Twitter, un outil incontournable pour les journalistes
Certains journalistes ont parlé de « menace pour l'avenir de la liberté de la presse ». Preuve que Twitter n'est pas un simple média social. Aujourd'hui, la plateforme a dépassé le statut de simple espace de microblogging et est devenue un véritable outil pour les journalistes. Un outil d'ailleurs essentiel, puisque 70% d'entre eux l'utilisent au moins 2h par jour dans le cadre de leur travail, selon une étude Cision de 2018. Le réseau social à l'oiseau bleu s'est imposé dans le quotidien des professionnels de l'information. Une utilisation notoire et assumée, comme l’illustre la quête au badge bleu, preuve de statut ultime : un quart des comptes certifiés sur Twitter sont ceux de journalistes, d’après un rapport Brandwatch de 2020.
Quel usage les journalistes font-ils de Twitter ? Ils publient et promeuvent leurs contenus, ils font de la veille, ils collectent des informations, ils créent des liens avec leur audience... Les raisons pour lesquelles ce réseau social est devenu incontournable chez les détenteurs de la carte de presse sont nombreuses. « Twitter est une extension du bureau des journalistes. C'est là qu'ils font la promotion de leur travail, expriment des idées ou trouvent des sources d'information. », explique Anthony Bellanger, secrétaire général de la Fédération internationale des journalistes, dans leur dernier communiqué.
L’une des spécificités de ce média social particulièrement appréciée est son instantanéité. Twitter s'avère efficace dans la veille de l'actualité chaude : tout au long de la journée, les journalistes sont informés des derniers événements, des dernières annonces, des dernières réactions... en direct sur leur timeline. Et pour les aider à organiser l'océan de contenus qu'est Twitter, ils ont à leur disposition des outils comme TweetDeck, qui leur permet de de configurer des flux personnalisés pour suivre uniquement les sujets qu'ils traitent.
Twitter et les journalistes, une relation qui bat de l’aile
Seize ans après son lancement, la relation entre Twitter et les journalistes connait quelques turbulences. Désormais, le débat n'est plus au nombre de caractères. Aujourd’hui, les professionnels de l’information s’interrogent sur leur pratique du réseau social.
Certains s’inquiètent par exemple des bulles conversationnelles, qui peuvent traduire un enfermement dans une sphère de contenus, limitant l'accès à une plus grande diversité de sources. Les journalistes sont seulement exposés aux comptes qu'ils ont choisi de suivre. « J’essaie de suivre le moins de journalistes possibles pour ne pas tourner en rond dans une chambre d’écho. » admet Luc de Barochez, journaliste au Point, dans cet article de la Revue des médias. Le risque est alors de confondre Twitter avec la réalité et de s’en contenter.
Face à ce constat, le média américain Insider avait décidé, pendant une semaine, de bannir le réseau social des ordinateurs de ses journalistes. Sa rédactrice en chef, Julie Zeveloff West, justifiait cette décision dans la matinale AM2DM de BuzzFeed - une émission exclusivement diffusée... sur Twitter : « La Twittosphère peut être un bocal à poissons, en particulier dans le monde des médias. Ce défi pour mon équipe est une opportunité pour eux de sortir des sentiers battus, de creuser dans d'autres sources, de réfléchir à d'autres endroits où ils peuvent trouver des informations plutôt que de simplement les regarder défiler sur Tweetdeck. »
Sur Twitter, l'information va vite : la durée de vie d'un tweet est de 20 minutes. Or, ce rythme effréné peut créer une dépendance ; la veille sur Twitter devient alors une activité chronophage pour les journalistes. « Le risque est aussi de ne plus savoir ce qui mérite l’attention, quand on entend « old » parce qu’une information a plus de trois heures, en oubliant que la plupart des gens n’en ont jamais entendu parler. » confie un journaliste à La Revue des Médias.
Quelles réponses apporter ?
Dans ce contexte, des initiatives voient le jour. Plusieurs médias ont mis en place des chartes d'utilisation des réseaux sociaux, à l'image de l'AFP ou encore France Télévisions. Celles-ci sont régulièrement mises à jour et servent à encadrer l'utilisation du réseau social par les journalistes. « Ne pas diffuser de rumeurs ni d’informations non confirmées », « être prudent dans l’usage des retweets sans commentaire qui peuvent être perçus comme une adhésion » ... sont par exemple des bonnes pratiques citées dans la charte déontologique de Franceinfo.
En bref, sortir de la forte dépendance à Twitter ne veut pas dire s'en détourner totalement. Cet outil reste utile pour les journalistes s'il est correctement employé. Un avis partagé par Dean Baquet, rédacteur en chef du New York Times, dans une note envoyée à son équipe, leur conseillant de passer moins de temps sur le réseau social : « Tweetez moins, tweetez de façon plus consciencieuse, consacrez plus de temps à l'enquête. ». Sans pour autant bannir son utilisation : « Ce n'est pas une attaque à Twitter. Twitter a une valeur incroyable. ».
Emma Alcaraz