En février dernier, la chaîne d’information BFMTV licenciait le journaliste Rachid M'Barki pour avoir diffusé à l’antenne des informations biaisées et orientées. C’est la cellule d’investigation de Radio France qui a révélé l’affaire, dans le cadre d’une vaste enquête baptisée « Story Killers », coordonnée par le consortium international Forbidden Stories.
Réagissant à cette actualité, Yann Guégan, vice-président du Conseil de déontologie journalistique et de médiation, appelait dans une tribune à L’Obs à une autorégulation de la profession, et pointait les dérives d’acteurs peu scrupuleux du monde de la communication.
La déontologie des professionnels de l’information et de la communication est donc plus que jamais sur le devant de la scène, et les différences éthiques entre les deux professions soulèvent des enjeux cruciaux.
La déontologie en journalisme : la sacro-sainte règle de la véracité
La déontologie journalistique est définie par deux textes de référence en France : · La charte d’éthique professionnelle des journalistes rédigée en 1918 par le Syndicat national des journalistes (SNJ),
· La charte de Munich, ou Déclaration des devoirs et des droits des journalistes de 1971, approuvée par l’ensemble des syndicats de journalistes européens.
Elle repose sur des principes de recherche de la vérité, de vérification des faits, d'objectivité, de protection des sources, et de responsabilité dans la diffusion de l'information.
Certains médias ont par ailleurs fixé leurs propres règles éthiques, comme Mediapart, dont la charte déontologique indique par exemple que cette entreprise de presse entend « promouvoir un journalisme d’intérêt public, portant des valeurs humanistes, démocratiques et sociales, au service du bien commun, de l’égalité des droits, du rejet des discriminations et du refus des injustices ».
La déontologie en communication : un équilibre délicat entre transparence et promotion
Les communicants ont pour mission de servir les intérêts de l’organisation ou de la personnalité qu’ils représentent, et donc de mettre en avant des messages spécifiques. D’où une déontologie qui se distingue sensiblement de celle des journalistes. C’est le Code d'Athènes, ou code d’éthique internationale des relations publiques, signé en 1965, qui pose les bases de la déontologie en matière de communication. Mais plusieurs textes plus récents ont permis d’actualiser les règles initialement fixées.
Dans leur code de déontologie, le SCRP et le SYNAP (Syndicat du conseil en relations publics et Syndicat national des attachés de presse et des conseillers en relations publics) définissent de nombreux principes, parmi lesquels : « Le professionnel des relations publics doit être animé par des valeurs de responsabilité, de sincérité et de loyauté […] il est tenu de respecter tant l’intérêt de ses clients que l’intérêt public dans la conduite de son activité ».
Le Code de communications ICC de la chambre de commerce internationale souligne par ailleurs l’importance de la transparence pour la profession : « Les communications commerciales doivent être clairement identifiables en tant que telles, quelle que soit leur forme et quel que soit le support utilisé. Lorsqu’une publicité, y compris une publicité dite « native », est diffusée dans un média comportant des informations ou du contenu rédactionnel, elle doit être présentée de telle sorte que son caractère publicitaire soit évident et, le cas échéant, doit être marquée comme telle ».
Journalistes et communicants : des différences éthiques, mais aussi de nombreux points de convergence
Les nuances déontologiques entre journalistes et communicants s’expliquent par leur différence d’objectifs : les professionnels de l’information sont souvent considérés comme ayant une mission d'intérêt général, tandis que leurs homologues de la communication doivent avant tout défendre les intérêts particuliers de l'entité qu'ils représentent.
En communication, il est par exemple justifié d'accentuer les informations positives et d’omettre ou d’adoucir certaines informations négatives, pour promouvoir une image favorable, tandis qu’en journalisme, l’objectivité est généralement de mise.
Les professionnels de l’information et de la communication partagent néanmoins de nombreux principes éthiques : intégrité, transparence, rigueur… Le code de déontologie du SCRP et du SYNAP va même jusqu’à mentionner la responsabilité des communicants dans la lutte contre la désinformation.
Finalement, les codes éthiques des communicants et des journalistes se rejoignent sur de nombreux points, pour la simple et bonne raison qu’ils cherchent avant tout, les uns comme les autres, à établir des relations de confiance avec leurs audiences.
Journalisme et communication : des codes éthiques qui doivent évoluer avec leur temps
Dans un monde marqué par une forte évolution technologique et de nouvelles dynamiques sociales, les professionnels de l’information et de la communication se voient toutefois contraints de veiller à réévaluer et adapter leurs codes éthiques. Il en va de leur crédibilité et de leur légitimité.
Les professionnels de l’information font en effet face à une crise de confiance sans précédent : dans son baromètre 2023 sur l’utilité du journalisme, l'institut ViaVoice, en partenariat avec Radio France, France Télévisions et France Médias, révèle par exemple que seuls 47 % des Français ont confiance dans le travail des journalistes concernant la politique.
L’essor des réseaux sociaux et la montée en puissance de l’intelligence artificielle transforment par ailleurs profondément les usages en matière de consultation de l’information, et font émerger de multiples défis pour les journalistes et les communicants.
La lutte contre les fake news émerge par exemple comme une préoccupation éthique incontournable, tandis que le rôle des influenceurs comme nouvelles sources d’information privilégiées des jeunes générations menace la confiance envers le monde médiatique traditionnel.
Et si, journalistes et communicants travaillaient plus que jamais main dans la main et établissaient des relations positives pour faire évoluer le cadre de leur déontologie et répondre aux nouveaux défis de leur profession ?
Ingrid de Chevigny