Le Média Juliette Quef (Présidente du média «Vert») : « Notre objectif est d'intégrer l'actualité dans les limites planétaires »
Interview

Juliette Quef (Présidente du média «Vert») : « Notre objectif est d'intégrer l'actualité dans les limites planétaires »

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Fondé en 2020, le média « Vert » se revendique comme un média indépendant sur l'écologie. Ses fondateurs, Juliette Quef et Loup Espargilière sont à l’initiative d’une Charte pour « un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique », à laquelle ont adhéré plusieurs grandes rédaction, comme 20 Minutes, RFI, France 24, Reporterre, ou Mediapart. Dans cet entretien, Juliette Quef, sa cofondatrice, détaille à MediaConnect les défis auxquels les journalistes font face et invite la profession à revoir sa manière de travailler.
 

Juliette Quef  (Présidente du média «Vert») : « Notre objectif est d'intégrer l'actualité dans les limites planétaires »
Juliette Quef : « Nous devons être à la hauteur de l’urgence écologique »
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Quels étaient vos objectifs en créant le média « Vert » ?
 
L'objectif était de créer un grand média généraliste sur l'écologie, car il nous semblait qu'il n'existait pas de média généraliste spécialisé dans ce domaine. Il n'y avait que des médias spécialisés qui abordaient partiellement les questions écologiques, tels que le journal Actu Environnement, ou des journaux comme Le Monde, qui sont des médias généralistes axés principalement sur les questions internationales et politiques. Il y avait aussi des médias indépendants, comme Reporterre, qui se consacraent plutôt aux luttes sociales et aux questions de justice. Ainsi, chez « Vert », nous traitons l'actualité à travers le prisme l'écologie, ce qui nous permet de proposer une variété de rubriques et de sujets autour de cette thématique.
 
 
Qu’est-ce qu’on retrouve sur « Vert » ?
 
« Vert » est principalement une newsletter en ligne axée sur l'actualité de l'écologie, qui adopte un ton à la fois pédagogique et humoristique. Pour nous, il est important de traiter des sujets sérieux avec légèreté par rapport à ce qui est généralement lu ailleurs. Nous couvrons des actualités chaudes, qu'elles soient politiques, économiques ou sociétales. Nous abordons des actualités plus « froides » en décryptant des rapports scientifiques et en fournissant des ordres de grandeur. Notre objectif est d'être pédagogique et de donner des outils aux lecteurs pour qu'ils comprennent l'ampleur du changement climatique et de l'effondrement de la biodiversité, tout en abordant des solutions. Ainsi, nous enquêtons sur les bonnes solutions pour notre avenir, tout en dénonçant les fausses solutions qui relèvent du greenwashing ou qui sont empreintes de langage politique. Ensuite, nous avons notre site d'actualité sur Internet. On y retrouve l'ensemble des articles, des reportages, des enquêtes et des entretiens.
 
 
Est-ce que le traitement de l’information par « Vert » s’apparente à du journalisme environnemental ? 
 
 
Nous ne le considérons pas comme du journalisme environnemental pur et dur. Pour nous, l'écologie n'est pas un simple sujet ou une simple rubrique, mais plutôt une approche du traitement de l'actualité. Notre objectif est d'intégrer l'actualité dans les limites planétaires. Ainsi, nous évitons d'encourager nos lecteurs à voyager excessivement loin ou à adopter une surconsommation. Nous préférons décrypter et informer sur des modes de vie sobres, qui respectent la nature et notre planète, ainsi que nous-mêmes en tant qu'êtres humains.
 
 
Autrefois pointée du doigt comme une discipline dominée par le militantisme, diriez-vous qu’encore aujourd’hui, il y a-t-il une fracture entre les médias dits traditionnels et les médias comme « Vert » ?


On peut y voir une certaine fracture, mais il s'agit plutôt de lignes de force qui traversent l'ensemble des médias en général. Certains médias peuvent être qualifiés d'engagés, voire militants, mais ce n'est pas notre cas. Nous cherchons à mieux expliquer à notre public ce qui se passe concrètement, car souvent le changement climatique est abordé de manière détachée. Il est essentiel d'expliquer comment cela est lié à nos enjeux quotidiens, tels que le logement, l'alimentation et les déplacements, qui constituent un secteur majeur d'émissions de gaz à effet de serre. Tous ces sujets sont des préoccupations du quotidien, qui nous touchent en tant qu'individus, et nous pouvons les aborder de différentes manières dans nos journaux et nos reportages, que ce soit à la télévision ou autrement.
 
Vous intervenez au sein de rédactions pour leur donner des outils et les aider à s'aguerrir dans le journalisme environnemental. Quels sont ces outils ? 
 
 
Nous avons participé à l'élaboration d'une charte destinée à offrir à la profession une boussole et « des pratiques professionnelles permettant de traiter efficacement l'urgence écologique ». Ainsi, lors des formations, je partage de nombreuses recommandations présentes dans cette charte, publiée le 14 septembre 2022. Par exemple, j'insiste sur l'importance d'une approche transversale, en utilisant des mots et des images à la hauteur de l'urgence. Nous fournissons également des connaissances scientifiques approfondies. Je présente l'état actuel du réchauffement climatique, en expliquant les causes et les origines liées à nos activités humaines, telles que les transports et l'agriculture. Aujourd'hui, nous devons nous doter de nouveaux outils pour lire et comprendre le monde, ce qui constitue un défi considérable pour les journalistes. Il s'agit non seulement d'être à la hauteur de l'urgence écologique et aussi se renouveler personnellement dans notre métier et notre pratique professionnelle.
 
Percevez-vous une évolution au regard de vos interventions dans la prise de conscience des journalistes sur le traitement de ces sujets ?
 
En effet, j'ai observé ce que j'appelle un triangle d'action. En 2022, les scientifiques qui se sont mis à alerter beaucoup plus fortement sur ces enjeux, sont même allés voir les rédactions personnellement pour leur dire qu'il fallait améliorer leur traitement. Je pense notamment à Radio France et France Télévisions. D'autre part, les citoyens se sont également mobilisés pour faire monter le niveau d'alerte via des collectifs et ont utilisé les réseaux sociaux pour interpeller directement les journalistes. La Charte a aussi joué un rôle important, car par la suite d’autres médias ont adopté leur propre charte, comme Ouest France, qui a élaboré une charte qui s'inspire de la nôtre, Sud-Ouest et Le Monde.
 
Le journalisme évolue au même rythme que le reste de la société, avec des pionniers en avance et des retardataires, à la traîne par définition. Toutefois, je constate que cette transition est encore relativement lente. Le défi actuel consiste à lever tous ces blocages et à appliquer concrètement les principes de l'écologie dans les rédactions, qui ont souvent des audiences bien plus importantes que celles des médias engagés tels que le nôtre. 


Propos recueillis par Randa El Fekih

   

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