Le Média Marine Godelier (La Tribune) : « Un CP sans valeur ajoutée finit aux oubliettes »
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Marine Godelier (La Tribune) : « Un CP sans valeur ajoutée finit aux oubliettes »

Bonnes pratiques RP

MediaConnect donne la parole à celles et ceux qui reçoivent les communiqués de presse. Dans cette interview, Marine Godelier, journaliste énergie à La Tribune nous explique ses attentes vis-à-vis des communicants.

Marine Godelier (La Tribune) : « Un CP sans valeur ajoutée finit aux oubliettes »
Marine Godelier, journaliste à La Tribune nous explique ses attentes vis-à-vis des communicants.
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Le secteur de l’énergie regroupe des thématiques très larges. Comment choisissez-vous vos sujets ?

Un bon sujet est une information utile pour nos lecteurs ou un éclairage neuf sur un sujet connu. Pour obtenir cette information, je passe des appels et rencontre régulièrement des acteurs clés dans mon secteur (chercheurs, syndicats, associations, membres de la sphère publique, techniciens, ingénieurs spécialisés...), ou épluche des sources primaires comme des textes législatifs ou réglementaires ou des documents financiers. Je lis aussi la presse française, internationale, professionnelle et généraliste.
 
 Les rapports et communiqués font partie de mes sources, mais sont rarement un point de départ pour mes sujets. Généralement, j'identifie d'abord le sujet, puis je cherche des rapports ou des communiqués publiés à ce propos. Cela dit, un CP peut parfois me mettre sur une piste que je n'avais pas identifiée.

L'énergie est au cœur des débats politiques, sociaux et économiques. Comment naviguez-vous dans ce secteur lorsque vous traitez vos sujets ?

Effectivement, l'énergie déchaîne les passions, encore plus depuis la crise. C'est un domaine qui touche à des questions fondamentales : pouvoir d'achat, mix énergétique, régulation de l'État face au marché... Par conséquent, nous recevons des communications souvent contradictoires selon leur origine. Par exemple, les communiqués des associations pronucléaires ne diffusent pas les mêmes informations qu'une structure anti-nucléaire. Nous traitons ces informations avec prudence, conscients de leur orientation. Une donnée provenant d'une source partisane n'est pas automatiquement fausse, mais nous la vérifions systématiquement en contactant le régulateur ou des experts indépendants. Cette vigilance est essentielle dans notre travail au quotidien.
 
Qu'est-ce qui vous déplaît dans les communications que vous recevez des attachés de presse ?

Je croule sous les communiqués mal ciblés sur la santé et la technologie. Il m'arrive aussi de recevoir des mails dans lesquels mon prénom est incorrect ou qui m'associent au mauvais média. 
Par ailleurs, je n’apprécie pas quand les CP suggèrent ou imposent un angle. C'est justement notre valeur ajoutée de journaliste que de construire nos propres angles. 

Plus problématique encore, c'est quand les communicants ne nous mettent pas en contact avec des experts et répondent eux-mêmes à nos questions. J'ai l'impression qu'un verrouillage s'installe progressivement dans certaines entreprises. On se retrouve parfois avec un seul porte-parole attitré, et au-delà de lui, il est très compliqué d'avoir accès à d'autres voix en « on ». La crise de l'énergie a probablement renforcé cette tendance : des polémiques sur des propos mal rapportés ont dû pousser certains acteurs à verrouiller davantage leur communication, par crainte d’être exposés.

Enfin, je n'aime pas que certains attachés de presse survendent leur sujet avec des "exclusivités" en majuscules dans l'objet du mail. Ces sujets sont généralement des informations rendues publiques quelques jours plus tard. J'avais tendance à traiter certains de ces sujets mais je ne le fais plus. Face à ce déluge de communications, je fais un premier tri avec les objets des mails.
 
À l'inverse, qu'appréciez-vous dans un communiqué de presse ?

J'apprécie les CP réactifs à l'actualité chaude. Ils me fournissent des réactions à chaud exploitables rapidement. J'aime aussi découvrir un sujet ou un intervenant que je n'avais pas repéré. Même si je ne traite pas immédiatement le sujet, l'information reste dans un coin de ma tête.

Ce qui capte mon attention, c'est avant tout le sujet en lui-même, plus que la façon dont on m'aborde. Évidemment, j'accroche davantage quand je sens face à moi une réelle expertise et une passion pour le sujet. À l'inverse, je décroche instantanément devant un discours robotique et impersonnel, même si je comprends les contraintes du métier.
La question centrale reste : quelle est la valeur ajoutée de ce CP ? Sans elle, même un communiqué très bien présenté finira aux oubliettes. En fin de compte, c'est le sujet qui prime.

Comment les attachés de presse peuvent-ils mieux cibler les journalistes spécialisés comme vous ?

Même si on pourrait croire qu'avoir moins d'intermédiaires pour accéder à nos sources serait mieux, les RP restent une aide précieuse. Dans notre métier, obtenir des entretiens rapidement n'est pas toujours simple. Un attaché de presse disponible et réactif facilite grandement l'organisation de ces échanges. 
 
Ils peuvent, par exemple, dresser une liste précise des journalistes spécialisés dans l'énergie, tant dans les médias professionnels que grand public. Il n’y en a pas tant que ça. À partir de cette cartographie, il faut affiner le ciblage. Ces listes pourraient être actualisées au moins une fois par an, car les rédactions évoluent régulièrement. 
 
Comment construire une relation de confiance qui bénéficie aux deux parties ?

La confiance est fondamentale mais ne doit jamais compromettre notre indépendance journalistique. Même avec des relations cordiales, nous devons rester fidèles à notre mission d'informer. 

Cette confiance doit fonctionner dans les deux sens. De notre côté, nous respectons scrupuleusement les conditions établies comme le off ou la relecture des citations, si c’est un pré-requis. Nous attendons des RP la même transparence et qu'ils maintiennent le dialogue même quand nos angles ne les satisfont pas. J'ai connu des situations où des communicants critiquaient publiquement nos articles tout en les approuvant en privé plus tard. 

Finalement, cette relation restera toujours spéciale, car nos missions sont fondamentalement différentes. Le communicant défend les intérêts de son organisation, je tente de défendre le droit à l'information de mes lecteurs. Chacun doit comprendre et respecter le rôle de l'autre.
 
Les attentes de Marine Godelier :  
  • Recevoir des CP ciblés sur l’actualité chaude
  • Être mise en relation avec des experts variés
  • Ne pas se voir imposer des angles dans les CP 
  • Maintenir le dialogue peu importe le résultat 

Propos recueillis par Shem's Tlemçani

       

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