Le Média Romain Schneider (Le Figaro) : « Le langage est parfois trop technique dans les CP »
Interview

Romain Schneider (Le Figaro) : « Le langage est parfois trop technique dans les CP »

RP

Nouvelle saison des « Clés des RP », format dans lequel MediaConnect interroge les journalistes sur leurs attentes vis-à-vis des communicants. Cette semaine, Romain Schneider, journaliste au service des sports du Figaro depuis une vingtaine d’années partage avec nous son expérience des RP.  

Romain Schneider (Le Figaro) : « Le langage est parfois trop technique dans les CP »
Romain Schneider, journaliste sport au Figaro, nous donne les clés des RP
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Quels sont les formats et thématiques que vous traitez au Figaro ?  

J’évolue depuis maintenant une vingtaine d’années au service des sports du Figaro. J’ai accompagné la transformation du métier, du print vers le web. Aujourd’hui, je suis un journaliste bimédia : l’édition papier privilégie une approche magazine, tandis que le numérique se concentre sur l’actualité pure. Une autre de nos missions consiste à nous occuper du Fil et des Lives sur certains événements, notamment les matchs de football ou de rugby. Avec le tennis, ce sont les trois disciplines les plus couvertes par les médias. Je consacre l’essentiel de mon travail au tennis, puis au golf, mais il m’arrive de traiter d’autres sports ponctuellement, comme le tir à l’arc au moment des Jeux olympiques l’année dernière.  


Quelles sont vos principales sources d’information ?  

Mes principales sources sont mes contacts au sein des institutions, des fédérations et de leur environnement proche. Il est essentiel d’avoir des interlocuteurs disposant d’une bonne connaissance du milieu pour se renseigner. Le fil de l’AFP est également un outil très utile : avec la quantité d’informations à traiter et le petit effectif du service, il est devenu un indispensable. Nous sommes attentifs à la nécessité de multiplier nos sources en élargissant notre veille à d’autres médias. Les réseaux sociaux sont aussi devenus très importants. Aujourd’hui les sportifs communiquent directement sur Instagram pour annoncer une blessure, alors qu’il y a 20 ans ils auraient contacté l’AFP. Ce type de publications nous servent à alimenter Le Fil. Enfin, les contenus transmis par les attachés de presse restent une ressource incontournable.  


Concrètement, dans votre quotidien, que représentent les RP ?  

Les relations presse sont indispensables dans le métier de journaliste de sport. Chaque fédération a désormais son propre service de presse. Lors de gros événements comme Roland-Garros, tout est organisé : ils nous annoncent les conférences de presse, nous envoient les transcriptions en plusieurs langues, partagent les communiqués de presse avec les statistiques et accordent des créneaux d’interview lors de « mediaday » par exemple. Les attachés de presse nous accueillent dans la zone mixte pour couvrir les matchs de foot, dans laquelle on peut espérer enregistrer un son d’un joueur ou de l’entraineur. Les communicants sont nombreux car les sponsors le sont tout autant. Aujourd’hui, chaque joueur est accompagné par un agent.  

Dans les disciplines les plus médiatisées, il est devenu impossible de traiter directement avec les sportifs : chaque demande d’interview transite par un intermédiaire. Parfois, nous sommes même obligés de passer par des marques pour obtenir un entretien avec une star. Un exemple ? C’est en passant par Louis Vuitton que j’ai pu rencontrer le joueur de tennis Carlos Alcaraz, désormais leur nouvel ambassadeur. A l’inverse, dans les sports moins exposés, la dynamique est complètement différente : ils ont besoin de visibilité, donc le rapport entre journaliste et communicant n’est pas le même et notre travail est facilité.  


Justement, comment faire, en tant que communicant, pour mettre en lumière un sport moins médiatisé ?  

Je pense que pour 90% des sports, il est très difficile d’être attaché de presse. Ils peuvent se confronter à beaucoup d’indifférence de la part des médias. Mais si le journaliste ne réagit pas au CP, c’est souvent parce que le sujet ne lui parait pas pertinent. Il faut bien comprendre que notre critère principal de sélection des sujets est l’audience, donc le potentiel nombre de clics. Si la discipline ne concerne qu’une petite niche, nous n’allons pas nous en emparer : il faut rappeler qu’au Figaro, nous sommes un média généraliste.  

Il y a pourtant des exceptions. Les grands événements comme le « Vendée Globe », mettant en lumière la voile, ou les Jeux olympiques qui élargissent la palette sportive, créent des accroches pour les médias. Sans actualité forte, il faut une belle histoire pour intéresser le grand public. Par exemple, c’est souvent le cas dans l’ultra-trail, ou le MMA : les athlètes ont des histoires complexes, peu communes, capables d’intéresser le journaliste, même s’il ne traite pas cette discipline au départ.


Avez-vous un exemple à partager avec nous, d’un moment où vous auriez couvert une discipline moins connue ?  

Bien sûr. Cette année, je me suis rendu au tournoi de padel à Roland-Garros. C’est un sport très à la mode qui peine à émerger en haut-niveau en France. J’ai fait une demande à la fédération pour interviewer le numéro 1 français : elle a été acceptée facilement. C’était intéressant car on a parlé de leur financement alors que c’est une discipline où les joueurs n’ont pas trop de sponsors. A la conférence de presse, il y avait Gilles Moretton, le président de la FFT (Fédération française de tennis) car le padel est, n’en déplaise, dans le giron de la petite balle jaune. Et pourtant : nous n’étions que 10 journalistes... Je peux vous assurer que nous aurions été une cinquantaine si celait avait été une conférence autour du tennis. Aujourd’hui, je reçois de nombreux CP liés à cette discipline, mais je ne peux pas parler du padel toutes les semaines. Le sport est une grosse machineface à laquelle certains ont du mal à exister. Nous, on fait ce qu’on peut, mais nous gardons tête le critère principal : le sujet intéresse-t-il le grand public ?  


Quelles sont vos attentes concernant les communiqués de presse ? Avez-vous, comme de nombreux journalistes, le sentiment d’en recevoir trop ?  

Oui, j’en reçois beaucoup. Le tri de toutes ces informations fait partie intégrante de notre métier. Mais dans l’ensemble, les CP sont assez bien ciblés. Effectivement, je continue de recevoir des informations concernant des disciplines que j’ai couvertes par le passé, comme le football ou la voile. Je considère que c’est important : ces informations peuvent par exemple m’être utiles pour Le Fil lorsque je suis de permanence.  

Ce que j’attends d’un communiqué, c’est qu’il soit bien écrit pour me donner envie de le lire. Je constate souvent un langage trop technique, en particulier dans les sports peu médiatisés. Il faut donner des clés de compréhension aux journalistes et vulgariser son propos. C’est le cas pour les communiqués concernant le golf, dans lesquels il y a beaucoup d’anglicisme. A l’inverse, certaines initiatives sont très pertinentes. Par exemple, à la veille des Jeux nous avons reçu un petit guide pratique pour mieux comprendre le tir à l’arc. C’était très malin, car je n’y connaissais rien. Les communicants ont tout intérêt à être didactique pour éviter que les médias ne commettent des erreurs.  


Pour conclure, quelles sont les conditions de bonnes relations presse selon vous ?  

Pour moi, il faut de l’honnêteté et la transparence. J’ai vu l’évolution du journalisme de sport en 20 ans : les RP font désormais partie de notre quotidien et sont devenues indispensables à notre travail. Il faut donc prendre en compte les contraintes des uns et des autres, afin de garantir les meilleurs relations possibles.  


Les attentes de Romain Schneider :  
  • Faciliter l’accès aux joueurs  
  • Cadrer l’information avec une accroche d’actualité  
  • Eviter l’emploi d’un langage trop technique  
  • Une relation professionnelle basée sur l’honnêteté  

Propos recueillis par Madeline Humbert

           

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