Confrontée au retour d’une guerre de haute intensité sur le continent européen, l’UE a fait passer la défense au rang des priorités absolues. La proposition sur l’EDIP entend lancer la mise en œuvre de la stratégie pour l’industrie européenne de la défense. L’objectif est de renforcer la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE), en particulier pour assurer la disponibilité et la fourniture en temps utile des produits de défense, tout en contribuant au redressement, à la reconstruction et à la modernisation des capacités de défense ukrainiennes.
«La proposition législative de l’UE visant à renforcer sa préparation industrielle dans le domaine de la défense doit être plus solide. Il faut aussi trouver un juste équilibre entre les objectifs stratégiques, le budget proposé et le calendrier», a déclaré Marek Opioła, le Membre de la Cour responsable de l’avis.
Les auditeurs soulignent que l’enveloppe financière proposée de 1,5 milliard d’euros risque de ne pas être à la hauteur des ambitions du programme. Ils font remarquer que la Commission européenne n’a pas évalué le montant nécessaire à prévoir par l’UE pour mettre en œuvre les instruments stratégiques proposés. Ils mettent aussi en garde contre le risque de dispersion des ressources sur un large éventail de projets susceptibles de ne pas avoir d’impact mesurable au niveau européen. Il importera donc de définir des jalons et des cibles qui traduisent des objectifs réalistes atteignables d’ici décembre 2027. Des dispositions d’exécution complémentaires pourraient en outre s’avérer nécessaires pour constituer une base solide de mise en œuvre de l’EDIP et pour cibler l’allocation des fonds. Enfin, pour tirer pleinement parti du soutien fourni sur le budget de l’UE, la Commission européenne devrait envisager de compléter la stratégie actuelle pour l’industrie de la défense par une stratégie de financement à long terme en faveur de la BITDE dans le cadre du prochain budget pluriannuel de l’Union.
Les auditeurs appellent à clarifier et à renforcer les modalités du programme en matière d’obligation de rendre compte, y compris concernant les droits d’audit de la Cour des comptes européenne, qui doivent être respectés. C’est fondamental, compte tenu de la complexité des dispositions sur la gouvernance dans le domaine de la défense, notamment pour les programmes qui ne sont pas gérés directement par la Commission européenne ou pour les volets dont l’exécution est confiée aux autorités ukrainiennes.
Aucune enveloppe financière fixe n’a été allouée à l’instrument de soutien à l’Ukraine prévu par la proposition. Pour soutenir ce pays, les Vingt-Sept sont convenus d’utiliser les profits générés par les actifs d’investissements russes gelés, un pourcentage des recettes correspondantes pouvant alimenter l’instrument de soutien à l’Ukraine. Le montant et la durée du financement provenant d’une telle source sont toutefois imprévisibles.
La proposition confère aussi de nouveaux droits et responsabilités à la Commission européenne en matière de sécurité de l’approvisionnement en produits de défense. Les auditeurs soulignent que le fonctionnement efficace de ce mécanisme dépendra en définitive de la volonté de coopérer des États membres.
Informations générales
Le 5 mars 2024, la Commission européenne a publié sa proposition de règlement relatif à l’établissement du programme pour l’industrie européenne de la défense et d’un cadre de mesures visant à assurer la disponibilité et la fourniture en temps utile des produits de défense. Il est obligatoire de consulter la Cour sur cette proposition. En outre, le Conseil de l’UE a sollicité l’avis de la Cour avant d’examiner ce texte. Le présent avis, qui constitue la contribution de la Cour à la procédure législative, comporte des suggestions de clarifications à apporter à certaines parties du document susceptibles d’avoir un impact sur la gestion financière des fonds de l’UE.L’avis 02/2024 est disponible sur le site internet de la Cour en anglais. Il sera prochainement publié dans d’autres langues officielles de l’UE.