Le Média De journaliste à communicant et de communicant à journaliste : avec celles et ceux qui ont changé de voie
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De journaliste à communicant et de communicant à journaliste : avec celles et ceux qui ont changé de voie

RP Media

Ce sont deux univers qui se côtoient mais ne se mélangent pas. Pourtant, certains d’entre eux ont pris la décision de changer de bord. Ils et elles évoquent cette reconversion à MediaConnect.   

De journaliste à communicant et de communicant à journaliste : avec celles et ceux qui ont changé de voie
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Dans un article publié sur le site de France Culture intitulé Ces journalistes qui deviennent communicants”, le journaliste Frédéric Says évoque la “muraille de Chine” qui sépare les deux corps de métier. D’un côté de la muraille, le journalisme qui informe le grand public et dont le statut est consacré par la loi Brachard de 1935, de l’autre  la communication qui promeut un produit ou un service.  
 
Pourtant les deux domaines ne cessent de se croiser. Les communicants courent après les journalistes tandis que les journalistes se servent des communicants pour avoir accès aux personnes et informations qu’ils convoitent. À tel point que certains finissent même par changer de camp.  
 

“J’ai appris à me prendre des vents” 

Klervi Dalibot, 33 ans, a passé plus de huit ans au sein du groupe Warner au service relation presse puis au marketing. Depuis septembre 2022, elle travaille en tant que journaliste télé chez France 3 et Euronews. “Je ne suis pas partie parce que j’en avais marre”, précise-t-elle, “cela ne m’intéressait pas d’évoluer verticalement, de devenir directrice de la communication, je voulais plus de contenu.” Celle qui a toujours aimé écrire cherchait à se tourner vers le journalisme depuis quelques années. Le Covid a accéléré les choses. Klervi intègre une formation pour les profils en reconversion à l’ESJ Montpellier où elle opte pour la spécialisation télé. “C’était maintenant ou jamais”, lance-t-elle. Deux stages, l’un chez FranceInfo et l’autre chez France 3 Ile-de-France confirment qu’elle ne s’est pas trompée. “Je me suis découverte une passion pour l’actualité, pour la diversité des sujets. J’ai besoin d’être stimulée intellectuellement”, souligne la nouvelle journaliste.  
 
La différence notable avec la communication réside dans le contenu même. Elle explique : “je ne fais pas de publi-communiqué, je ne fais pas de reportage pour faire plaisir à la personne.” Mais ses années d’expériences professionnelles chez Warner ne lui ont pas servi à rien, bien au contraire. “J’y ai appris à appeler des gens et à me prendre des vents”, se souvient-elle, amusée. Au-delà des qualités rédactionnelles qu’elle a développé au cours de ces années dans son ancien job, Klervi se sert de sa connaissance des rouages de la communication pour son nouveau métier. “Cela me permet de décrypter les éléments de langage des attachés de presse et de mieux déceler le discours d’un communicant”, analyse-t-elle. Et d’ajouter : “j’essaie toujours d’être sympa avec les RP, de leur transmettre le lien d’un sujet quand il sort. Je sais le travail que cela représente.”  
 

“Amener les entreprises dans la presse” 

Tu es le dernier que je voyais faire de la comm’”, a lancé l’un de ses anciens collègues du Monde à Adrien de Tricornot, 53 ans, à la suite de sa reconversion. Pourtant, après 30 années de journalisme, celui qui est passé par L’Expansion, Le Monde et Xerfi Canal officie désormais comme directeur conseil au sein de l’agence de communication corporate Ulysse Communication. “Un titre ronflant” comme il le dit, qui consiste à gérer les clients, écrire des communiqués, des argumentaires, des tribunes, et pitcher certains sujets aux journalistes. Nicolas Daniels, ancien journaliste lui aussi et fondateur de l’agence, précise : “notre boulot est d'amener les entreprises dans la presse. Nous devons les aider à créer l’actualité. Les compétences d’un journaliste servent à cela, à construire une histoire.” Et l’ancien journaliste du Figaro d’ajouter : “les journalistes ont des compétences assez pointues qui peuvent servir à d’autres univers comme la communication. Des compétences d’analyses notamment puisque l’on doit potasser pas mal d’études, de données, de faits. On peut donner du sens à cet ensemble.” 
 
Bien qu’Adrien s’épanouisse dans son nouveau métier, (“on me trouve beaucoup plus détendu depuis que je ne suis pas journaliste, cela doit me réussir”), il le sait, faire demi-tour sera difficile. “Mes anciens collègues du Monde ne m’ont pas mal jugé mais ils estiment que l’on ne peut pas revenir dans la presse, c’est sans retour”, reconnaît-il.  
 

Retrouver une vie normale et une stabilité professionnelle  

Un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, c’est l’une des raisons qui a fait que Cassien, 29 ans, a abandonné son poste de journaliste reporter d’images (JRI) au journal télévisé de TF1 pour la communication. “Ce boulot me passionnait, être dépendant de l’actualité, être sur le terrain. Mais c’était très difficile de prévoir des choses car on pouvait m’appeler au dernier moment pour partir en France ou en Europe. Je l’adorais mais ce travail allait me tuer”, pointe-t-il. Outre la précarisation de l’emploi, la succession des CDD qui lui ont fait perdre son emploi pendant le premier confinement, Cassien décide de ne pas reprendre lorsque la situation sanitaire s’est améliorée.  
 
Aujourd’hui content manager en CDI au sein de BNP Paribas Real Estate, il gère les sites corporate externes de la société et ses différentes publications éditoriales. La liberté de ton journalistique lui manque-t-elle ? “Je n’ai jamais été confronté à des choses que je ne voulais pas dire. Je suis en effet moins factuel que lorsque j’étais journaliste, aujourd’hui j’use davantage de superlatifs quand je rédige. Mais je n’ai jamais travaillé pour Mediapart ou le Canard Enchaîné où ils font de grandes enquêtes. Chez TF1, la liberté de ton était relative car on me donnait un sujet à faire et j’y allais. Je respectais leur ligne éditoriale”, nous confie-t-il.  


“Je me sens beaucoup plus alignée” 

Contrairement à Cassien, Laure, 35 ans, journaliste web pour l’ADN, a vécu comme une libération de pouvoir renouer avec une certaine liberté de ton. “Cela me prenait de l’énergie de rester polie et cordiale. On bénéficie d’une grande liberté de ton dans la presse. C’était mon rêve depuis longtemps”, se remémore-t-elle. Salariée d’une agence de RP, Laure pose sa démission après qu’un journaliste lui a hurlé dessus et qu’un client a envoyé un “mail détestable”. Une formation en journalisme à la Street School plus tard, la voilà de l’autre côté de la muraille. Un passé qui a valeur d’expérience empirique. “Aujourd’hui je reçois des CP qui m’annoncent que le directeur marketing d’une industrie de la viande a été nommé, alors que ce n’est pas mon sujet. Mais ce n’est pas de leur faute, ils manquent de temps pour faire leur travail”, indique-t-elle.  
 
Bien qu’elle ait divisé son salaire par 2 son salaire, Laure ne regrette pas son ancienne vie et conclue : “Je me sens beaucoup plus alignée”. 


Matthieu Maurer (Contributeur)