Twitter perd-il sa crédibilité pour les journalistes ?
Depuis le rachat d’Elon Musk, Twitter introduit de nouvelles politiques pour les utilisateurs, qui ont suscité des réactions mitigées. A commencer par son célèbre badge bleu.
Autrefois gratuit et considéré comme un symbole d'authenticité et de notoriété, cette certification permettait aux journalistes présents sur Twitter, de distinguer ces sources des faux profils. Cependant, depuis jeudi 20 avril, des personnalités telles que Donald Trump ou encore Kylian Mbappé, ont perdu leur signe distinctif, tout comme des centaines de milliers de comptes, à moins qu’ils ne s'abonnent à Twitter Blue, pour 8 dollars par mois. Même sort pour le compte du New York Times, ayant perdu sa certification après qu'Elon Musk ait qualifié le titre de « de la propagande, même pas intéressante ».
D’après Elon Musk, cette nouvelle stratégie a pour but de générer de nouveaux revenus et de lutter contre les la prolifération des faux profils. Cependant, dans un article datant du 23 avril, Le Figaro relaye que seulement moins de 5% des 407 000 comptes qui avaient auparavant le badge bleu gratuit se sont abonnés, citant Travis Brown, chercheur spécialisé dans les réseaux sociaux.
Pour Carole Guirado, journaliste au pôle Médias de l'AFP, ce changement du modèle économique « qui n'est plus basé sur l'information, mais sur la capacité financière des utilisateurs à payer pour accéder à des fonctionnalités » a des conséquences sur le rapport aux sources des journalistes : « A l’AFP, nous avons reçu comme directives de ne plus considérer Twitter comme une source en tant que telle. Désormais, nous ne pouvons plus nous reposer uniquement sur ce que l’on trouve sur Twitter, nous devons recouper l’information. »
Des annonces qui divisent
Face aux mutations de la plateforme, plusieurs médias n’ont pas tardé à exprimer leur mécontentement. Qualifiés respectivement par Twitter de « média affilié à l'État » et « média financé par des fonds gouvernementaux » dans le descriptif de leur badge, la radio publique américaine NPR et le groupe de médias public CBC Radio-Canada ont cessé d’utiliser la plateforme. Forme de protestation face à l’apparition sur leur compte de ces libellés jusqu'alors réservés aux médias non indépendants, financés par des gouvernements autocratiques. Face au tollé, Twitter a fini par retirer ces étiquettes controversées... Mais aussi pour l'agence officielle chinoise Xinhua (Chine nouvelle) et la chaîne de télévision russe RT, pourtant interdite de diffusion en Europe du fait de « leur désinformation toxique et nuisible » prorusse depuis le début de la guerre en Ukraine, annonçait la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
Pour autant, d’autres voient ces nouvelles mesures de Twitter comme une aubaine. L’ancien présentateur Tucker Carlson a publié ce mercredi 10 avril une vidéo sur Twitter, dans laquelle il dénonce le fonctionnement des médias grand public et annonce la diffusion sur la plateforme de sa prochaine émission. « Étonnamment, ce soir, il ne reste plus beaucoup de plateformes qui permettent la liberté d'expression. La grande dernière qui reste dans le monde, la seule, est Twitter. », a déclaré le polémiste, après un départ précipité de Fox news dans un contexte agité, où la chaine a été contrainte de verser 787,5 millions de dollars pour éviter un procès en diffamation sur sa couverture complotiste de l’élection présidentielle de 2020. L’annonce comptabilise à ce jour plus de 125 millions vus et près de 878 milles j’aimes.
Les journalistes et Twitter : bientôt la fin ?
Toujours est-il que la défiance envers Twitter s'installe. Alors que l'idée de boycotter ce réseau social faisait les gros titres, certains médias ont commencé à prendre des mesures. La radio publique suédoise Sveriges Radio (SR) a ainsi annoncé, le mardi 18 avril, la fin de ses activités sur Twitter, suivant des décisions similaires prises aux États-Unis et au Canada, comme le relaye le site du Monde.
Malgré tout, selon Carole Guirano, Twitter n'est pas réellement menacé pour autant. « Tant que Twitter sera autorisé, il continuera d'être une source importante pour les journalistes », déclare-t-elle. Selon une étude de Cision menée en 2022, 59% des journalistes l’utilisaient régulièrement pour leur travail, principalement pour surveiller les actualités et les sources d'information. Reste à savoir si les polémiques qui entourent la plateforme, ne finiront pas, malgré tout, par dissuader les journalistes de l'utiliser.
Randa El Fekih