Aujourd’hui, l’importance des directions de la communication ne devrait plus être contestée pour Assaël Adary, président du cabinet d’études Occurrence : « Je me bats pour que la communication soit reconnue comme un investissement et non une dépense. C’est un métier, une expertise, mais c’est aussi une science, une SIC (ndlr : science de l’information et de la communication) représentée au CNRS. »
Même si ces notions semblent intégrées, leur adoption demeure partielle. Une enquête menée par Comfluence (Septembre 2025) auprès de 60 dircoms constate l’accélération d’une polarisation au sein de la profession. Tandis que certains disposent de moyens pour soutenir une vision stratégique, d’autres doivent composer avec des équipes et budgets réduits, contraints de convaincre en interne de la nécessité de leur rôle.
Au quotidien, comment prouver la légitimité de la fonction communication ? Comment faire sa place dans une stratégie d'entreprise ?
Fonction support ou stratégique : l’éternel débat ?
Guillaume Aper, ancien directeur adjoint de la communication chez JCDecaux, détaille les fondements de cette crédibilité : tout dépend de « la maturité en communication globale de l’entreprise. Elle conditionne l’ancrage de la profession dans l’organigramme et le respect de l’expertise. C’est encore un sujet récent dans certaines boîtes. »
Un des moyens pour mesurer la place accordée à la communication dans une entreprise, c’est la présence ou non du dircom au COMEX. Au-delà de la considération symbolique, c’est surtout la garantie d’être à la source des informations. « Ce n’est pas un luxe en 2025 », souligne Assaël Adary, « avec le tempo actuel, certains sujets doivent être gérés en 24 à 48h, parfois dans la minute. »
La nécessité de connecter la fonction communication avec la stratégie de l’entreprise semble mieux comprise : parmi les 40 dircoms du CAC40, seuls 9 ne sont pas membres à part entière du comité exécutif de leur entreprise (sept 2025, Le blog du communicant). Ils sont néanmoins invités permanents, ou répondent directement au PDG, leur permettant d’être au cœur des décisions.
Malgré tout, la communication demeure une « fonction support, au même titre que d’autres », constate Assaël Adary. Selon lui, « il convient d’en retrouver la noblesse : elle ne se réduit pas à un rôle d’exécution, mais relève pleinement d’une fonction de conseil ». Ce n’est pas toujours évident : « À la SCP - Société du Canal de Provence, nous n’avons pas ce problème de reconnaissance de la profession par le CODIR », souligne Thibault Leflot, responsable de la communication, « mais ça n’empêche pas de devoir faire un travail de pédagogie et de sensibilisation sur nos métiers au quotidien. »
Communicants : des aiguilleurs du ciel
La singularité de la fonction communication réside dans sa « transversalité » analyse Assaël Adary : « elle est souvent comparée à la notion d’agrégateur, de chef d’orchestre. » Une autre manière de mesurer la considération apportée à la profession, c’est d’observer l’organisation des services. Pour le président d’Occurrence, « les équipes de communication doivent disposer d’un maximum de leviers. »
C’est par exemple le cas à la SCP - Société du Canal de Provence. Thibault Leflot dépend de la directrice communication, RSE et qualité. Dans son service, il gère notamment la communication interne, corporate, évènementielle, média, digitale mais aussi commerciale. « Cela nous permet d’être autonomes et d’avoir un véritable rôle de coordination », reconnait-il.
Guillaume Aper observe une nouvelle tendance à laquelle les communicants doivent s’adapter : la complexification des sujets de communication. « Ils sont beaucoup plus techniques et touchent des enjeux dont il est difficile de se saisir. Aujourd’hui par exemple, il n’y a pas que les entreprises du secteur de l’énergie, du pétrole qui éprouvent le besoin de faire de la pédagogie sur des questions géopolitiques dans un monde devenu de plus en plus incertain. » Pour répondre à cette complexité, on voit apparaitre des collaborateurs à la double-casquette, à la fois communicants et issus du métier, mais aussi des communicants délocalisés directement dans les directions concernées. « L’exigence de coordination est alors élargie aux autres services », analyse l’ancien directeur adjoint de la communication à JCDecaux, « La communication devient une sorte de tour de contrôle, un aiguilleur du ciel, qui doit avoir une vue globale. »
Cette organisation du travail, en lien direct avec les autres directions métiers, favorise la construction d’une relation de travail aux fondations solides. « La dimension humaine et relationnelle est inhérente à la profession », rappelle Assaël Adary.
Faire la communication de la com
Face à ce que Guillaume Aper appelle la « damnation du communicant », comment faire pour gagner en considération ? Pour l’ancien directeur adjoint de la communication de JCDecaux, la solution est claire : « Il faut prouver, justifier et faire la communication du métier en interne. » Souvent, les entreprises prennent conscience de l’importance des communicants au moment des crises. « Par exemple, pendant la crise COVID, la fonction communication a été exemplaire, ce qui a permis une valorisation très forte de la fonction, se rappelle Assaël Adary, Mais il faut l’ancrer dans le quotidien. »
« Il faut trouver d’autres occasions que les gestions de crise pour montrer l’importance de notre profession, et poursuivre ce travail, même en 2025 », abonde Thibaut Leflot. Mener des études, assurer un travail de pédagogie auprès des équipes ou encore organiser une veille interne constituent autant de leviers pour bâtir une relation de confiance et de respect. « Lorsque nous avons travaillé sur la refonte du site internet et sur la présentation de nos activités, nous avons eu des retours de nos partenaires et de nos clients très positifs, indiquant une meilleure compréhension de leur part. Cet exemple réussi avant/après est plus marquant qu’une gestion de crise. »
L’écoute, la veille et la communication interne ont un rôle particulier à jouer à ce niveau pour Guillaume Aper, responsable de ce service à JCDecaux pendant 20 ans. « Il y a 10 ans, c’est en discutant avec les métiers et les pays que nous avons pu identifier que l’accélération du développement de JCDecaux à l’international nécessitait de penser une présence numérique globale avec une équipe dédiée, au risque, sinon de générer une image brouillée et incohérente de l’entreprise d’un pays à l’autre. » L’objectif selon lui, c’est « de ne pas subir, en anticipant au maximum. »
Comme le rappelle Frédéric Fougerat dans une publication LinkedIn de février 2025, « La communication n’est pas la variable d’ajustement de l’inorganisation des autres. » Aujourd’hui, penser une entreprise et sa stratégie sans intégrer la communication, c’est courir à sa perte.