La raison de cette chute : la publication d’un faux communiqué de presse, arguant de supposées irrégularités comptables et de révisions de compte à la baisse, sur l’exercice 2016.
L’affaire Vinci : un faux communiqué de presse aux conséquences désastreuses
Les journalistes de l’agence de presse américaine Bloomberg LP ne saisissent pas l’entourloupe et publient des dépêches issues de ce document. Vinci contre-attaque avec un démenti, mais il est déjà trop tard. L’affaire aura ébranlé le groupe de BTP, mais aussi l’agence de presse, dont la condamnation à verser 3 millions d’euros d’amende, a finalement été confirmée par la Cour de cassation en février 2024, pour avoir « diffusé des informations dont elle aurait dû savoir qu’elles étaient fausses. »Cette affaire crée un précédent dans le monde médiatique. C’est en effet la rapidité du rythme journalistique, au détriment de la qualité de l’information, qui a été pointée du doigt par l'AMF. Dans sa sanction infligée initialement à l’agence Bloomberg en 2019, l’autorité régulatrice considère que « la publication des dépêches par Bloomberg, qui a débuté une minute après la réception du communiqué de presse frauduleux, n’a été précédée d’aucune vérification de la part des journalistes du speed Desk. »
Les faux communiqués de presse : une menace qui touche tous les secteurs
Mais l’histoire de ces faux communiqués de presse ne se limite pas au seul cas Vinci. Des entreprises de tous secteurs se voient touchées de la même manière, et ce dans de nombreux pays. C’est le cas notamment d’Emulex Corporation. En août 2000, l’entreprise de technologie américaine a vu son cours chuter de 50%, à la suite de la diffusion d’un faux CP. Whitehaven Coal, Kroger, Walmart et tant d’autres… Toutes ces firmes en ont elles aussi fait les frais. Au printemps 2021, c’était au tour du tout puissant Real Madrid, célèbre club de football espagnol. A quelques heures d’un match important contre les Italiens de l’Atalanta Bergame en Ligue des Champions, un faux communiqué de presse a annoncé la blessure de son précieux joueur Rodrygo.Encore très récemment, en septembre 2024, un faux communiqué de presse de l'ambassade d'Ukraine en Côte d'Ivoire invitait les jeunes Ivoiriens à s’engager aux côtés de l’armée ukrainienne.
Mais alors quel intérêt pour les fraudeurs ? Les raisons peuvent être politiques ou personnelles. Une personne mal intentionnée peut ainsi faire chuter une entreprise qu’elle juge irresponsable, ou simplement agir sur le cours de la Bourse, afin de revendre des actions plus chères. Ce phénomène de publications de faux communiqués de presse s’inscrit également dans un contexte de désinformation massive, où les données et les faits sont utilisés comme une arme géopolitique. En l’état, que faire pour prévenir ces risques ?
La blockchain, une solution ?
D’après certains observateurs, une des solutions sur la table réside dans la blockchain. Cette « chaîne de blocs » (en français), a été inventée pour permettre l‘émergence des cryptomonnaies, notamment des bitcoins. Créée en 2009, la technologie est depuis utilisée lors de transactions financières.« La blockchain, c’est une base de données. Ce fichier de base de données a la particularité de ne pas être stocké sur un serveur central, mais d’être répliqué sur de nombreux serveurs, d’ordinateurs, un peu partout sur la planète, précise à MediaConnect Claire Balva, spécialiste de cette technologie. Cela lui garantit une certaine résilience, car même si l’un des serveurs arrêtent de fonctionner, les autres continuent de stocker sur la fameuse blockchain. »
La blockchain représente un système hautement sécurisé pour les données qui y sont déposées, ajoute l’autrice de Bitcoin et cryptomonnaies : « Lorsqu’on cherche un tiers de confiance pour déposer une donnée et être sûre qu’elle ne soit pas modifiée, on peut aller chez un tiers agréé. Mais insérer cette donnée dans la blockchain, c’est une garantie très forte, car comme cette base de données est répliquée un peu partout, elle n’est par conséquent pas modifiable. »
L'importance du rôle des journalistes
Si la blockchain « n’est pas la seule solution », selon la vice-présidente de Deblock, elle joue un rôle clé dans l’authentification des CP. Selon une logique particulière, car « on n’insère pas directement des fichiers dans la blockchain mais bien des données très courtes, des suites, des chiffres et de lettres, qui vont être l’empreinte numérique des documents à authentifier. Quand vous avez un document original, il s‘agit donc de vérifier que son empreinte digitale a bien été mise sur la blockchain tel jour, à telle heure, par telle entité. » Aujourd’hui, la création d’un faux communiqué de presse est à la portée de tous, notamment via les newswire site (site d’information), où chacun peut s’en fabriquer gratuitement. Dès lors, deux possibilités existent, selon Claire Balva pour renforcer l’authentification des communiqués de presse : « Il pourrait y avoir un intermédiaire qui authentifie les communiqués de presse en utilisant la blockchain, ou bien il faudrait que chaque entité puisse mettre à la disposition des journalistes une interface sur laquelle il serait possible de vérifier que le CP a bien été authentifié. »
Ces affaires soulignent ainsi le rôle essentiel que peuvent continuer à jouer les professionnels de l’information dans la lutte contre le faux. Car si la blockchain reste un outil à leur disposition, c’est à eux que revient la responsabilité d’assurer la qualité et la véracité d’une information.