les chênes et les pins) peut augmenter la résistance à la sécheresse de forêts mélangées.
Ces travaux donnent des clés pour mieux comprendre les mécanismes de résistance à la sécheresse des arbres. Ces connaissances doivent aider à mettre en place une gestion forestière adaptée au dérèglement climatique et à développer des outils prédictifs opérationnels d'adaptation des forêts aux sécheresses extrêmes.
[1] Blondeel H., Guillemot J., Martin-StPaul N. et al. (2024). Tree diversity reduces variability in sapling survival under drought. Journal of Ecology, 112(5), 1164–80. https://doi.org/10.1111/1365-2745.14294