De Twitter à X : ce qui change en 2023
Le 24 juillet dernier, Twitter, l'iconique plateforme à l’oiseau bleu, a changé de nom et d’identité, pour devenir X. Neuf mois après son rachat par le milliardaire Elon Musk, le réseau social s’est en effet engagé dans une vaste refonte, avec l’ambition de se transformer en une « super app » proposant une multitude de services.
Ce projet de métamorphose a déjà commencé à se concrétiser à travers plusieurs changements significatifs sur la plateforme, parmi lesquels :
- La fin des comptes certifiés gratuits : le petit badge bleu, qui apparaissait sur les comptes de certaines personnalités publiques pour prouver leur identité, est désormais payant. Depuis avril dernier, seuls les utilisateurs qui souscrivent à l'abonnement X Premium (anciennement Twitter Blue) peuvent en bénéficier.
- Le remplacement de Tweetdeck par X Pro : l’application de veille, qui permet de gérer l’activité de plusieurs comptes ou de suivre les tendances sur certains mots clés, change de nom et devient, elle aussi, payante à travers l’abonnement X Premium, proposé pour 8 dollars par mois.
- De nouvelles fonctionnalités pour les abonnés : les comptes payants bénéficient désormais de privilèges inédits sur la plateforme, comme la possibilité de masquer le nombre de likes sur leurs posts, d’éditer ceux déjà publiés pendant une heure, ou encore de bénéficier d’une meilleure mise en avant de leurs tweets et de leurs réponses.
- La rétribution de certains utilisateurs : X propose désormais aux utilisateurs de la plateforme de percevoir une part des recettes publicitaires générées par leurs tweets. Certaines conditions doivent toutefois être remplies : avoir au minimum 500 followers, avoir produit au minimum 15 millions d'impressions lors des trois derniers mois, et bien sûr, être abonné à X Premium.
- La limitation du nombre de lectures quotidiennes de tweets : les utilisateurs sont désormais limités à 1 000 tweets par jour pour les comptes gratuits, tandis que les comptes payants peuvent aller jusqu’à 10 000. Cette mesure, présentée comme « temporaire » par Elon Musk, vise à combattre l'utilisation massive des données du réseau social par des modèles d'intelligence artificielle.
Les changements devraient par ailleurs se poursuivre : le magazine américain Fortune a par exemple révélé qu’X envisageait de masquer le titre et la description des articles partagés sur la plateforme, pour ne laisser apparaître que l’image d’illustration.
Utiliser Twitter comme source d’information à l’ère d’X
D’après le rapport State of the Media publié en 2022 par Cision, près de 6 journalistes sur 10 utilisent Twitter, notamment pour trouver des informations. Mais ce chiffre pourrait bien chuter dans les prochaines années.En effet, les journalistes se retrouvent aujourd’hui dans l'obligation de payer un abonnement X Premium s’ils souhaitent continuer à accéder à l’outil Tweetdeck pour leur veille, ou consulter plus de 1 000 tweets par jour.
Mais surtout, la nouvelle politique de la plateforme en matière de certification des comptes sème la pagaille : des centaines de milliers de personnalités publiques ont perdu leur badge bleu, et il semblerait que beaucoup se refusent à payer pour le récupérer. Le système d’abonnement payant est en effet « boudé, moqué et boycotté », comme le décrit cet article du Monde.
D’autre part, les faux comptes pullulent sur la plateforme depuis qu’il suffit de payer pour obtenir le fameux symbole de vérification. Différencier les vrais comptes des comptes usurpés devient donc extrêmement difficile.
Alors est-il encore possible pour les journalistes d’utiliser le réseau social comme source d’information ? Comme nous l’expliquions dans notre article Twitter a-t-il encore un sens pour les journalistes ? il est fort probable qu’X reste présent dans le quotidien des professionnels de l’information, mais ces derniers vont devoir redoubler d’attention pour filtrer les informations trompeuses et vérifier scrupuleusement leurs sources.
L’une des solutions sera incontestablement de privilégier le contact humain. Laurent Barthélémy, journaliste à l’AFP, nous l’expliquait d’ailleurs déjà en 2022 dans une interview sur le traitement des sources.
Diffuser son travail de journaliste sur X en 2023
Twitter est aussi devenu, année après année, un formidable outil de diffusion pour les journalistes. En effet, nombreux sont ceux qui ont pris l'habitude d’utiliser la plateforme pour donner de la visibilité à leurs articles et échanger avec leur audience.Pour Stephen Barnard, chercheur spécialiste des médias à l'université américaine Butler, Twitter a même permis à certains journalistes de se construire « une marque à part entière, au-delà même de leur employeur » (Source : Stratégies). Mais ces usages se voient, eux aussi, bouleversés par les changements récents sur X.
Comme souligné plus tôt, X pousse les journalistes à prendre un abonnement payant, cette fois-ci pour :
- S’assurer que leurs contenus soient mis en avant par l’algorithme de la plateforme, qui risque de pénaliser les utilisateurs gratuits en faisant apparaître leurs tweets en fin de liste.
- Continuer à bénéficier de leur précieux badge bleu le cas échéant, afin de préserver la confiance de leurs followers.
De nombreux débats émergent par ailleurs quant à l’introduction du système de rétribution de certains utilisateurs par la plateforme. Si, à première vue, cette nouveauté apparaît comme une opportunité pour les journalistes, désormais susceptibles de monétiser directement leurs articles, des voix s’élèvent déjà pour en dénoncer l’effet pervers.
Un article de Libération pointe en effet les risques de « pillage d’information » par les agrégateurs d’actualité et les sites d’information peu scrupuleux. Ces derniers, qui se contentent de reposter les informations de médias professionnels auprès d’une large audience, sont en effet rétribués au détriment des journalistes.
L’AFP et plusieurs grands éditeurs de presse ont par ailleurs lancé des procédures de justice contre le réseau social pour non-respect du droit voisin du droit d’auteur. Comme expliqué dans le communiqué de presse de l’AFP, Elon Musk refuse en effet de rémunérer les médias lorsque leurs contenus sont réutilisés sur la plateforme, malgré la directive européenne adoptée en ce sens en 2019.
Reste à savoir si le patron d’X prendra des décisions pour rééquilibrer la situation en faveur des professionnels de l’information, lui qui les interpellait justement récemment dans un tweet : « Si vous êtes un journaliste qui souhaite plus de liberté d'écriture et un revenu plus élevé, alors publiez directement sur cette plateforme ! ». Mais l’avenir du journalisme sur X est plus incertain que jamais.
Ingrid De Chevigny