La salle de presse Voiture - Destination «zéro émission»: un virage difficile à négocier

Voiture - Destination «zéro émission»: un virage difficile à négocier

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Cour des Comptes Européenne

Cour des Comptes Européenne

L’avis de la Cour des comptes européenne sur l’avenir de nos voitures
Destination «zéro émission»:
un virage difficile à négocier
 
EN BREF
 
L’Union européenne a mis en place ce qui revient à une interdiction de la vente de véhicules neufs à moteur thermique à partir de 2035. L’objectif? Réduire à zéro les émissions du parc automobile. L’intention est louable, mais la route est jalonnée d’obstacles, qui devront être surmontés pour que cet objectif puisse être atteint. L’UE doit veiller à ce que sa souveraineté industrielle et ses citoyens ne paient pas ses ambitions au prix fort.
 
- Réduire les émissions des voitures: plus facile à dire qu’à faire!
- Carburants alternatifs: nuages à l’horizon
- Véhicules électriques: un casse-tête pour l’UE
- Bornes de recharge: un maillage toujours pas assez dense

Voiture - Destination «zéro émission»: un virage difficile à négocier
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La réduction, voire l’élimination des émissions des voitures particulières est un élément essentiel de la stratégie climatique de l’Europe, l’objectif étant de parvenir à zéro émission nette en 2050. Pour atteindre cet objectif, il faut travailler sur plusieurs axes: réduire les émissions de carbone des voitures à moteur thermique, étudier les possibilités offertes par les carburants alternatifs et parvenir à une adoption massive des véhicules électriques à batterie par le grand public. Ces deux dernières années, la Cour des comptes européenne a publié plusieurs rapports qui démontrent que le premier axe se solde pour l’instant par un échec, que le deuxième ne paraît pas viable à grande échelle (à l’image des biocarburants) et que le troisième risque de coûter cher, tant à l’industrie qu’aux consommateurs européens.
 

Réduire les émissions des voitures: plus facile à dire qu’à faire!

L’UE a fait des progrès dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), sauf dans le secteur des transports, qui représente environ un quart des émissions en Europe, dont la moitié due aux seules voitures particulières.
«Le pacte vert ne se concrétisera jamais si on ne s’attaque pas aux émissions des voitures. Mais nous sommes bien obligés de reconnaître que, malgré des ambitions fortes et des exigences strictes, la plupart des voitures thermiques actuelles émettent toujours la même quantité de CO2 qu’il y a 12 ans.» Nikolaos Milionis, Membre de la Cour.
Bien que les normes d’essai aient été renforcées depuis les années 2010, les auditeurs de l’UE ont constaté que les émissions réelles des voitures thermiques – qui représentent encore près des trois quarts des nouvelles immatriculations – n’ont pas vraiment baissé en 12 ans. L’efficience des moteurs a progressé, mais elle est contrebalancée par l’augmentation du poids moyen des véhicules (+ 10 % environ) et de la puissance moyenne des moteurs (+ 25 % environ) nécessaire pour déplacer une telle masse.
En outre, les auditeurs ont constaté que les voitures hybrides rechargeables, dont on a longtemps considéré qu’elles permettraient de sortir en douceur du tout-thermique, sont toujours classées parmi les véhicules «à faibles émissions», alors que l’écart moyen entre les émissions mesurées en laboratoire et celles constatées sur route est de l’ordre de 250 %.
  • Rapport spécial 01/2024 de la Cour – «Réduction des émissions de dioxyde de carbone des voitures particulières – Enfin un coup d’accélérateur, mais la route est semée d’embûches»


Carburants alternatifs: nuages à l’horizon

Les carburants alternatifs, tels que les biocarburants, les carburants de synthèse ou l’hydrogène, sont souvent cités comme des successeurs potentiels de l’essence et du gazole. Toutefois, dans leur rapport sur les biocarburants, les auditeurs ont mis en évidence l’absence d’une feuille de route précise et stable pour résoudre les problèmes à long terme du secteur: la quantité de carburant disponible, les coûts et le respect de l’environnement.
«Parce qu’ils ne sont pas disponibles sur une grande échelle, les biocarburants ne peuvent pas constituer une solution de rechange fiable et crédible pour faire le plein.» Nikolaos Milionis, Membre de la Cour.
Premièrement, la production intérieure de biomasse n’est pas suffisante pour que les biocarburants représentent une alternative sérieuse aux combustibles fossiles traditionnels. Le fait d’importer principalement cette biomasse de pays tiers va totalement à l’encontre de l’objectif d’autonomie stratégique dans le domaine de l’énergie. Dans la course aux matières premières, les biocarburants sont aussi en concurrence avec d’autres industries (par exemple agroalimentaire, pharmaceutique et cosmétique).
Deuxièmement, les auditeurs de l’UE ont conclu que les biocarburants ne sont pas encore compétitifs sur le plan économique, en partie à cause de ces problèmes d’offre et de demande de biomasse. Force est de constater que les biocarburants sont tout simplement plus chers que les carburants fossiles. En outre, les prix des quotas d’émission sont actuellement inférieurs au coût de la réduction des émissions de CO2 obtenue grâce aux biocarburants, qui ne bénéficient d’ailleurs pas toujours d’une fiscalité avantageuse dans les pays de l’UE.
Enfin, et surtout, les auditeurs ont constaté que les avantages environnementaux des biocarburants étaient surestimés. Les matières premières utilisées pour les produire peuvent participer à la destruction des écosystèmes et nuire à la biodiversité, à la qualité des sols et de l’eau, ce qui soulève inévitablement des questions éthiques sur les priorités relatives accordées à l’alimentation et aux carburants.
  • Rapport spécial 29/2023 de la Cour – «Aide de l’UE en faveur des biocarburants durables dans les transports – Une trajectoire imprécise»
 
 
Par conséquent, comme les émissions de CO2 des moteurs thermiques n’ont pas été ou ne peuvent pas être réduites, les véhicules électriques à batterie semblent être la seule solution viable. Toutefois, les auditeurs ont relevé des problèmes tant du côté de l’offre que de la demande, qui pourraient mettre l’UE dans l’impasse, tiraillée entre la stratégie du pacte vert pour l’Europe et sa souveraineté industrielle.
 

Véhicules électriques: un casse-tête pour l’UE

Les auditeurs ont constaté que l’industrie européenne des batteries est à la traîne par rapport à ses concurrents, qui pourraient court-circuiter la capacité de production de l’Europe avant même qu’elle soit parvenue à pleine charge. Moins de 10 % de la capacité de production mondiale de batteries est basée en Europe, et la grande majorité d’entre elles sont fabriquées par des entreprises non européennes. La Chine détient à elle seule 76 % des capacités mondiales.
«Les voitures électriques pourraient vraiment poser un double dilemme à l’UE, potentiellement tiraillée entre ses priorités écologiques et sa politique industrielle, d’une part, et entre ses ambitions environnementales et le porte-monnaie de ses consommateurs, d’autre part.» Annemie Turtelboom, Membre de la Cour.
Autre nid-de-poule en perspective pour l’industrie européenne des batteries: sa dépendance extrême aux importations de ressources en provenance de pays tiers avec lesquels elle ne dispose pas d’accords commerciaux satisfaisants. Elle importe 87 % de son lithium brut d’Australie, 80 % de son manganèse d’Afrique du Sud et du Gabon, 68 % de son cobalt de la République démocratique du Congo et 40 % de son graphite de Chine. Au-delà du facteur contraignant des coûts liés à la dépendance aux importations de matières premières très demandées, bon nombre des pays d’origine sont instables politiquement ou présentent des risques géopolitiques pour l’autonomie stratégique de l’Europe. Sans parler des conditions sociales et environnementales dans lesquelles ces matières premières sont extraites.
Les auditeurs ont également souligné que, malgré des aides publiques importantes, le coût des batteries produites dans l’UE reste beaucoup plus élevé que prévu. Cela nuit inévitablement à la compétitivité du secteur par rapport à d’autres acteurs mondiaux, ce qui pourrait se traduire par la mise sur le marché de véhicules électriques européens à des prix inabordables pour une grande partie de la population. Depuis que les auditeurs de l’UE ont publié leur rapport sur les batteries, les ventes de voitures électriques neuves semblent avoir connu une forte hausse en Europe (1,5 million d’immatriculations l’année dernière, soit 1 nouvelle immatriculation sur 7). Toutefois, des études récentes ont montré que ces ventes étaient subventionnées par les pouvoirs publics et concernaient principalement des véhicules à plus de 30 000 euros. Une part importante de ce coût est liée aux batteries, dont le prix peut atteindre la somme astronomique de 15 000 euros en moyenne sur le Vieux continent. En résumé, si la capacité et la compétitivité de l’UE n’augmentent pas de manière significative, la «révolution de l’électrique» en Europe risque d’être tributaire des importations et de nuire, en définitive, à l’industrie automobile européenne et à ses plus de trois millions d’emplois manufacturiers.
  • Rapport spécial 15/2023 de la Cour – «La politique industrielle de l’UE en matière de batteries – Un nouvel élan stratégique est nécessaire»


Bornes de recharge: un maillage toujours pas assez dense

L’électromobilité passe nécessairement par des infrastructures de recharge suffisantes. Dans la pratique cependant, il existe toujours un obstacle à l’accessibilité pour de nombreux Européens qui seraient tentés par la voiture électrique.
«L’UE n’a pas toutes les cartes en main en ce qui concerne l’électrification de son parc automobile: l’accès aux matières premières, les coûts à la charge de son industrie et de ses citoyens, ainsi que le manque d’infrastructures, pourraient lui faire perdre son pari.» Annemie Turtelboom, Membre de la Cour.
Dans un rapport de 2021 sur les infrastructures de recharge dans l’UE, les auditeurs ont constaté que, malgré plusieurs réussites comme l’émergence d’une prise standard commune au niveau européen pour la recharge des véhicules électriques, parcourir les routes des Vingt-Sept au volant d’une voiture électrique reste compliqué. Premièrement, il n’y a pas assez de points de recharge sur l’ensemble du territoire et, au moment de l’audit, l’objectif du million de bornes en 2025 était encore loin d’être atteint. Deuxièmement, la disponibilité de bornes de recharge ouvertes au public varie considérablement d’un État membre à l’autre. Ce type de borne est particulièrement rare à l’est, 70 % des points de recharge étant situés en France, en Allemagne et aux Pays-Bas. Enfin, les auditeurs ont souligné que faute d’informations en temps réel et d’un système de paiement harmonisé, sillonner l’Europe en électrique est encore loin d’être une affaire qui roule.
  • Rapport spécial 05/2021 de la Cour – «Infrastructures de recharge pour véhicules électriques: des bornes de recharge plus nombreuses mais inégalement réparties dans l'UE, ce qui complique les déplacements»
 
 

Une route semée d’embûches

 Pour réussir son pari ambitieux d’un parc automobile «zéro émission», l’Europe a principalement misé sur les véhicules électriques à batterie.
Toutefois, l’Union doit concilier le pacte vert non seulement avec la souveraineté industrielle, mais encore avec l’accessibilité financière pour les consommateurs.
Il est urgent d’agir pour donner les moyens à l’industrie européenne de produire des voitures électriques sur une grande échelle à des prix compétitifs, tout en sécurisant l’approvisionnement en matières premières et en accélérant le déploiement des infrastructures de recharge sur l’ensemble du continent.
 
 

Avis à la presse

Tous les rapports mentionnés ici sont disponibles dans 24 langues de l’UE sur le site internet de la Cour.
Les données citées proviennent principalement de l’Observatoire européen des carburants alternatifs (EAFO), de l’ICCT (International Council on Clean Transportation) et de l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA).
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