Je me suis rendu compte qu’en France, les deux seuls leviers dont dispose une entreprise pour grossir, c’est soit d’acheter du média, soit de créer des équipes en interne. Mais il existe un troisième levier, qui reste très peu utilisé : le partenariat. C’est un échange de bons procédés, qui permet à une entreprise d’aller chercher à l’extérieur ce qui lui manque en interne. A l’heure où dans les entreprises, les budgets sont en berne et où la publicité coûte de plus en plus cher, cette option permet de faire appel à des experts qui ont des compétences dans un domaine précis.
Il y a trois ans, j’ai donc lancé Reach maker, une plateforme marketplace aux allures de site de rencontre, version B2B ! Le but : mettre en relation des marques et des experts dont les audiences sont affinitaires. En marketing, c'est ce que nous appelons le « nearbound » ; c’est-à-dire le fait de s’appuyer sur l’écosystème.
Aujourd’hui, mon entreprise spécialisée dans l’influence s’appelle Agence Personnelle. Je l’ai lancée il y a un an et demi et centrée sur le personal branding. Mon parti pris est le suivant : aujourd’hui, il existe de nombreux experts dotés d’un savoir-faire mais ne sachant pas très bien comment le faire savoir. Nous les aidons donc à maîtriser les codes des réseaux sociaux pour aller chercher plus de visibilité et de revenus grâce à leurs comptes.
Cette même étude Dentsu souligne que d’ici à 2026, 80% des ventes B2B seront digitales. Ce chiffre semble-t-il crédible à vos yeux ?
Evidemment, ce chiffre est tout à fait crédible. Tous les facteurs de la décision d’achat se font en ligne de nos jours, via Google, les réseaux sociaux et les sites de scoring. Aujourd’hui, qui préfère demander à un ami, lors d'une rencontre physique, s'il lui recommande tel ou tel logiciel, par exemple ? Pour moi, nous vivons d'ores et déjà dans ce monde-là et je dirais même que ce chiffre de 80% est sous-estimé.
L’étude souligne enfin que le marché du marketing B2B reste victime d’une hausse du taux d’attrition, qui s’élève à 34%. Comment expliquer cela ?
Dans le B2B, il y a moins de fidélité aux produits. Le client signe plus vite mais il part aussi plus vite, en considérant de plus en plus des offres sans engagement. C’est pour cela qu’aujourd’hui, les entreprises se voient obligées de diversifier leurs produits et services afin de créer un maillage en écosystème. Nous sommes dans un modèle que les Américains décrivent comme du « plug and play », ou encore « no strings attached » ; c’est-à-dire que le client arrive, repart avec la volonté d’un service à la demande, où il est facile de s’inscrire et de se désinscrire.
Où la plus-value du marketing d’influence B2B réside-t-elle par rapport au marketing B2B traditionnel ?
Des experts ont émergé sur des thématiques qui sont extrêmement précises et ces personnes savent prendre la parole sur des sujets très pointus, tout en ayant le savoir-faire et les codes des plateformes. L’enjeu pour les marques est d’aller chercher ces influenceurs dont le pouvoir de recommandation est énorme et qui sont pour l’instant à très bas prix. Finalement, cela coûte parfois moins cher de faire appel à un influenceur qui va produire et diffuser sur ces canaux que de faire produire en interne.
Vous avez travaillé aux Etats-Unis pendant de nombreuses années et cette expérience continue d’influencer votre vision du marketing. Quelles sont les similitudes et/ou divergences entre le marketing d’influence B2B en France et outre-Atlantique ?
En fait, la seule différence est temporelle. La France a juste cinq ans de retard ! J’ai donc l’impression d’avoir une boule de cristal dans les mains, qui me permet de prédire ce qui va se passer sur le marché français dans ce secteur. Par exemple, aux Etats-Unis, le personal branding et les influenceurs B2B ont explosé il y a déjà 7-8 ans !
Revenons sur votre Agence Personnelle, spécialisée dans l’accompagnement de ces experts souhaitant développer leur audience sur les réseaux sociaux. Un an et demi après sa création, quel bilan en tirez-vous ?
Pour rappel, l’objectif d’Agence Personnelle, c’est de développer les compétences de ces experts et les aider dans la production de contenus. Les marques viennent ensuite chercher chez nous ces influenceurs spécialisés. Ces derniers peuvent promouvoir la marque avec un langage « plus authentique ».
Résultat, nous sommes au-delà du succès, car le marché du B2B est en train de se déringardiser sous l’influence du B2C. Le B2B reprend ces codes, avec la création de communautés, l’influence marketing, la gamification… Pour quantifier le succès, il suffit de prendre en compte le ROI réalisé. Lorsque nous nous adressons à des professionnels, la vente d’une licence peut en rapporter des centaines ou des milliers d’autres.
Parmi de nombreux exemples, prenons celui-ci : lorsque j’ai réalisé un post LinkedIn pour My English School (MyES), entreprise spécialisée dans l’apprentissage de l’anglais, cette simple publication a généré 28 000 € de chiffres d’affaires. Car un post LinkedIn, réseau de professionnels, peut aussi bien toucher un directeur de la communication, qu’un RH soucieux de former tous ses collaborateurs. In fine, le CA réalisé s’en ressent.
Quels peuvent être les freins à cet essor du marketing d’influence B2B ?
Il faut surtout pouvoir s’adapter à la loi de 2023 qui encadre l’influence, qui est assez récente et dont il faut cerner les prérogatives : les éléments de langage à mettre sur les posts, la bonne déclaration des partenariats et des liens d’affiliation, etc. Il faut travailler avec des influenceurs qui ont en tête tous ces codes, afin de garantir l’éthique du marketing d’influence. Parmi les freins, il y a également le risque d’un « bad buzz », même si cela reste moins courant dans le B2B, comparé au B2C.
LinkedIn s’est désormais imposée comme plateforme phare du marketing d’influence B2B. Pourquoi l’avoir choisi à votre époque pour développer votre activité ?
Ce que j’aime chez LinkedIn, c’est le fait que c’est un anti-réseau social. Les fondateurs ont donné la primauté à l’apprentissage. L’algorithme trace le plagiat, il y a peu de faux profils… c’est le réseau de la confiance. Le temps d’attention sur la plateforme est donc plus élevé que sur d’autres réseaux sociaux, et cela est précieux pour les publicitaires. De plus, l’algorithme ne va pas favoriser la « fame ». Par exemple, l’élection des Top Voices – distinction attribuée par la plateforme aux utilisateurs qui se démarquent par la qualité de leurs publications – est décidée par la réunion d’un comité éditorial.
Vous avez désormais plus de 131 000 abonnés sur LinkedIn. Sur quoi repose votre succès, selon vous ?
Je fais du personal branding en vidéo, ce qui me confère un gros avantage, car ce format a explosé cette année sur la plateforme, avec l’apparition de l’onglet dédié aux vidéos courtes. Et LinkedIn fait son maximum pour mettre en avant les jeunes créateurs. Avec l’Agence personnelle, j’ai mis en place un process qui me permet de produire du contenu en très peu de temps. En une demi-journée, je peux tourner jusqu’à 20 vidéos, ce qui me fait du contenu pour le mois. Je pense que c’est cette vélocité qui me permet de me distinguer sur LinkedIn et d’être bien référencée. A ce propos, la valeur des réseaux sociaux largement évolué : il faut oublier le nombre de likes ou d’abonnés, pour se concentrer sur le référencement, sa capacité à se positionner sur les mots-clés avant ses concurrents. De telle sorte que, lorsqu’un internaute cherche un mot clé sur un réseau social, il tombe directement sur votre contenu.
Quelles difficultés rencontrez-vous dans votre utilisation de LinkedIn ?
Comme tout réseau social, LinkedIn comporte des dangers en termes d’addictions. Le documentaire Netflix Derrière nos écrans de fumée, sorti en 2020, illustre bien le fait qu’il est très facile de devenir dépendant d’un réseau qui nous permet de combler un besoin de validation, ainsi que de la dopamine engendrée par les likes. Il faut également se méfier de la sur sollicitation, de la charge mentale associée à la création de contenus. Il y a des exemples d’entrepreneurs qui oublient que les likes ne paient pas le loyer et qui finissent par oublier leur vrai business. Le tout, c’est de prioriser ses actions et de connaître les mécanismes pour mieux s’en prémunir.
Il y a deux mois, vous avez publié un post devenu viral, dans lequel vous avez confié que des membres de votre famille qualifiaient votre contenu d’« affligeant » et « creux ». Avec le recul, comment comprenez-vous ce procès en inutilité qu’on vous a fait ?
A chaque étape de mon histoire, j’ai croisé la route de personnes, d’après qui mon travail était inutile. Pourtant, derrière, j'ai rencontré le succès. Je pense que pour avoir une seule bonne idée, il en faut cent mauvaises. En tant qu’entrepreneur, si tu n’es pas prêt à affronter ta part de médiocrité, tu ne pourras jamais devenir excellent.
Propos recueillis par Cléophée Baylaucq.