Qu’est-ce que le journalisme tech ?
Il n’existe aucune définition permettant d’établir précisément les frontières de cette spécialité, mais l’on peut considérer qu’il s’agit de l’ensemble des productions journalistiques sur la manière dont la technologie façonne et reflète la vie sociale, politique et culturelle. Des nouveaux produits destinés au grand public aux biais de l’IA, en passant par les investissements des GAFAM, la presse tech aborde aujourd’hui un vaste panel de sujets. Et cela se ressent dans les pratiques de la presse : la majorité des grands médias possède désormais une équipe dédiée à la couverture des évolutions de la technologie - ce qui n’était pas le cas il y a dix ans.
En 2014, Le Monde devenait pionnier en la matière en créant la rubrique Pixel. En 2019, à titre d’exemple, c’est le média en ligne Konbini, qui créait sa verticale Konbini Techno. Dernier en date, la chaîne de télévision BFMTV, qui a lancé en juin 2022 sa “plateforme 100% dédiée à la technologie”, intitulée Tech & Co et dotée d’une équipe de six personnes. “Il est devenu presque normal de voir des articles grands publics critiquer l’apprentissage automatique, les technologies de surveillance ou les plateformes de médias sociaux”, note dans un article le Nieman Lab, le centre de recherche de Harvard sur le journalisme.
Trop d’e-mail tue l’e-mail
Un vaste écosystème médiatique et de sujets abordés, donc. Pour quelles relations entre communicants et journalistes ? Des relations essentielles, par la diversité des sujets potentiels - sorties de produits, événements du monde de la technologie, innovations régulières - qui multiplient les tentatives de prise de contact du côté des communicants. “Je reçois environ 200 e-mails par semaine, dont beaucoup viennent de communicants et de relations presse de marques”, explique Pierre Bazin, journaliste tech et gaming de Konbini.
Ce sont bien souvent des dizaines de courriels reçus qui ne sont jamais vraiment lus. “Il y a peu de mails qui aboutissent sur quelque chose en termes de production éditoriale. La majorité, ce sont des communiqués de presse qui sont souvent impersonnels ou loin de mes sujets. On a parfois le sentiment que tout le monde tente sa chance sans véritablement s’intéresser aux sujets ou à la ligne éditoriale du média à qui on envoie un communiqué”, continue le journaliste.
Cette semaine de janvier 2023, on pouvait y trouver pêle-mêle un communiqué sur le Festival de l’IA de Cannes, des statistiques sur le nombre de temps passé mondialement sur la plateforme Twitch en 2022 ou des informations sur la dernière arme d’un jeu vidéo multijoueur. Pierre Bazin soulève trois problèmes principaux dans l’utilisation des courriels pour faire parvenir des informations : des communiqués trop peu calibrés aux besoins d’un média donné, la multiplication des boucles automatiques d’envoi et, concernant la tech, le retard des communiqués français sur les réseaux sociaux ou la presse anglophone. “Dans la presse tech, les communiqués en France vont avoir du retard sur la presse anglo-saxonne. De grands médias américains comme The Verge vont avoir l’info au préalable, ou alors un leak sur les réseaux sociaux va sortir avant que le communiqué ne soit envoyé. Il peut parfois s’écouler 24 heures entre les deux”, explique-t-il.
Des relations essentielles entre communicants et journalistes tech
L’e-mail est-il donc un parasite ? Non, c’est aussi une porte d’entrée vers des relations professionnelles plus durables. “Il faut adapter l’envoi de mail et de communiqués dans la forme et dans le fond à chaque média”, explique-t-il. “Mais ensuite, quand je connais un communicant ou RP, il me sort des boucles automatiques. Il m'envoie donc des emails plus personnalisés et calibrés à mes sujets. A ce moment-là, je vais prendre le temps de les lire dans le détail.”
C’est en réalité à partir d’un e-mail correctement calibré que les relations entre journalistes tech et communicants vont pouvoir se développer par d'autres canaux : SMS, messageries… et bientôt, dans les métavers ?