Aux États-Unis, le sujet des clauses de non-concurrence a fait l’objet de débats houleux. Dans au moins dix États, cette pratique est devenue illégale pour les personnels à faible salaire. Le 23 avril dernier, la Commission américaine du commerce (FTC) a voté pour leur interdiction générale. En d’autres termes, non seulement les entreprises n’ont plus le droit d’appliquer ce type de clause à leurs nouvelles recrues, mais les clauses existantes sont considérées comme invalides, à la seule exception des cadres supérieurs.
Le vote de la FTC a jeté de l’huile sur le feu. Les opposants à ces clauses espèrent que leur abolition impulsera un nouveau dynamisme dans l’économie américaine et une hausse des salaires. D’un autre côté, les critiques mettent en garde contre un ralentissement des investissements. Si ce débat revêt autant d’importance, c’est parce qu’un salarié américain sur cinq est lié par une clause de non-concurrence dans son contrat de travail.
Dans ce contexte, les travaux de J. Jeffers fournissent des arguments intéressants en étudiant l’impact des restrictions des clauses de non-concurrence sur les investissements et l’entrepreneuriat d’entreprise. Ils soulignent les liens entre les clauses de non-concurrence et le type de profession, et suggèrent que les entreprises qui s’appuient sur une majorité de « cols blancs » sont particulièrement favorables aux clauses de non-concurrence.
L’étude montre que lorsque les États américains facilitent l’application des clauses de non-concurrence, les investissements physiques (bâtiments, machines, véhicules…) des entreprises implantées dans ces États sont supérieurs de 39 %. Ce constat est d’autant plus vrai pour les entreprises très axées sur le savoir. Pour arriver à ces conclusions, Jessica Jeffers a utilisé des données sur les mouvements de personnel issues de profils LinkedIn anonymisés et regroupés à l’échelle de l’employeur.
Moins d’impact sur l’innovation
D’après cette recherche, les entreprises intensifient leurs investissements physiques (p. ex. immobilisations corporelles) à la suite des changements de la validité des clauses de non-concurrence, mais les investissements dans la recherche et le développement (R&D) ou les demandes de brevet ne semblent pas varier. Par ailleurs, il s’avère que les clauses de non-concurrence nuisent à la création d'entreprises dans les secteurs axés sur la forte intensité de connaissance (production, technologie, recherche). Par ailleurs, il s’avère que les clauses de non-concurrence nuisent à la création d'entreprises dans les secteurs axés sur le savoir. L’idéal étant de trouver un compromis dans les restrictions de la mobilité du personnel, entre la promotion des investissements dans les entreprises existantes d’un côté et le frein à la création d'entreprises de l’autre.
Cette étude menée par la professeure Jeffers propose des recommandations concrètes à la fois pour les responsables politiques et les acteurs de terrain. « Il faut bien comprendre les avantages et les inconvénients des clauses de non-concurrence. Cette étude montre que les entreprises en place peuvent certes tirer profit des clauses de non-concurrence, mais le revers de la médaille est que moins de nouvelles entreprises réussissent à entrer dans les secteurs correspondants », explique-t-elle.