Avec l'avènement du Web 3.0, le métavers apparaît comme le nouveau territoire à conquérir. Un territoire incertain et prometteur à la fois. Incertain, parce qu’il n’en est qu’à ses prémices. Prometteur, parce que tout reste encore à écrire.
Proposer des expériences immersives grâce au métavers
Le métavers apporte une dimension supplémentaire dans la relation des médias avec leur audience : l'immersion. Pourtant, bien que le phénomène prenne de l'ampleur, les initiatives des médias dans les univers virtuels sont encore timides. S'ils s'y intéressent pour la plupart, en consacrant au sujet pléthore d'articles et d'émissions, peu ont encore fait le pari de s’y lancer.
Mais, pour les médias qui l’ont investi, le pari semblerait réussi. À commencer par France Télévisions : le groupe audiovisuel a cédé en premier à la tendance du métavers, en janvier 2022. Dans cette première phase de test, les téléspectateurs étaient invités à retrouver l'univers de Stade 2, leur émission de sport phare, sur la plateforme virtuelle de Meta. Ils pouvaient alors, sous forme d'avatars, visiter le studio virtuel dans un décor hivernal. Des activités sportives leur étaient proposées. Au programme : course de ski, biathlon ou encore bobsleigh. « À travers cette expérience, la direction des sports de France Télévisions est heureuse de poursuivre sa politique d’innovation. Cette initiative nous permet de proposer une première expérience concrète dans le métavers qui sera riche d’enseignements pour concevoir les contenus sportifs du futur. » explique Laurent-Eric Le Lay, directeur des sports, dans un communiqué de presse du groupe.
France Télévisions a réitéré l'expérience quelques mois plus tard à l'occasion de Roland-Garros. « Le but de notre premier essai était essentiellement technique. 1 200 personnes sont malgré tout venues nous visiter. Il n'y avait alors pas vraiment d'occasions d'interagir. C'est pourquoi nous avons souhaité installer un nouvel espace à Roland-Garros et construire des contenus avec la direction des sports. », précise Vincent Nalpas, directeur de l'innovation de France Télévisions, dans une interview au Journal du Net en mai dernier.
Le métavers offre des possibilités narratives, créatives et interactives infinies. En parallèle, le groupe annonce vouloir tester de nouveaux formats d’émissions où les présentateurs seront représentés par leurs avatars. Un projet qui permettra à France Télévisions de mesurer l’appétence des publics pour ces nouveaux formats. Et si les essais ont été concluants, le projet est loin d’être achevé. « Nous devons anticiper les usages de demain, et cela même si nous ne savons pas encore si ces derniers vont prendre auprès de notre public. Nous devons comprendre ce que signifie de travailler sur le Web 3.0 et le métavers. Cela implique très concrètement d'identifier les compétences dont nous aurons besoin et la manière dont cela va impacter la production de nos contenus. », confie Encarna Marquez, directrice du numérique de France Télévisions, au JDN.
D'autres initiatives ont vu le jour. La chaîne franco-allemande Arte a fait ses premiers pas dans le métavers en février dernier. Dans le cadre de son émission Tracks, un journaliste de la chaine a effectué une interview 100% virtuelle, réalisée et filmée dans le métavers. Une expérience inédite et expérimentale qui bouscule les codes du journalisme.
Interview 100% virtuelle de l’artiste LaTurbo Avedon par le journaliste de la chaîne Arte dans le métavers Star Citizen
Les NFT, nouvelles sources de revenus pour les médias
Dans un contexte de diversification de leurs sources de revenus, le métavers pourrait être une réelle opportunité pour les médias. Il ouvre la voie à de nouvelles formes de financements, comme les NFT. Ces jetons, uniques et infalsifiables, sont accessibles à la fois dans les environnements virtuels et en dehors du métavers, en simple format numérique.
Les premières initiatives sont, pour le moment, principalement outre-Atlantique. Les chaînes américaines notamment ont succombé au phénomène des NFT, à l’instar de Fox News ou de CNN. Cette dernière a récemment lancé son projet Vault, une plateforme sur laquelle elle revend, sous forme de NFT, des moments d’antenne historiques : de la chute du mur de Berlin aux images de la guerre du Golfe, en passant par les élections présidentielles. Ce nouveau moyen de financement est l'occasion pour la chaîne de capitaliser sur la richesse de ses archives.
La presse papier se lance également dans l'aventure des actifs numériques. Le Time, l'un des principaux titres américains, commercialise depuis septembre 2021 ses couvertures iconiques sous la forme de NFT. Le succès est au rendez-vous, avec 276 ETH - soit l'équivalent de 450 000 dollars – récoltés pour la vente de trois de ses couvertures emblématiques. Une réussite similaire pour le New York Times : en mars dernier, un article mis en vente en NFT avait rapporté 560 000 dollars au quotidien américain.
Et en France ? Si les NFT se développent à grande vitesse dans le secteur des médias aux Etats-Unis, elles n’arrivent que progressivement en France. En avril dernier, 20 Minutes annonçait le lancement de 20Mint, son magazine gratuit totalement financé grâce à des NFT. Pour démarrer ce projet, 999 NFT ont été mis en vente pour le prix 0,1 ETH pièce - soit environ 280€. Au-delà de participer au financement de ce nouveau magazine, chacun de ces NFT donne à son détenteur le pouvoir de siéger au comité éditorial virtuel de 20 Mint.
La totalité des NFT s'est écoulée en moins de 20 heures. Une réussite qui, pour certains professionnels de l’information, conforte l’idée que les actifs numériques ont leur place dans l’univers des médias. « À l'avenir, les NFT seront très présents dans l'économie, donc l'économie des médias s'y retrouvera. Avoir des outils d'interaction avec sa communauté et de délégation de l’autorité, tout le monde en rêve depuis longtemps. » indique Laurent Bainier, rédacteur en chef de 20 Minutes, en charge du projet 20 Mint, dans un entretien à La revue des médias en avril 2022. Pour lui, c’est une évidence : « Le Web 3.0 va forcément révolutionner les médias. »
Emma Alcaraz