Le Média « Voix en exil » : Accompagner l’insertion professionnelle des journalistes réfugiés en France
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« Voix en exil » : Accompagner l’insertion professionnelle des journalistes réfugiés en France

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Fin septembre, Canal France International, SINGA, la Maison des Journalistes et Reporters sans frontières, ont lancé le projet « Voix en exil ». Soutenu par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, ce programme d’accompagnement permet aux journalistes en exil de poursuivre leur mission d’information en France. Parmi eux, Jean-Samuel Mentor, Haïtien, fait partie des 18 journalistes arrivés début septembre. C’est à la Maison des Journalistes à Paris où il est accueilli, qu’il nous raconte son parcours

« Voix en exil » : Accompagner l’insertion professionnelle des journalistes réfugiés en France
Accueil de cinq journalistes le mercredi 4 septembre pour leur installation à la MDJ dans le cadre du projet Voix en exil. © La Maison des Journalistes
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« C’est difficile d'abandonner son pays et d'arriver dans un autre monde. » Il y a huit mois, Jean Samuel Mentor, 27 ans et journaliste pluri média a fui son pays, Haïti. Début septembre, il a rejoint la première promotion du programme d’accompagnement pour les journalistes réfugiés « Voix en exil » à la Maison des journalistes au cœur du 15e arrondissement de Paris. Si chaque année, la France accueille déjà, grâce à des visas humanitaires, des dizaines de journalistes menacés en raison de leur travail, le projet « Voix en exil » met l’accent sur la réinsertion de ces professionnels de l’information. Et pour cause : « Souvent en arrivant en France, les journalistes exilés peinent à continuer d’exercer et à intégrer un réseau professionnel », explique Darline Cothière, directrice générale de la Maison des Journalistes, association partenaire du consortium qui accompagne le retour à l’emploi des journalistes réfugiés. « Il y a des soucis de langue, de matériel, et de compréhension de la scène médiatique française », abonde Victoria Lavenue, responsable de l’assistance chez Reporters sans frontières, partenaire du projet en charge du plaidoyer.


« Nous étions devenus des cibles »

C’est après une école de journalisme et quelques années de piges, que Jean Samuel Mentor fonde, avec deux collègues, un média en ligne indépendant, Haïti News2000. Il y écrit les actualités caribéennes et y mène quelques investigations. Mais c’est l’an dernier que tout dérape, lorsque la couverture de son collègue infiltré dans un réseau de trafic d’armes est compromise. « Nous avons commencé à recevoir des messages et des appels téléphoniques de menace, mais c'est assez courant pour un journaliste qui travaille sur une affaire sensible en Haïti. Les protagonistes cherchent à nous faire taire. » En réalité, les trafiquants n'avaient pas l'intention d'en rester là et les menaces se sont intensifiées. « Nous étions suivis dans la rue, nous avons dû changer d’itinéraire et d’habitudes. Je me suis même mis à prendre les transports en commun. »  Jusqu’au jour où des hommes armés ouvrent le feu sur la maison de son confrère. Les enjeux sont alors bien au-delà d’une simple tentative d’intimidation, « nous étions devenus des cibles » raconte le journaliste. C’en est trop, les trois fondateurs décident alors de quitter le pays.

Ses deux collègues emprunteront le couloir humanitaire entre Haïti et les Etats-Unis. Jean Samuel Mentor, lui, montera dans le premier avion pour la France, grâce à son visa obtenu quelques mois auparavant, pour aller récupérer la 3e place du prestigieux Prix Bayeux. Mais pour d’autres journalistes, l’exil peut s’avérer bien plus complexe, même en remplissant les conditions des demandes d’asile. « Un journaliste en danger peut attendre des mois avant d’obtenir un visa humanitaire et espérer être évacué », explique Victoria Lavenue. C'est pourquoi la Maison des journalistes accompagne quotidiennement des journalistes réfugiés politiques dans leurs processus de régularisation, parcours administratif complexe. C’est à cause de ces difficultés « pratiques et administratives » que la première promotion de « Voix en exil » n’implique que des journalistes déjà réfugiés en France ou dans l’espace Schengen, précise la directrice générale de la Maison des Journalistes. Quant aux journalistes menacés et localisés hors de cette zone, certains se voient contraints de transiter par des pays tiers en attendant leur sort, souvent sans pouvoir exercer. « Les voix de ces journalistes sont silencées dans des situations de crise où nous aurions vraiment besoin de les entendre », se désole la responsable de l’assistance de Reporters sans Frontières.


« En continuant d’écrire, nous sommes toujours sur le terrain »

Une fois en France, Jean Samuel Mentor suit attentivement l’actualité française. Il écoute la radio, regarde les journaux télévisés et lit la presse écrite. Son objectif est clair : rester le journaliste qu’il a toujours été. A l’occasion d’un passage dans le Var, le jeune homme contacte alors un célèbre quotidien régional. « Je ne demandais pas du travail, mais seulement discuter, voir comment fonctionne une rédaction française. » Mais les portes du journal lui sont restées closes. Voyant peu à peu son rêve s’éloigner, il postule donc à la première promotion de « Voix en exil », un programme visant à « faciliter l'insertion professionnelle des journalistes exilés dans un contexte de stigmatisation des étrangers, aggravé par une situation déjà difficile pour les professionnels de l’information français », explique Darline Cothière.

Comme Jean Samuel Mentor, de nombreux journalistes exilés se retrouvent confrontés à des barrières professionnelles en arrivant en France. Depuis 2002, la Maison des Journalistes a accueilli plus de 500 journalistes réfugiés de 85 nationalités différentes. Jusqu’à présent, elle offrait principalement un hébergement temporaire aux journalistes ayant fui leur pays. Mais l’initiative « Voix en exil », soutenue par le Quai d’Orsay, insiste davantage sur le projet professionnel des résidents accueillis par la Maison des Journalistes. Notamment à travers un journal en ligne, L'œil de la Maison des Journalistes, qui leur permet de gagner en visibilité et en crédibilité auprès des rédactions françaises. « En continuant d’écrire, nous sommes toujours sur le terrain. Nous laissons une empreinte », constate Jean Samuel Mentor, sourire aux lèvres. « Ils ont beaucoup à apporter aux rédactions françaises et ce projet est un incubateur », explique la directrice générale de la Maison des Journalistes, Darline Cothière.

Les 18 journalistes exilés de la première promotion du programme ont un emploi du temps bien chargé, entre la découverte des musées parisiens, des « master class » sur la presse française, ou la visite des plus grandes salles de rédaction du pays. Au parcours pédagogique de la Maison des Journalistes s’ajoute le programme de sensibilisation au respect de la liberté de la presse, appelé « Renvoyé Spécial », où les résidents racontent leurs migrations dans les écoles ou les prisons. Un exutoire pour Jean Samuel Mentor, qui tient à partager son histoire. « C’est depuis que je suis le programme de “Voix en exil”, que je me dis qu’il y a une petite lueur d’espoir d’être de nouveau journaliste. C’est important de partager ce que nous avons vécu.
» Au total, ces hommes et ces femmes pourront trouver refuge six mois durant au sein de la Maison des Journalistes. Léguée par la mairie en 2003, cette ancienne usine de brosses au carrelage coloré et aux murs de carreaux de verres, comporte 14 chambres.
 

« S’épanouir professionnellement en France »

Ici, les membres de la Maison des Journalistes accompagnent l’aspect personnel et professionnel en proposant aussi bien un suivi psychologique que des cours de français. « Étant donné que la plupart des journalistes vont s’installer en France, il est essentiel qu’ils maîtrisent la langue du pays d’accueil », précise Darline Cothière.

Effectivement, pour ces journalistes qui ont tout quitté, l’espoir d’un retour au pays reste flou. « J’aspire sincèrement à retourner un jour chez moi, mais les nouvelles que me transmettent mes proches sont préoccupantes », assure Jean Samuel Mentor. « A moins d’un changement de régime radical dans leur pays d’origine, il est peu probable qu’ils puissent y retourner un jour. Ils doivent donc s’épanouir professionnellement en France », nuance Victoria Lavenue. Déjà en Haïti, Jean Samuel Mentor souhaitait travailler comme correspondant pour RFI : « en choisissant la France comme refuge, j'espère un jour collaborer avec eux ». Et ainsi poursuivre ce qui l’anime et ce pour quoi il se bat depuis tant d’années : être journaliste.

  

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