Et, en effet, bien qu’ils forment un duo indissociable, journalistes et communicants ont des relations profondément ambivalentes.
Journalistes et communicants : des objectifs distincts
Les journalistes sont chargés de fournir au public des informations précises, vérifiables et nouvelles, tandis que les communicants ont un rôle de porte-parole, qui leur impose de transmettre un message ou une image spécifique, selon l’organisation ou la personne qu’ils représentent.
Jean-Baptiste Legavre, directeur de l’école de journalisme de l'Institut français de presse (IFP), les décrit dans un ouvrage comme des « associés-rivaux », un concept emprunté au sociologue François Bourricaud. Si journalistes et communicants doivent collaborer quotidiennement pour diffuser des informations, ils peuvent toutefois être en concurrence pour contrôler la narration, les sources d'information, ou encore les objectifs de communication.
Pour collaborer efficacement, les professionnels de la communication doivent donc faire l’effort de comprendre les enjeux de leurs homologues de l’information, et vice-versa. Simon Ruben, responsable de l’offre au CFPJ (Centre de formation et de perfectionnement des journalistes) nous l’expliquait d’ailleurs dans une interview : « pour de bonnes relations presse, il faut penser comme un journaliste. Il s’agit de se mettre à leur place ».
Les bonnes pratiques pour des relations harmonieuses entre journalistes et communicants
1-Une transparence maximale
Les deux grandes priorités des journalistes en 2023, selon l’étude précédemment citée de Cision, sont :- L’exactitude du contenu,
- Le fait d’être perçu comme une source de confiance.
Les communicants doivent donc se montrer ouverts et honnêtes, en évitant de masquer certaines informations ou de fournir des données trompeuses. « L’exigence de traçabilité de l’information est devenue première » confirme en effet Bernard Sananès, président du cabinet d'étude et de conseil Elabe, dans une tribune parue sur Stratégies.
Mais cette exigence de transparence ne s’applique pas qu’aux communicants. Lorsqu’ils demandent des informations, les journalistes doivent, eux aussi, clarifier leurs intentions et le contexte de leur reportage pour instaurer un climat de confiance.
2-Une réactivité accrue
Les journalistes travaillent souvent avec des délais serrés, et ont besoin de réponses rapides de la part de leurs homologues communicants. Selon Cision, les professionnels de l'information sont en effet 41 % à déplorer l’incapacité de leurs interlocuteurs à répondre dans les temps impartis.Pour établir des relations fructueuses, les communicants doivent donc absolument comprendre et respecter les contraintes de temps des journalistes, en faisant preuve de la plus grande réactivité possible.
3-Une préparation rigoureuse
Lorsqu’un échange est prévu entre un journaliste et un communicant, ou qu’une interview est organisée par l’intermédiaire d’un attaché de presse, une bonne préparation des deux côtés est bien souvent l’une des clés de la réussite.Il est essentiel que les communicants anticipent les questions et préparent des éléments de réponse adaptés, tandis que les journalistes doivent effectuer des recherches préliminaires pour poser des questions pertinentes.
4-Une communication anti-spam
C’est sans doute l’une des plaintes les plus récurrentes des journalistes à l’encontre des communicants : ces derniers leur imposent un flot incessant d'e-mails, de SMS et d’appels non sollicités. Il leur est proposé des sujets qui n’ont souvent rien à voir avec la ligne éditoriale de leur média ou les thématiques qu’ils couvrent.Selon l’étude de Cision, 93 % des journalistes déclarent que moins de 50 % des communiqués de presse qu’ils reçoivent sont pertinents. Florence Pagneux, journaliste à La Croix, nous avouait d’ailleurs dans un article dédié au communiqué de presse : « 70 % des CP finissent dans ma corbeille ».
Les communicants doivent donc éviter à tout prix d’envoyer leurs CP en masse, et adopter une approche personnalisée avec les journalistes.
5-Des échanges réguliers
Une bonne collaboration entre journalistes et communicants se construit bien souvent sur le long terme. Plutôt que d’entrer en contact uniquement en cas de besoin, maintenir une communication régulière aide à bâtir une relation de confiance.Échanger régulièrement par téléphone est par exemple une bonne pratique pour créer des liens solides. Mais il ne faut pas sous-estimer la puissance du présentiel : selon Cision, les 2/3 des journalistes français privilégient par exemple les conférences de presse physiques aux événements virtuels.
6-Un strict respect de la confidentialité
Les informations partagées à un journaliste en « off » (ou autrement dit, « off the record ») doivent impérativement rester confidentielles. Ces informations, parfois dévoilées dans le cadre de conversations informelles ou livrées dans l’unique but d’aider le professionnel de l’information à bien comprendre la situation, ont en effet vocation à rester secrètes.Si la pratique du « off » est parfois décriée, notamment en journalisme politique, comme l’explique cet article de Radio France, il est important que les journalistes respectent la confidentialité de leurs sources. Et bien sûr, il convient, pour les communicants, de ne pas abuser de ces pratiques souvent risquées.
7-Un feedback constructif et mutuel
Une bonne collaboration repose toujours sur des retours honnêtes et constructifs. Les journalistes ont un rôle essentiel à jouer dans l’amélioration continue des relations presse : en informant les communicants de la pertinence des informations fournies, ils peuvent en effet leur permettre d’adapter au mieux leurs futures communications.Et si les communicants donnaient eux-aussi du feedback sur la couverture médiatique qui découle de leur collaboration avec des journalistes ? En effet, leurs observations et commentaires permettraient peut-être à ces derniers d'ajuster leur travail et d'améliorer la qualité de leurs contenus d’information.
8-Une gestion saine des désaccords
Il peut arriver que des différends surgissent entre journalistes et communicants, même lorsqu’ils entretiennent des relations de confiance.Éviter les confrontations inutiles et opter pour une communication ouverte et respectueuse est alors essentiel pour éviter que les tensions ne s’installent. La compréhension mutuelle est la clé pour préserver la qualité de la relation et résoudre les désaccords de manière efficace.
C’est par exemple dans cette démarche que nous avions organisé fin 2021 le talk Journalistes & communicants : Sortir de la guerre des tranchées ?, en partenariat avec Challenges et Hopscotch. L’objectif ? Mettre autour de la table des représentants du monde de l’information et de la communication, pour débattre de leurs relations et adopter une démarche constructive de recherche de solutions.
Pour conclure, il faut bien noter que malgré les différences qui les séparent, la plupart des journalistes et des communicants accordent une grande valeur à leur collaboration. Selon Cision, les professionnels de l'information considèrent par exemple que les CP et les attachés de presse sont leurs sources les plus utiles. De quoi mettre un terme aux malentendus et sceller définitivement la coopération entre journalistes et communicants !
Ingrid de Chevigny