Le Média Les pouvoirs du « newsjacking » : mettre l’actualité au service des RP
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Les pouvoirs du « newsjacking » : mettre l’actualité au service des RP

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À l’heure de l’infobésité, les actualités circulent très vite, et les journalistes sont surchargés. Les marques développent des stratégies pour se démarquer et gagner de la visibilité auprès du public et des médias. Parmi elles, le « newsjacking » s’est imposé au cours des dix dernières années. Décryptage de cette pratique de détournement de l’actualité et de son efficacité. 

Les pouvoirs du « newsjacking » : mettre l’actualité au service des RP
Les pouvoirs du « newsjacking » : mettre l’actualité au service des RP
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En 2013, la 47e édition du Super Bowl a rassemblé 108,4 millions de téléspectateurs. Ce soir-là, tandis que la finale du championnat de football américain NFL bat son plein, une panne de courant interrompt le match. Le Superdome de la Nouvelle-Orléans est alors plongé dans le noir pendant 35 minutes environ 


Quelques secondes plus tard, le public se retrouve sur les réseaux sociaux pour discuter autour du #BlackoutBowl. Il ne faut que 10 minutes à la marque d’Oreo pour intégrer la conversation et attirer l’attention, via l’image d’un biscuit dans la pénombre, accompagnée d’un tweet : « Pas de courant ? Pas de problème. Vous pouvez toujours tremper (le biscuit) dans le noir. » 
 



 

1 tweet. Gratuit. Plus de 15 000 retweets. 20 000 likes sur Facebook. Plus de 5000 partages. Et une très large couverture médiatique à travers le monde de Forbes à Wired, en passant par l’International Business Times Royaume-Uni, ou Vocero Argentine. 


Cette année-là, le prix moyen d’un spot publicitaire tournait autour de 3,8 millions de dollars. Aucun des annonceurs n’a pu se vanter d’avoir eu les mêmes retombées médiatiques. « Oreo wins the Super Bowl Blackout » titrait même Buzzfeed. Car pour de nombreux médias, le véritable vainqueur de l’événement n’était pas sur la pelouse, mais bien sur les réseaux sociaux. 


Pour Marie-Laure Laville, fondatrice de l’agence MLD Consulting, cet exemple est un « cas d’école » de « newsjacking ». À cette époque, ce type de stratégie était « assez novateur ».  

Et pour cause, le terme est apparu deux ans avant cet événement. Dès 2011, David Meerman Scott est le premier à l’avoir conceptualisé dans un contexte RP. L’auteur américain spécialisé en marketing et RP définit le « newsjacking » comme le fait de « détourner une nouvelle en y injectant ses idées, dans le but de générer visibilité et engagement sur les médias sociaux. » Dans son livre Newsjacking: How to Inject your Ideas into a Breaking News Story and Generate Tons of Media Coverage (ed. John Wiley & Sons, 2011), il remet en question l’efficacité du modèle des relations presse traditionnelles dans un espace médiatique saturé. Dans ce contexte, la stratégie du « newsjacking » offre donc la possibilité de se démarquer en se servant de l’actualité pour prendre la parole. 
 

Une stratégie aux multiples facettes 

10 ans plus tard, est-ce toujours une pratique intéressante ? La réponse est oui, pour Marie-Laure Laville, autrice spécialisée dans les relations presse à l’heure du digital. Elle souligne même «la grande efficacité » de cette stratégie et son intérêt pour capter l’attention des médias sursollicités. 


On distingue aujourd’hui différentes formes de « newsjacking ». La première tactique consiste à s’appuyer sur les marronniers. L’objectif est d’identifier les temps forts les plus pertinents pour sa marque et de profiter de l’intérêt médiatique, pour inscrire son discours dans une actualité plus large. Détourner certains événements ponctuels relève également de cette première forme de « newsjacking », à l’image de Pompotes, marque de compote en gourde. Profitant de la tournée de Taylor Swift à Paris en mai 2024, laquelle a attiré 180 000 spectateurs, la marque a publié un post Instagram la veille du premier concert. Sur une affiche du « Taylor Fruits The Passion Tour », la compote a remplacé la star de la pop. Avec cette stratégie, la marque a créé du lien avec les fans de Taylor Swift et généré de l’interaction.  

 

 


L’autre stratégie, complémentaire, consiste à réagir à une actualité chaude. En s’appuyant sur une information forte, un  communicant peut profiter de l’engouement autour d’un fait récent pour proposer un contenu original et marquant. Ainsi, en avril 2023, la campagne print et digitale d’EDF s’est appuyée sur Le Monde et Le Parisien pour répondre à des propos polémiques du rappeur Gims. Pour rappel, dans une interview vidéo sur la chaîne du youtubeur Le Chairman, le chanteur avait affirmé que les Égyptiens, dès l’Antiquité, produisaient de l’électricité grâce aux antennes des pyramides. Avec humour, EDF a rebondi sur cette actualité. Cette campagne s’est vue reprise par de nombreux médias (Le Figaro, Le Point, Sud-Ouest, etc.), offrant de la visibilité au fournisseur d’électricité. 
 

 


Une histoire de temporalité 

Pour être un bon « hacker de l’actualité », selon Marie-Laure Laville, et réussir son « newsjacking », il faut adopter les bons réflexes. Cette stratégie nécessite d’être en veille constante sur son secteur d’activité. A la fois en veille médiatique, indispensable pour trouver les actualités sur lesquelles rebondir, mais aussi en veille concurrentielle. Il s’agit de conserver une bonne visibilité sur l’ensemble des supports qui ont de l’intérêt pour la marque. 


Par ailleurs, se constituer un planning éditorial avec les marronniers et les grands moments de l’année, favorise l’anticipation des prises de parole et du type de contenu proposé aux journalistes. Un calendrier permet de gagner en cohérence et rend possible une meilleure organisation. Anticiper ce qui est prévisible garantit d’être plus serein et réactif face aux imprévus.  


Parfois, quelques heures suffisent à rendre une actualité obsolète. Raison pour laquelle, le newsjacking suppose d’aller vite et ne pas se perdre dans de long processus de validation. « Les vraies contraintes sont le temps de validation et une bonne idée ! », abonde Marie-Laure Laville. Pour David Derouet et Patrice Lucet, directeurs de création chez Buzzman, « Il y a une histoire de temporalité qui est très importante. Si c’est un peu trop tard pour une marque, c’est beaucoup trop tard pour les réseaux sociaux. Tout peut se jouer en un quart d’heure ». En trois mots, le newsjacking implique d’être réactif, créatif et audacieux. 

À chaque marque son « newsjacking » 

Cette stratégie est-elle efficace pour tout le monde ? Qu’en est-il des entreprises B2B ? Des marques qui ont moins de notoriété ? Pour Marie-Laure Laville, « Le newsjacking est ouvert à tout le monde ». Mais « il y a des marques, comme Burger King, qui ont ce pouvoir d’influence. Elles peuvent prendre la parole et faire de l’humour. Cela marche très bien, mais elles ont déjà la notoriété. » 


« Burger King une marque qui a cela dans son ADN, qui est capable de réagir vite et d’avoir l’audace de parler à des moments où personne ne sait vraiment comment s’exprimer », expliquent David Derouet et Patrice Lucet, qui ont notamment travaillé pour le géant du burger. Ils soulignent que le « newsjacking », « ce n’est pas accessible à toutes les marques, il faut déjà avoir une certaine image installée.» 


Selon eux, « là où un leader jouera le conservatisme, pour un challenger, s’il veut exister et qu’il a des moyens, oui, cette stratégie en vaut la peine .» La célèbre réponse de Burger King, en 2016, à une campagne de McDonalds, alors leader incontesté sur le marché du fast-food en France, illustre leurs propos.  

 

Ainsi, BK ne manque pas une occasion pour prendre la parole avec humour. En janvier 2024, ils profitent ainsi de l’actualité politique pour commenter le changement de Premier ministre et générer de l’interaction sur les réseaux sociaux. « Dans le cadre du B2C, si une marque jouit d'une bonne réputation, elle peut se permettre de prendre la parole simplement pour renforcer son esprit ou son image », explique David Derouet. « La prise de parole doit être beaucoup plus justifiée si la marque est moins appréciée ou quand le secteur est plus sérieux. Il faut avoir de très bons arguments, une vraie preuve de la valeur produit qui permet de détailler le propos. » 


En effet, « Anticipation ne veut pas dire précipitation », rappelle Marie-Laure Laville. Le « newsjacking » implique une « réflexion, pour éviter le bad buzz. Certaines marques sont frileuses, ce qui peut se comprendre parce qu’elles sont déjà des marques à risque ou potentiellement visées par la presse. »  


En résumé, le « newsjacking » véhicule bien des atouts, mais à condition d’adapter la stratégie, les supports choisis et de produire des contenus en harmonie avec les valeurs et l’image de sa marque.

   

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