Tout d'abord, pourriez-vous présenter Loopsider en quelques mots ?
Quand nous avons lancé Loopsider en 2018, nous voulions être au plus près de la conversation. Et aujourd'hui, c’est officiel, elle est sur les réseaux sociaux. Nous avons voulu prouver que ces mêmes réseaux sociaux n’étaient pas consacrés qu’aux tutoriels maquillage et aux chiens sur des skateboards. Nous voulions porter l’idée qu'en communiquant une information de qualité, nous pouvions attirer un public de tout âge. Car certains pensent, souvent à tort, que les réseaux sociaux ne sont réservés qu’aux adolescents boutonneux, alors que la typologie d'utilisateur varie selon la plateforme. Ainsi, avec Loopsider, grâce à une maîtrise de la technique, nous voulions être capables d'aller au plus près des souhaits de nos communautés. En essayant de les attirer les unes vers les autres, toujours.
Depuis le début de l’aventure Loopsider, vous prônez un modèle 100% gratuit s’appuyant sur un modèle économique publicitaire. Pourquoi ce pari ?
Nous avons effectivement choisi l’option publicitaire, mais uniquement via le brand content. Nous ne croyons pas au modèle de l’ad break, à savoir ces insertions publicitaires dans les vidéos, vendues par les plateformes elles-mêmes, car nous le trouvons trop intrusif au sein des contenus. De plus, l’ad break ne donne pas accès aux taux de remplissage, aux tarifs proposés par les plateformes, et aux annonceurs eux-mêmes. Nous avons donc mis de côté cette option au profit du brand content. Pour rappel, il s’agit de travailler des messages coconstruits avec des annonceurs, pour mettre l’accent sur une problématique ou une question susceptible d'intéresser nos communautés. Ainsi, avec les marques qui parlent de leur histoire, comme « Zippo » ou « la vache qui rit » du groupe Bel, nous donnons un éclairage au public, qui comprend à travers ce qu'on lui explique, les intérêts de l'information. Ce modèle de co-production de contenu répond à notre enjeu de curiosité et d'inspiration, notre souci de raconter une histoire qui va retenir l'attention de notre public.
Pourquoi n'avez-vous pas choisi l’option payante, celle de l’abonnement ?
Nous ne croyons pas non plus en l’abonnement payant, car nous pensons que ceux qui payent pour accéder à l’information, ne sont qu’une minorité déjà convaincue de la nécessité de s’informer. Et justement, nous voulions toucher ceux qui ne croyaient plus en l'information des médias traditionnels, ceux qui étaient présents sur les réseaux sociaux, nous voulions les capter en leur proposant une information ou une idée, susceptibles de les inspirer, d'instiguer à une certaine curiosité.
Dans un contexte économique difficile pour les médias, diriez-vous du brand content qu’il pourrait être pour eux une sorte d’« alternative quasiment magique » ?
Oui, pour nous, il s’agit bien d’une alternative magique. C’est grâce au brand content que nous existons aujourd'hui, chez Loopsider, et grâce à lui que nous sommes amenés à nous développer. Nous pensons que ce brand content est un bon moyen pour pérenniser le modèle économique des médias, du moins, des pure players sur les réseaux sociaux. Pour ces médias vidéo en ligne, les autres modèles économiques comme l’abonnement payant ou l’ad break ne sont pas adaptés, ou alors sont peu rémunérateurs. Concernant les médias traditionnels, je n’ai pas de conseil à donner, si ce n’est de se diversifier et d’explorer de nouvelles pistes, plutôt que d’espérer le maintien des perfusions des subventions publiques, des droits voisins ou encore des actions de mécénats des milliardaires qui les portent à bout de bras.
Comment le marché du brand content évolue-t-il ?
C’est un bémol important : le marché publicitaire du brand content évolue doucement. On parle du brand content depuis 20 ans, mais nous nous apercevons au fil des années, que les campagnes de brand content ne se multiplient pas de manière exponentielle. Pour multiplier le panier moyen, l’appétence des annonceurs et des agences de brand content, il faudrait une évolution générationnelle des mentalités, pour comprendre que les Français passent plus de temps à réagir sur les réseaux sociaux qu’à regarder passivement la télévision.
Pourquoi cela prend-il du temps si, à vous écouter, le brand content est une pratique rémunératrice ? Diriez-vous que le brand content est un sujet tabou pour certains médias ?
Il est nécessaire de faire la distinction entre le publi-reportage opaque et le brand content, qui mentionne, en toute transparence, la participation financière d’une marque à la production de contenus et qui, comme un contenu purement éditorial, a pour objectif de susciter la curiosité. Le public est averti lorsqu’un annonceur, un commerçant ou un partenaire est intervenu. Avant de cliquer, l'internaute sait donc qu'il va voir un contenu produit grâce à l'intervention financière d’un tiers, nous le faisons donc en amont, et je le redis, en toute transparence.
Quelle part le brand content représente-t-il dans les contenus produits par Loopsider ?
Les campagnes de brand content étant dépendantes des accords avec nos partenaires, nous ne pouvons prédire en amont la quantité de contenus produits. Mais en moyenne sur l’année, le brand content représente 1 vidéo sur 6, selon les opérations menées.
Chez Loopsider, quelle est la répartition des revenus entre ceux tirés du brand content et ceux issus de la rémunération des plateformes de diffusion ?
98 % est issu du brand content et seulement 2 % viennent des plateformes.
Le brand content, qui consiste donc à produire du contenu pour des marques, n’est-il pas incompatible avec le métier de journaliste ?
Nous ne le pensons pas, au contraire ! Dans les deux cas, il nous faut raconter une histoire, susciter l'intérêt, éveiller le cerveau et lui donner envie d'aller plus loin. Que ce soit à l’éditorial ou au brand content, le contenu est produit par les mêmes journalistes et avec les mêmes outils technologiques. L'idée reste de marquer les esprits, inciter le public à s'arrêter dans son cheminement sur les réseaux sociaux et prendre le temps de comprendre le message, l'histoire, ou le portrait que nous voulons partager avec lui.
Vous proposez également la production de contenu en marque blanche. Pourquoi ce service ?
Nous proposons plusieurs services. Les vidéos en marque blanche sont diffusées par nos partenaires sur leur site internet ou leurs réseaux sociaux, et sous leur nom par définition. Mais ce que nous faisons, c’est la production de médias pour le compte de tiers. On le fait pour les grandes marques, comme Carrefour. Par exemple, l’entreprise Veolia détient un compte Instagram de 100 000 abonnés qui vise à évoquer les questions environnementales. Nos journalistes dédiés, des spécialistes de la matière, produisent ainsi des contenus sous la marque Veolia, mais avec la patte, les outils, la science et la technologie de Loopsider.
En 2018, vous parliez de groupes de presse intéressés par un potentiel rachat de Loopsider, ce que vous refusiez à l'époque en estimant n'être qu'« à la moitié du voyage. » Cinq ans plus tard, le groupe CMI France de Daniel Kretinsky a finalement acquis 45% des parts de Loopsider. Pour quelles raisons ?
Ce partenariat nous permet d’une part de multiplier les productions de contenus, donc implique un aspect rémunérateur. Aujourd’hui, sur les réseaux sociaux, lorsque vous voyez du contenu d'Elle ou de Télé 7 jours, il y a de fortes chances que ce soient des journalistes de Loopsider derrière. D’autre part, se rapprocher d'un groupe comme CMI, nous permet également de continuer notre développement et nos ambitions avec nos communautés.
Pour reprendre votre métaphore du voyage, estimez-vous donc être arrivé à destination ?
Non, cette cession de parts était vraiment un moyen pour nous de continuer à grandir. Comme je viens de l’évoquer, une partie de ce partenariat avec CMI, implique pour nous la production de contenus pour leurs médias.
Propos recueillis par Alix Fortin