Quelles sont les missions sur lesquelles les communicants peuvent économiser le maximum de temps grâce à l’IA ?
Il y a évidemment plusieurs types de communicants, avec des missions différentes. Chacun peut libérer du temps sur des tâches répétitives ou techniques grâce à l’IA, à condition de savoir l’utiliser.
Tout d’abord, l’IA permet de gagner du temps sur le travail de collecte et d’analyse de l’information. En se basant sur des millions de données, elle est une aide précieuse dans l’identification des tendances émergentes, des enjeux du marché ou encore des discours de la concurrence.
Par ailleurs, la technologie peut écrire des textes en quelques secondes. Grâce à l'IA, la rédaction de contenus devient plus rapide, permettant de répondre efficacement aux attentes croissantes des clients, dans un monde inondé d'informations.
Il existe de nombreuses autres missions sur lesquelles optimiser son temps, mais l'un des gains les plus significatifs dans mon quotidien concerne les retranscriptions de réunions. Grâce à l'intelligence artificielle, je peux facilement préparer des comptes rendus pour les clients ou les partenaires et organiser la répartition des tâches mais aussi produire des contenus.
Au contraire, quelles sont les missions sur lesquelles vous aimeriez gagner du temps grâce à l’aide de l’IA, mais pour lesquelles les outils n’existent pas encore ?
Aujourd’hui, il y a deux outils qui me manquent.
Il n’existe pas d’IA qui puisse réellement m’aider sur le graphisme de mes présentations, type Canva ou Power Point. J’aimerais pouvoir donner mes indications à un machine qui me génère un contenu de qualité, correspondant à mes besoins.
Il manque également une IA pour faciliter la veille sur les journalistes. J’aimerais un outil qui permette de les recenser avec les sujets sur lesquels ils se sont déjà exprimés, leurs derniers articles, leur dernier poste, etc. Aujourd’hui, les outils RP ne renseignent que les rubriques traitées, ce qui n’est pas suffisant. Pour des communicants, ce serait un gain de temps énorme, mais pour les journalistes aussi. Ils cesseraient d’être submergés de messages et de communiqués qui ne les intéressent pas. Cela existe déjà pour le secteur public avec des outils comme DataPolitics. Il faudrait l’adapter aux relations presse, afin d’aider les communicants à transmettre le bon message, au bon moment, à la bonne personne.
Quelles IA recommandez-vous pour ces missions ?
J’utilise Wudpecker. C’est un outil super car il comprend très bien le français donc il permet d’avoir une bonne retranscription écrite des réunions. Il fait des comptes rendus clairs et soulève des aspects qui n’ont pas été abordés pendant l’échange. On ne peut cependant pas lui faire confiance à 100% sur les résumés. C’est-à-dire qu’il faut quand même avoir écouté la réunion, avoir ressenti les choses et déterminé les angles pertinents pour lui demander de les retravailler. Il reste sinon très factuel.
Pour maximiser le potentiel de l’IA, n’oublions pas qu’il faut savoir exactement ce qu’on veut et comment la diriger. Il faut la nourrir avant chaque tâche, en s’interrogeant sur ses attentes.
Ensuite j’utilise ChatGPT. Avec cet outil, l’objectif est de créer un super assistant qui correspond à notre manière de travailler. Pour cela, il faut le nourrir avec notre style d’écriture, lui donner un maximum de cadre et le diriger pour obtenir un résultat qui correspond à ce qu’on souhaite. Cela n’exclut de retravailler le contenu produit par la suite. Il me sert à écrire des tribunes, trouver des idées, des sujets, écrire des communiqués de presse, des pitchs, etc. En général, je sais exactement ce que je veux et il va me remettre en forme toutes mes idées.
Enfin, je me sers de Perplexity. Personnellement, je vais plus m’en servir pour comprendre un nouveau prospect, ou la stratégie d’un client. Je l’utilise pour faire de l’analyse de marché, pour comprendre le client et l’environnement du secteur.
D’après une récente étude IPSOS-CESI, 49% des Français considèrent que le risque numéro un lié à l’IA générative réside dans la propagation des fake news. 43% craignent également d’utiliser des donnés fausses et non fiables à partir de ces outils. Cette crainte vous parait-elle justifiée ?
Oui bien sûr. Il y a beaucoup d’outils américains, donc les éléments sont souvent biaisés. Les informations sont régulièrement obsolètes, donc il faut toujours vérifier son contenu. On ne peut pas totalement s’appuyer sur l’IA. Comme je l’ai dit, il faut quand même savoir ce qu’on cherche, et avoir compris les enjeux de notre sujet pour être en mesure de détecter les erreurs.
Par ailleurs, il faut faire attention aux fautes d’orthographe et de syntaxe. Autrement dit, il faut avoir conscience des limites des outils afin d’éviter l’excès de confiance. Même si la technologie impressionne, l’IA est un outil, non pas une baguette magique.
Autres craintes soulevées par cette étude : la dépendance technologique (44%), et la diminution des capacités cognitives (44%). Quelles sont les bonnes pratiques, comment utiliser l’IA pour éviter cette dépendance ?
Je pense que nous deviendrons malgré tout un peu dépendant à l’IA en l’utilisant. Néanmoins, il ne faut pas en avoir peur. Elle constitue un levier nous permettant de libérer du temps dédié à des tâches souvent moins intéressantes, au profit du développement de la créativité et de la réflexion stratégique. Finalement, c’est une dépendance qui nous emmène plutôt dans le bon sens.
Mais pour ne pas se sentir dépasser par la machine, il faut savoir prendre du recul sur ses propositions, en y apportant une réflexion critique. Je conseille d’utiliser l’IA comme un point de départ, pas comme une fin en soi.
La créativité est un aspect important dans l’exercice des RP. N’y a-t-il pas un risque d’uniformisation des contenus avec l’utilisation de l’IA ?
Avoir une machine qui écrit à notre place peut en pousser certains à privilégier la quantité à la qualité. Une course à la production pour inonder les journalistes, déjà submergés, de contenus insipides, n’a pas de sens. À l’inverse, il faut profiter du temps gagné pour se concentrer sur l’essentiel : être créatif, faire de la veille, comprendre les besoins de l’autre et développer des campagnes impactantes et ciblées.
L’IA ne remplacera jamais l’humain dans ce qu’il a de plus précieux : l’intelligence, la sensibilité, le ressenti, la créativité, et sa capacité à nouer des connexions authentiques. La machine ne peut pas inventer pour nous. Même si certains aspects sont chamboulés, le métier reste le même.
Avez-vous des conseils pour les communicants qui souhaitent s’emparer de l’IA ?
Avant tout, il faut rappeler que les communicants ont une expérience qui ne peut s’acquérir grâce à l’IA. C’est cette connaissance du métier qui permettra de bien manœuvrer les outils et d’en tirer le meilleur. Pour réussir dans le monde de la communication, il faut donc passer par la case apprentissage de la profession avant de chercher à s’emparer de la machine.
En 2025, pour faire de l’IA une alliée puissante, il faut réussir à la transformer en levier stratégique, sans sacrifier sa propre réflexion. Pour y parvenir, je pense que tout le monde devrait se former à son utilisation. Il faut prendre du temps au départ pour garantir une bonne prise en main. C’est nécessaire pour être en mesure d’utiliser le véritable potentiel de ces outils. Finalement, il s’agit d’investir du temps maintenant pour en gagner plus tard.
Par ailleurs, pour se démarquer, il faut challenger vos outils. Pour qu’ils deviennent plus que de simples gadgets, n’hésitez pas à les interroger avec des questions précises et exigeantes, ou des problématiques complexes. L’IA est un miroir : elle reflète la qualité de votre réflexion.
Propos recueillis par Madeline Humbert.