Élaboré à la suite de négociations acharnées entre l'Europe et diverses plateformes, ce cadre réglementaire vise à revoir en profondeur le fonctionnement des services numériques, aussi bien des réseaux sociaux que des vendeurs en ligne. Parmi les plateformes visées par le DSA se trouvent : Google, YouTube, Amazon, Facebook, Instagram, Twitter et TikTok, soit dix-sept des plus grandes plateformes ainsi que deux moteurs de recherche opérant en Europe, totalisant au moins 45 millions d'utilisateurs. Les entreprises de moindre envergure devront se conformer à ces nouvelles règles européennes à partir de février 2024.
Les algorithmes dans le viseur
Devenus des compagnons quotidiens pour 80,5% des Français, selon une étude de CB News, l’omniprésence des réseaux sociaux a profondément altéré notre manière d'interagir avec l'information, mettant en lumière les mécanismes complexes qui dirigent nos flux d'actualités.Ce phénomène, désigné sous le terme de "bulles informationnelles" ou "bulles de filtrage", créées de façon algorithmique, peut réduire la portée des utilisateurs à un ensemble d'informations et de perspectives limitées. Ce processus, qui sévit sur des médias sociaux, a permis d'alimenter de nombreuses théories complotistes. Dans une interview pour Ouest France, Aurélie Jean, Docteure en sciences numériques et auteure de l'essai "Les algorithmes font-ils la loi ?" (Ed. de L'Observatoire, 2021) attire l'attention sur les dangers de ces bulles et plaide pour leur régulation, tout en soulignant la complexité de les régir : "On ne peut pas réguler un algorithme car dans la plupart des cas, on ne peut pas l’évaluer entièrement."
L'activation de ce dispositif contraint à plus de transparence les mécanismes de fonctionnement des plateformes numériques en Europe. Thierry Breton, le commissaire européen a promis de "faire respecter scrupuleusement le DSA ", relaye un article du Huffpost. " L’Europe est aujourd’hui la première juridiction au monde où les plateformes en ligne ne bénéficient plus d’un passe-droit et ne fixent plus leurs propres règles. Elles sont désormais des entités réglementées au même titre que les institutions financières", précise-t-il.
Les plateformes face à ces nouvelles réglementations
« Nous accueillons favorablement les réglementations sur la sécurité en ligne » : voilà la notification reçue par les utilisateurs de Tiktok ce 25 août.
(Capture d'écran d'une notification reçue par les utilisateurs de Tiktok)
Epinglé à plusieurs reprises par la France pour ses pratiques, le géant chinois, s’est fendu d’un communiqué de presse décrivant ses efforts pour faciliter les signalements et annonçant la possibilité de désactiver son algorithme de recommandation en Europe. D'après Thierry Breton, Meta emploie plus de 1 000 individus pour se conformer aux nouvelles exigences européennes. En juin, Elon Musk a également promis que X (ex-Twitter) respecterait la réglementation de l'UE, sans donner pour autant plus de détails sur des mesures concrètes. Vendredi, le milliardaire a affirmé que la plateforme travaillait intensément pour se conformer aux règles européennes.
L’impact sur le monde de la communication
Le Digital Service Act (DSA) permet aux utilisateurs de désactiver l'algorithme de suggestion de contenu, ouvrant ainsi, en principe, la voie à une expérience moins influencée et plus ouverte. Pour atteindre leurs publics, influenceurs et entreprises devraient donc être contraints de repenser leur approche.
Le texte européen pourrait avoir des effets sur la visibilité des contenus sponsorisés et l'interaction du public. Parmi les modifications induites par le DSA, on peut noter :
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Les plateformes sont tenues de mettre en place un moyen de signalement pour les utilisateurs européens, leur permettant ainsi de signaler tout contenu illégal dans la vie réelle (comme par exemple, un bouton "Signaler un contenu illégal en Europe").
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Les plateformes de vente en ligne (telles qu'Amazon, Aliexpress) doivent désormais vérifier la fiabilité d'un vendeur avant de l'autoriser à opérer sur leurs sites.
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Les plateformes doivent rendre public le fonctionnement de leurs algorithmes.
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Les publicités ciblées sont dorénavant prohibées pour les mineurs. Facebook et Google ne sont plus autorisés à personnaliser la publicité pour les personnes de moins de 18 ans.
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Les publicités ne peuvent plus cibler des groupes religieux ou des orientations sexuelles.
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Chaque flux doit avoir une alternative sans intervention algorithmique, ce qui pourrait être un flux chronologique limité aux personnes suivies par l'utilisateur, pour éviter toute influence informatique sur les pensées.
Ces nouvelles réglementations semblent amorcer une ère nouvelle pour la communication numérique. Désormais, reste à savoir comment les stratégies de communication vont être adaptées à ces nouvelles règles du jeu.
Randa El Fekih