Le Média Gaëlle Dupont (Le Monde) : « Les communicants doivent comprendre nos impératifs ».
Interview

Gaëlle Dupont (Le Monde) : « Les communicants doivent comprendre nos impératifs ».

Bonnes pratiques RP

MediaConnect donne la parole à celles et ceux qui reçoivent les communiqués de presse. Dans cette interview, Gaëlle Dupont, cheffe du service Planète au Monde, répond à nos questions sur ses attentes vis-à-vis des communicants. Nouvel épisode des clés des RP. 

Gaëlle Dupont (Le Monde) : « Les communicants doivent comprendre nos impératifs ».
Gaëlle Dupont, journaliste au Monde, donne les clés des RP
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Quelles sont les thématiques couvertes par le service Planète au Monde et comment choisissez-vous vos sujets  

Nous traitons du climat, de la biodiversité, des politiques publiques environnementales, de l’eau, des océans, des pollutions, etc. En résumé, nous écrivons sur l’environnement au sens large, mais aussi sur l’alimentation, et la santé globale.  

Concernant les sujets que nous traitons, ceux qui sont dans l’actualité s’imposent évidemment. Ce sont par exemple les catastrophes naturelles, les vagues de chaleur, sécheresses, inondations... Sur ce type d’actualité, les agences de presse et les réseaux sociaux sont les premières sources d’information. Même si nous nous méfions beaucoup de ces derniers, c’est souvent là que se trouvent les premières alertes.  

Nous couvrons aussi toute l’actualité institutionnelle, les rapports d’experts, les projets et propositions de loi, les négociations internationales... Une part importante de notre travail consiste en ce moment à décrypter la déconstruction des normes de protection de l’environnement.  

Nous lançons également nos propres sujets, en choisissant de réaliser des enquêtes et reportages. Par exemple, une journaliste du service s’est rendue fin avril dans la baie du Mont Saint Michel pour raconter la situation d’un village menacé par la montée des eaux. Ses habitants réclament la construction d’ouvrages de protection, probablement vainement. Autre exemple, nous avons récemment publié une série d’articles révélant une vaste fraude sur le traitement des eaux minérales du groupe Nestlé.  

Il y a donc, d’un côté, les sujets qui s’imposent, et de l’autre, ceux que nous décidons d’explorer. Dans tous les cas, ceux pour qui nous travaillons, ce sont nos lecteurs. Et les questions que nous nous posons sont toujours les mêmes : ce sujet est-il susceptible de les intéresser, quels éléments de compréhension devons-nous leur donner ?   

 

Dans quelle mesure une information proposée par un communicant peut-elle vous intéresser  

Avant tout, il faut qu’elle soit pertinente et s’inscrive dans les thématiques que nous traitons. Je perds beaucoup de temps à jeter des mails franchement à côté de la plaque, et à bloquer leurs expéditeurs. Il est essentiel d’offrir la possibilité de se désabonner d’une liste d’envoi, comme le veut la loi. Le partage non consenti d’adresses mail est également un fléau. 

Il faut que le sujet dont veut parler le communicant soit clairement énoncé. Il n’y a pas besoin d’ajouter des smileys et des clignotants partout. Un titre informatif doit suffire à arrêter notre regard. Ensuite, le corps du communiqué doit être clair et concis.    

Une bonne information pour nous, c’est celle qui va résonner avec une actualité. Au sein du service Planète, nous interagissons beaucoup moins avec les entreprises que nos collègues du service Économie, qui traitent notamment des enjeux de RSE. Nous sommes en revanche très souvent en lien avec les communicants d’institutions de toutes sortes, de politiques, d’organisations non gouvernementales. 

Nous consacrons rarement un article à une entreprise. Même si beaucoup s’engagent dans des démarches de transition énergétique, si elles suivent simplement le mouvement, cela ne suffira pas en soi à justifier une couverture. Nous préférons traiter de dynamiques plus larges. Une entreprise peut faire l’objet d’un sujet si elle se distingue par une initiative innovante, comme le développement d’une méthode de dépollution ou le lancement d’un produit technologique réellement nouveau. Dans ce cas, notre travail consiste à questionner la viabilité de l’innovation.   

Pour communiquer, il faut avoir quelque chose de fort et d’original à montrer. Si vous êtes simplement dans le mouvement, c’est bien, mais ne vous attendez pas à de nombreux articles dans la presse.  

 

Quelles sont vos recommandations pour un communicant qui souhaite s’adresser à des journalistes  

Avant d’envoyer un communiqué, il faut se demander quel journaliste pourrait être intéressé par le sujet. C’est en lisant les journaux et les sites qu’on peut identifier les destinataires les plus pertinents. Si vous faites un vrai travail de veille et de lecture, vous repérez très vite les signatures et leurs spécialités. Cela permet de cibler efficacement les envois et de faire gagner un temps précieux à tout le monde.  

Pour moi, les conférences de presse restent un format utile. C’est un bon moyen de se voir en personne.   

Il est tout à fait possible d’avoir de bonnes relations avec les communicants, à condition qu’elles reposent sur le respect du travail de l’autre. En tant que journalistes, nous connaissons les impératifs des communicants, dont le rôle est de défendre et? valoriser leurs employeurs. En retour, ils doivent comprendre que nos objectifs sont très différents : nous sommes là pour informer nos lecteurs.   

 

Justement, comment bien travailler ensemble malgré les différences entre ces deux métiers  

Pour moi, c’est vraiment une question de respect et de compréhension des attentes de la personne à qui l’on s’adresse. Les communicants avec qui j’ai le mieux travaillé connaissaient notre métier, répondaient au bon moment, et nous orientaient rapidement vers les bons interlocuteurs.   

Récemment, j’ai été en contact avec une communicante qui contestait un article, car l’entreprise concernée avait été sollicitée trop tardivement pour réagir à une information. L’échange est resté cordial et nous avons trouvé un terrain d’entente sur une situation a priori conflictuelle. Nous sollicitons régulièrement des communicants quand une entreprise est mise en cause pour son impact sur la santé et l’environnement. Dans ces situations, nous espérons un maximum de réactivité et de transparence.  

C’est un plus pour nous quand un communicant maîtrise son secteur, et peut donner en off des éléments de contexte, sans se substituer à d’autres interlocuteurs.  

Cette expertise est plus souvent présente dans les services de communication internes aux institutions que dans les agences, qui jouent davantage un rôle d’intermédiaire, avec une connaissance superficielle des sujets. Un communicant doit inscrire son action dans le temps long, sans attendre systématiquement une retombée immédiate. Il peut y avoir un papier au bout d’un moment, mais pas forcément celui attendu, au moment voulu.   


Selon vous, quels sont les travers qu’il faut éviterpour maintenir de bonnes RP ?   

La première chose, c’est de s’assurer qu’il n’y a pas d’erreurs dans les communiqués de presse. Parfois, nous retrouvons des erreurs factuelles, une hyperbolisation des sujets, ou des éléments qui manquent de clarté. La base, c’est d’avoir des informations vérifiées. 

D’autre part, il faut faire attention au ton. Je n’aime pas du tout qu’on m’appelle par mon prénom ou qu’on me tutoie sans préavis.   

Également, il y a une pratique à proscrire: celle d’appeler pour savoir si l’on a bien reçu le communiqué. C’est une énorme perte de temps. Pour cette raison, il y a longtemps que je ne décroche plus mon téléphone fixe, et je donne mon numéro de portable avec parcimonie.     


Les attentes de Gaëlle Dupont  



Propos recueillis par Madeline Humbert

   

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