Le Média Hugo Travers : « Seuls les médias qui réussiront leur transition en ligne survivront »
Interview

Hugo Travers : « Seuls les médias qui réussiront leur transition en ligne survivront »

Réseaux Sociaux Media

Hugo Travers, fondateur du média « Hugo Décrypte », semble avoir conquis le jeune public sur les réseaux sociaux, alors que de nombreux médias s'interrogent sur la manière dont ils pourraient capter cette audience réputée volatile. Le procuteur de contenus, prône un modèle plus horizontal, en prise directe avec son audience. Ce qui lui a récemment valu d'être interpellé par son public sur la question du boycott du Mondial de foot au Qatar. Des ressorts de son succès, aux attentes de son audience, le jeune homme de 25 ans a répondu à tout pour MediaConnect.

Hugo Travers : « Seuls les médias qui réussiront leur transition en ligne survivront »
HugoDecrypte interview
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« Hugo Décrypte » est aujourd’hui un média. Vous produisez des contenus informatifs sur Twitch et les réseaux sociaux en général, en dehors des canaux d’un média traditionnel. Initialement, vous n’avez pas fait d’école de journalisme, à présent quel est votre statut ?  

Cette question a évolué au fil du temps. J’ai lancé « Hugo Décrypte » quand j’étais étudiant, sans équipe. Aujourd’hui, je considère que mon travail n’a pas changé mais qu’il a pris une tournure différente. Certes, je n’ai pas fait d’école de journalisme, je n’ai pas de carte de presse. Et oui, j'ai plusieurs casquettes, notamment entrepreneuriales, car je suis à la tête de mon média. Mais au sein de ce média, j'effectue bien un travail journalistique au quotidien, entouré de journalistes à temps-plein. 
 
Un des défis des médias traditionnels est de réconcilier les jeunes avec l’information, un public que vous semblez avoir séduit. Sur Instagram, vous comptabilisez 2,3 millions d’abonnés, sur Tiktok vous êtes suivis par 3,3 millions de personnes. Selon vous, qu’est-ce qui explique cet engouement ? 
 
Je pense qu’il y a plusieurs raisons. D'abord, c’est une exigence sur le fond et l’approche des sujets que les personnes ont trouvé dans nos contenus. On a essayé de faire en sorte que n’importe quel sujet soit accessible au plus grand nombre. Par exemple, quand on aborde le sujet israélo-palestinien, on essaie de faire en sorte qu’il soit compris à la fois par un jeune de 14 ans, mais qu'il soit aussi intéressant, avec suffisamment d’analyse pour une personne qui connaît le sujet.  
 
Le deuxième élément, c'est qu'on apporte une attention particulière à la pertinence de nos contenus selon la plateforme où ils seront diffusés. Comme chaque réseau a des codes qui lui sont propres, on conçoit des contenus différents et adaptés selon les plateformes.  
 
Le dernier pilier, c'est la transparence. Le dialogue simplifié avec notre audience est important pour créer un lien de confiance. Les personnes qui nous suivent peuvent facilement nous faire un retour sur nos contenus. Si une actualité n’est pas claire, ils peuvent nous le dire et ensuite, nous faisons en sorte de la rectifier dans les vidéos suivantes.  
 
S'agit-il selon vous de la solution à la défiance ? 

Ce sont trois éléments parmi d’autres à explorer, mais c’est ce qui nous guide. Avec les équipes d’« Hugo Décrypte », on a souvent des retours positifs de personnes qui nous disent qu’ils ont compris ce qu’ils n’arrivaient pas à comprendre ailleurs. De plus, on nous dit souvent que notre contenu est facile d’accès. Que ce soit sur TikTok, YouTube ou un format, c’est à portée de main. Au regard des retours, on le voit : cette forme de transparence aussi, est essentielle pour ceux qui nous suivent.
 
Selon vous, les médias traditionnels doivent-ils s’adapter à cette nouvelle façon de transmettre l’information ?   
  
Depuis quelques années, les médias se mettent aux réseaux sociaux, mais pas tous au même degré. Je ne vois pas les réseaux sociaux comme un renversement complet à partir duquel les médias traditionnels et marques médias sont voués à disparaître, à être remplacés. En revanche, ils doivent l'investir. Le Monde, par exemple, est très présent sur Snapchat, YouTube et quasiment sur tous les réseaux sociaux et a réussi à adapter ses contenus à chaque plateforme. Selon moi, seuls les médias qui réussiront cette transition en ligne survivront.  
 
Pour y parvenir, il faut faire confiance à des profils plus jeunes, qui sont parfois très bons sur un TikTok, par exemple. Des profils capables de réfléchir à des formats adaptés, car eux-mêmes passent beaucoup de temps sur ces plateformes. Il faut faire confiance à ces profils-là pour se renouveler et parler à cette autre génération.  
   
De nombreuses personnes vous ont connu par des contenus autres qu’informatifs, vous êtes apparus aux côtés de Squeezie dans des vidéos à caractère plus humoristique. Pourquoi faire du divertissement ?   
  
En l’occurrence, il m’a proposé plusieurs fois de venir sur sa chaîne. Comme c’est un très bon ami et qu’on s’entend très bien, j’ai accepté. C’était juste l’occasion de faire quelque chose de diffèrent.  Sur « Hugo Décrypte », les gens viennent pour s’informer et nous conservons ça sur la chaîne. Il y a une distinction à faire entre moi en tant que personne et « Hugo Décrypte », en tant que média. Le public a tendance à bien le comprendre.  
 
Que ce soit de l’information ou du divertissement, vous mettez en avant votre nom, parfois votre image. Le public peut s’attendre à des prises de position de votre part, comme récemment avec la Coupe du Monde. Certaines personnes vous ont donc demandé de boycotter l’événement. Avez-vous compris la réaction de ces personnes ?   
  
J’ai le sentiment que les gens nous demandaient de boycotter en tant que média. Cette question du boycott a été présente dans beaucoup de médias. Pour la première fois je pense, tous les médias ont été poussés à se positionner sur cet événement. L’Equipe a dû faire un éditorial, Libération également. Le public s’est posé la même question qu’il a posé à d’autres médias. Notre décision concernant le boycott ou non, a été prise en interne. C’est assez audible aussi de boycotter ou pas, mais je considérais qu'en tant que média, ce n’était pas notre rôle de boycotter cet événement-là. C’est pour cela que j’ai décidé de faire une vidéo explicative, pour expliquer notre choix éditorial et ça passe par là aussi, la transparence. Quand j’attendais de voir les réactions, j'ai pensé qu’on allait s’en prendre plein la figure. Finalement, les gens ont apprécié notre démarche. 
 
Il y a quelques semaines, vous avez pris le parti de lancer le format « les actus positives », qui semble induire des faits mais aussi des opinions. Aujourd’hui encore, ce choix est-il assumé ? 
 
Oui, c’est un choix éditorial et une volonté pédagogique. Dans le cadre de « FAQ », par exemple, on essaie de faire comprendre qu’aucun média n’est neutre ou parfaitement objectif. Il est vrai que l’on peut tendre vers une forme de neutralité et on peut le revendiquer. D’ailleurs, je pense que d’une certaine façon « Hugo Décrypte » s'en rapproche. Pour autant, aucune neutralité existe de façon absolument. Dans notre cas, oui, on considère par exemple qu’un progrès environnemental, est une bonne nouvelle. C’est donc bien un choix assez assumé sur ces formats-là. 
 
Pensez-vous que la co-construction de l’information permet de capter davantage un public jeune et défiant ?  
 
C’est un élément parmi d’autres et les médias ont intérêt à le faire. C’est une excellente chose et je pense qu’on pourrait le faire plus chez « Hugo Décrypte ». Un jour, par exemple, j’ai fait un reportage sur les coulisses du JT de 20h sur France 2, que l’on a publié sur la chaine. J'ai été assez surpris du nombre de commentaires étonnés de voir l’envers du décor. Certaines personnes voient les médias comme une sorte de boîte noire. Il y a une vraie éducation aux médias à faire. 
 
Cette nouvelle façon de procéder est-elle provoquée par la nature d’un public désormais plus engagé ?  
  
Je ne sais pas si ma génération, ou ceux qui nous suivent en tout cas, est plus engagée que la précédente. La volonté de transparence et d’échange entre un média et sa communauté a toujours été présente, mais cette volonté s’est longtemps heurtée à un modèle très descendant, selon lequel un média transmet l’information et le public la reçoit. Les réseaux sociaux permettent plus d’horizontalité dans l’échange. 
 
Cette attente du public a pu pousser des médias à expliquer leurs choix éditoriaux. Certains assument même le fait de pratiquer un journalisme militant. C’est le cas notamment de Vakita, nouveau média lancé par Hugo Clément. Militantisme et journalisme sont-ils compatibles, voire nécessaires pour capter les jeunes audiences ? 
  
C'est compatible, car il y a différentes formes de journalisme. Il n'y a pas de journalisme mieux qu’un autre. Je trouve que c’est une très bonne chose et j’encourage ces différentes pratiques. J’invite souvent dans mes « FAQ », dans mes lives, dans les chats, ceux qui nous suivent à aller suivre aussi d’autres médias, qui ont d'autres lignes éditoriales, qui sont peut-être plus engagées politiquement. C’est aussi cette pluralité qui fait la richesse du débat dans notre société. 
 

Propos recueillis par Randa El Fekih
 

    

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