Le Média Pigistes : levier sous-estimé des campagnes RP
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Pigistes : levier sous-estimé des campagnes RP

Bonnes pratiques RP

Peut-on aujourd'hui réussir une campagne de relations presse sans s'adresser aux pigistes ? Parfois oubliés des stratégies RP, ces journalistes qui ne sont rattachés à aucune rédaction fixe, représentent pourtant une part essentielle du paysage médiatique en France. Et un excellent levier d’amplification pour les communicants. Décryptage. 

Pigistes : levier sous-estimé des campagnes RP
Comment intégrer les pigistes dans sa stratégie RP
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« Les pigistes, ce n’est pas ma cible. » « Pas besoin de leur envoyer mon communiqué de presse. » Ces phrases, entendues chez de nombreux communicants rappellent à quel point ces journalistes restent un levier sous-exploité dans bien des stratégies RP. 

Et pour cause, certaines idées reçues ont la vie dure. « On dit toujours que le pigiste, c'est celui qui a raté, celui qui n’a pas été embauché » déplore Thierry Butzbach, journaliste indépendant depuis 30 ans, après une décennie passée en rédaction. Mais pour l’initiateur des « 48h de la pige » organisées par l’association Profession : pigiste, « on peut le devenir par choix ». Selon lui, ces choix de carrière, combinés à la rigidité du marché du travail, expliquent en partie la forte proportion de journalistes indépendants en France. 

En 2022, 13% des journalistes titulaires de la carte de presse sont des pigistes (CCIJP, 2023). Ils sont 4 389 au total. Ces chiffres ne prennent pas en compte les journalistes en CDD.  

Pour Elodie Cally, autrice de Réussir ses relations Médias (ed. Dunot, 2024), le constat est clair : « On ne peut pas se passer des pigistes dans sa stratégie de relations presse. Ils représentent une grande part des journalistes en France. Il n’y a que des avantages à travailler avec eux. » Pourtant, leur rôle reste souvent mal compris, tout comme la valeur qu’ils peuvent apporter à une campagne RP. 


Le pigiste et son effet démultiplicateur 

Pour Thierry Butzbach, l’une des plus grandes richesses des pigistes, c’est leur polyvalence. « On est multitâche. Je peux travailler pour des quotidiens, des hebdos, des mensuels. Dans la même journée, je peux interroger un sportif, un maire et un chef d’entreprise. »  

Cette capacité à naviguer entre plusieurs formats, plusieurs sujets et plusieurs rédactions représente un atout pour les communicants. « On a un effet démultiplicateur » explique le pigiste « Un même sujet peut donner lieu à plusieurs articles, chacun avec un angle adapté à une rédaction différente. »  

Aujourd’hui, tous les médias font appel à des pigistes. Ils sont devenus essentiels, notamment dans les rédactions qui n’ont plus les moyens d’embaucher à temps plein. Selon Thierry Butzbach, « Les rédactions ont besoin de contenus car elles ne sont pas assez pour remplir leurs espaces ». Pour les professionnels des RP, c’est une opportunité d’atteindre certains médias par ce biais. Elodie Cally, également CEO Elodie's Naturals en témoigne : « J’ai travaillé longtemps dans une société de haute technologie qui souhaitait notamment être présente dans Les Echos et Le Monde. J’ai réussi à obtenir deux beaux articles dans Le Monde, et le premier, c’est grâce à une pigiste. » 

« Il n’y a pas de différences notoires », assure-t-elle, entre les journalistes en poste et les pigistes. «Ce sont tous des journalistes à part entière ». D’après la communicante, « il est seulement plus facile de créer la rencontre et la discussion avec les pigistes. C’est important car dans "relations presse ", il y a le mot "relation " ».  

Encore faut-il savoir comment les solliciter efficacement pour les intégrer à sa campagne RP. 


RP : cibler avant de solliciter 

Avant de s’adresser à un journaliste pigiste, la première étape consiste à bien se renseigner sur ses spécialités.  « En général, ils ont des sujets de prédilection, et une très bonne connaissance de ces secteurs donnés » souligne Elodie Cally. 

« Nous n’avons pas de différence par rapport aux autres journalistes. Il faut que l’information que nous recevons soit ciblée », rappelle Thierry Butzbach. D’où l’importance de constituer un fichier presse efficace et donc réellement adapté. 

Mais en pratique, ce ciblage pose problème à certains communicants. « Beaucoup se plaignent de la difficulté à mettre à jour leurs bases presse. Ce n’est pas toujours évident de trouver les bonnes informations sur les pigistes », déplore Elodie Cally. Pour pallier les lacunes des bases de données, elle conseille les annuaires de pigistes, les associations de journalistes réunis par secteurs d’activité (AJT, AJIS, etc.), les salons professionnels, les pôles de compétitivités, mais aussi LinkedIn. Pour elle, « il y a de plus en plus d’appels à témoins sur le réseau social. On peut donc identifier les pigistes à travers ces appels, leurs témoignages, ou la recherche par mots -clés. » 

Une fois le bon pigiste identifié, les règles sont les mêmes qu’avec un journaliste en poste, selon la communicante : leur envoyer des communiqués de presse, les inviter à des conférences de presse, des voyages de presse... Des réflexes indispensables, à condition de bien comprendre leurs méthodes de travail. 


Comme des couturiers à façon

« 90% de mes articles traitent de sujets que j’ai proposés à des rédactions », calcule Thierry Butzbach. « La fonction du pigiste, c’est d’être dehors, de fouiner et de rechercher des sujets un peu différents. Par exemple, on s’occupe rarement des sujets d’actualité chaude, traités par les rédactions ».  

Dans un contexte où les journalistes se déplacent de moins en moins aux événements presse, contacter des pigistes, souvent plus disponibles, peut donc augmenter ses chances de reprise. « Notre venue ne garantit pas une publication comme celle d’un rédacteur en chef », nuance celui qui est pigiste depuis 30 ans. « Mais même si l’on ne peut pas tout... on peut parfois. un peu !Aujourd’hui, si on se déplace, c’est quand même qu’on a prévu d’en faire quelque chose. » 

Par ailleurs, il appelle les attachés de presse à ne pas se concentrer sur les effets immédiats de leur campagne RP, à penser sur le temps long. « Je me sers des informations reçues comme de la documentation. Je la mets de côté, et le jour où j’en ai besoin, je la ressors, je l’interroge. »  

Dans son livre Réussir ses relations médias, Elodie Cally rapporte les mots de la pigiste Sophy Caulier, qui compare son métier à celui d’une couturière à façon. Des tiroirs pleins d’idées, d’infos, de pistes à réactiver le moment venu, pour répondre à des demandes très différentes. « Une information n’est pas forcément pertinente au moment où le journaliste va la recevoir, renchérit la spécialiste RP Néanmoins, il se souviendra de vous au moment opportun. Il faut savoir être patient. » 

Finalement, les attentes des pigistes envers les communicants sont similaires à celles des journalistes à temps plein. Thierry Butzbach le résume ainsi : «Une bonne proposition d'article, pour un pigiste, c’est un bon sujet avec un très bon angle. Par exemple, le sujet c’est la mort du pape. Le pigiste va proposer un angle décalé, comme la gestion des places de parking par la ville Rome lors de l'affluence pour la cérémonie, ou la gestion des stocks de mini papamobiles dans les boutiques du Vatican. » L’art de trouver la bonne histoire fera toujours la différence. 

    

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