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Communicants : cibler la "Gen Z" a-t-il du sens ?

RP

Le terme “Gen Z” ne fait pas référence au 4e volet de “Retour vers le futur”, mais bien à la génération Z comme Zappeur, Z comme Zoomer. Nés entre le milieu des années 90 et 2010, ces jeunes hommes et femmes, présents sur le marché du travail pour une bonne partie d’entre eux, sont les consommateurs d’aujourd’hui et de demain. De quoi attirer d’autant plus les marques, soucieuses d’accroître leurs parts de marché. Or, cette cible est souvent décrite comme insaisibable. Ce qui pousse certains communicants à s’interroger : faut-il à tout prix, cibler la « Gen Z » ? Décryptage.

Communicants : cibler la
Cibler la Gen z a-t-il-du sens ?
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« Les générations sont devenues une des grilles de lectures les plus puissantes et les plus performatives de notre société », disait en 2019 Vincent Coquebert, dans son ouvrage Millennial Burn-out (Ed. Arkhé), comme le rappelait le site des « Echos Start » à cette même époque.

Pour comprendre l’attrait des marques pour cette génération, il convient de rappeler qu’aujourd’hui, la Gen Z, représente 12% de la population française et 30% au niveau mondial, selon « L’ECHO touristique », pour un pouvoir d’achat estimé à environ 61 milliards d’euros en France, d’après une étude du cabinet OC&C Strategy Consultants.

La Gen Z fascine tellement qu’elle est auscultée de toutes parts. En attestent, la multitude d’études, comme le nombre astronomique de recherches Google (1 720 000 000 résultats), dont elle fait l’objet.

Souvent incomprise des générations qui la précèdent, la Gen Z est perçue comme ambivalente et paradoxale. Tantôt décrite comme engagée, pleine de valeur et militante, tantôt catégorisée comme fainéante, révoltée ou déficitaire d’attention. La liste est longue sur les caractéristiques qu’on lui attribue.

Les marques cherchent donc à trouver le meilleur dénominateur commun pour s’adresser à cette génération. Comme l’évoque Sana Atmane, planneur stratégique dans l’agence Socialclub, la Gen Z est représentée par « des micro-communautés bien segmentées ».  De son côté, Philippe Pioli-Lesesvre, Directeur Créatif chez The Good Compagny, observe même qu’« il semble y avoir une remise en question d’un modèle universaliste qui nous a pourtant porté pendant longtemps. »
 

Génération ultra-fragmentée et connectée

Faut-il à tout prix cibler la Gen Z ? Des communicants s’accordent sur le fait que cette génération présente une vraie opportunité pour les marques. Comme l’énonce Sana Atmane : « les générations les plus jeunes peuvent incarner un renouveau, une sorte de modernité. »

Consommateurs d’aujourd’hui et de demain, les membres de cette génération attirent les marques, qui cherchent à les séduire, à gagner leur attention. Perçue comme le Graal dans un flot d’informations, cette attention devient même « le principal indicateur recherché par les marques », selon Geoffroy Martin dans un article pour « Les Echos ».

D’autant qu’une des caractéristiques de la Gen Z sonne comme une aubaine pour les annonceurs : comparée à ses aînées, elle se dit globalement moins de réticente à se faire « tracker » en ligne. A une seule condition : recevoir in fine des publicités pertinentes et personnalisées. (La Réclame). Et ce, même à l’ère des lois qui régissent la protection des données, RGPD, le blocage des cookies ou le récent Digital Service Act, dont nous vous parlions dans un article précédent.

D’après Sana Atmane, « il y a évidemment un terreau commun de problématiques que partage cette génération, mais elle vit en même temps dans une ultra-fragmentation des centres d’intérêts, des communautés et des esthétiques. » La planneur stratégique est une habituée de cette génération. Au sein de son agence, les collaborateurs sont tous plus ou moins issus de la Gen Z. Elle raconte : « On pourrait penser que ça limite les divergences mais pas du tout. Cette génération est multiple et nos avis le sont aussi. Par exemple, cela se ressent dans les références culturelles, artistiques, publicitaires. Elles sont toutes ‘Gen Z compliant’ et pourtant elles sont très différentes.»

Ainsi, cette multitude de cibles potentielles, offre aux marques la possibilité de se renouveler, et toucher, d’une façon ou d’une autre, au moins une partie de la génération Z.

Cette diversité d’intérêts, de valeurs et préférences, crée un terrain fertile pour l'innovation. Les marques qui saisissent cette opportunité de manière stratégique peuvent ainsi créer des campagnes marketing plus ciblées et établir alors des connexions significatives avec les consommateurs de cette Gen Z. Cette approche centrée sur le consommateur permet de s'adapter à une génération qui valorise l’authenticité et la diversité.
 

Ne pas cibler pour cibler

Pour autant, Sana Atmane rappelle que s’adresser à la Gen Z, « ne se résume pas à une question de codes ou de forme, il faut prendre le temps de comprendre ses attentes en profondeur et ne surtout pas se limiter à la surface ».

« Bien cibler, c’est aller plus loin qu’un ensemble délimité par des dates de naissance », abonde Philippe Pioli-Lesesvre, pour qui « il y a nécessairement quelque chose de grossier dans un emballage aussi généralisant. » Selon le directeur créatif, « rien n’est plus repoussant pour un jeune qu’un vieux qui se prétend jeune. Admettre le fossé c’est déjà pouvoir le jauger, et qui sait pouvoir le franchir.»

Philippe Pioli-Lesesvre alerte même sur un possible effet pervers : « Ce qui peut être contre-productif, c’est de sacrifier des années d’images de marques et de valeurs patiemment construites pour aller dans le sens du vent. Le vent c’est changeant, les générations vieillissent et les Z ne tarderont pas à être remplacés par d’autres. Suivre les tendances c’est bien, mais la constance ça a du bon aussi et c’est souvent récompensé à long terme.» Gare donc à la fausse connivence, s’i l’on en croit certains experts du sujet, qui s’accordent sur un point : il n’est pas nécessaire de chercher à tout prix à cibler la Gen Z.

Toujours est-il qu’elle fascine. Dans son ouvrage Petite Poucette, le philosophe Michel Serres disait : « Leur manière d’être, à la fois connectée, horizontale et créative, innerve tout dans notre société. Ils sont en train de changer la manière de travailler, de voyager, d’apprendre, de consommer. Est-ce que ça les rend meilleurs ? Je l’ignore, mais ils sont différents. Les comprendre est crucial : notre monde est en train de glisser vers le leur. »


Manon OTTOU GUILBAUD

   

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