La radiothérapie est une modalité thérapeutique essentielle dans la prise en charge des cancers des enfants et des adolescents. Cependant, elle peut avoir des effets secondaires à long terme, autant pour les tissus sains autour de la zone traitée que pour ceux plus éloignés.
Selon les études épidémiologiques, un patient sur cinq guéri d’un cancer pédiatrique développe une seconde tumeur avant l’âge de 50 ans, avec un risque deux fois supérieur à celui de la population générale, même 40 ans après la fin des traitements. Bien que la prédisposition génétique et certaines chimiothérapies puissent aussi augmenter le risque de second cancer, la radiothérapie reste un facteur de risque majeur. Ainsi, une irradiation crânienne multiplie par dix le risque à long terme de développer une nouvelle tumeur cérébrale. Une irradiation thoracique expose quant à elle les patientes à un risque de cancer du sein comparable à celui des femmes porteuses d’une mutation BRCA1. Enfin, plus l’exposition aux radiations a lieu à un âge jeune, plus le risque de leucémie, cancer du sein, du cerveau et de la thyroïde est élevé.
Développer un outil d’IA pour la radiothérapie de précision
Les systèmes de planification actuels ne permettent pas d’estimer précisément les doses de radiation reçues à distance de la zone traitée, ce qui complique l’évaluation des risques et l’optimisation des traitements pour les réduire. Coordonné par Charlotte Robert, chercheuse à Gustave Roussy et maître de conférences en physique médicale à l’Université Paris-Saclay, le projet DOSELIA vise à répondre à cette problématique en utilisant l’intelligence artificielle pour mieux modéliser l’exposition globale du patient aux rayonnements et anticiper les risques à long terme.
« L’objectif principal de ce projet est la mise au point d’un logiciel de modélisation dosimétrique basé sur l’intelligence artificielle. Il permettra une évaluation précise des doses reçues par l’ensemble du corps chez les jeunes patients dans le cadre d’un traitement par radiothérapie. Toutes les irradiations reçues par le patient au cours de sa prise en charge, y compris celles liées au scanner de planification et aux clichés de positionnement effectués à chaque séance, seront prises en compte. Ce projet permettra également de proposer des modèles de prédiction des risques de cancer secondaire chez les patients guéris. Enfin, cet outil d’IA constituera une véritable aide à la décision clinique, permettant aux radiothérapeutes d’ajuster les paramètres du traitement en fonction du profil de chaque patient, en optimisant l’équilibre entre efficacité thérapeutique et limitation des effets secondaires », précise Charlotte Robert.
Actuellement, des évaluations précises des doses au corps entier des patients nécessitent d’avoir recours à des simulations Monte Carlo, qui permettent de modéliser l’interaction des rayonnements ionisants avec les tissus biologiques. Ces simulations nécessitent cependant l’accès à des supercalculateurs et ne permettent pas un usage clinique direct. DOSELIA entend s’appuyer sur l’intelligence artificielle pour obtenir des résultats comparables en un temps bien plus court.
Valider les modèles avec des données cliniques
Pour valider ses modèles et affiner ses prédictions, le projet DOSELIA s’appuiera sur les données issues du programme HARMONIC, un projet européen qui suit des cohortes d’enfants et d’adolescents traités par radiothérapie par photons ou protons. Financé par la Commission européenne, HARMONIC collige des données cliniques, dosimétriques et biologiques. Grâce à cette collaboration, DOSELIA pourra exploiter une base de données unique en Europe pour entraîner et valider ses algorithmes sur des données réelles, garantissant ainsi une meilleure précision des estimations de doses et des projections de risques pour les futurs patients.
« L’intégration en routine clinique de l’outil d’intelligence artificielle conçu dans le cadre de DOSELIA pourra transformer la radiothérapie pédiatrique en offrant une vision plus fine des doses reçues par l’ensemble du corps. Cette approche permettra aux médecins d’optimiser chaque traitement pour réduire l’exposition des tissus sains tout en maintenant une efficacité maximale contre la tumeur », conclut Charlotte Robert.
Financement et collaboration
DOSELIA a reçu un financement de 944 000 euros de l’Union Européenne dans le cadre de l’appel à projets PIANOFORTE (Grant no. LW Contrat 2025-0019). PIANOFORTE est un programme de recherche européen financé par Euratom, dont l’objectif est de renforcer la protection contre les rayonnements ionisants en améliorant la sûreté des expositions médicales et environnementales.
Liste des partenaires :
- Gustave Roussy (France, coordinateur du projet)
- Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (France)
- Institut national de la santé et de la recherche médicale (France)
- Université de Caen Normandie (France)
- Centre François Baclesse (France)
- Université d'Aarhus (Danemark)
- Hôpital universitaire d'Aarhus (Danemark)
- Université Louis-et-Maximilien de Munich (Allemagne)
- Centre de protonthérapie d'Allemagne de l'Ouest à Essen (Allemagne)
- Hôpital universitaire d'Essen (Allemagne)
Cet effort paneuropéen souligne l’importance de la collaboration pour faire progresser la prise en charge des cancers pédiatriques grâce à l'innovation.
Financé par l'Union européenne. Les points de vue et opinions exprimés sont toutefois ceux des auteurs uniquement et ne reflètent pas nécessairement ceux de l’Union européenne ou de l’Agence exécutive européenne pour la santé et le numérique (HADEA). Ni l'Union européenne ni le financeur ne peuvent en être tenus responsables.