Vous êtes suivi par 18K sur X et 90K followers, sur LinkedIn. Vous êtes ce que l’on pourrait appeler un « influenceur » ! Quel intérêt avez-vous trouvé à être présent sur ces plateformes et qu’est-ce qui vous a poussé à autant les investir ?
J’ai toujours détesté le mot « influenceur », surtout depuis la polémique des « influvoleurs » ! Même si j’exerce une forme d’influence, ce qui me différencie, c’est que je n’ai rien à vendre. Je cherche seulement à apporter mon regard et mon expérience dans la profession que j’exerce. J’ai la chance d’avoir un double cursus médias et communication qui me permet d’avoir les deux facettes de la réalité. Ce qui m’importe, c’est d’avoir le plus de retours et de discussions possible.
Le point de départ de ma présence sur les réseaux sociaux était en fait ma passion pour l’écriture. J’ai créé le « blog du communicant » pour parler des sujets qui m’intéressaient, de décryptages et de tendances que j’observais. De fait, je me suis servi des réseaux sociaux pour amplifier le trafic sur mon blog et la portée de mes articles.
Comme tant d'autres, vous avez fait le constat que X était devenu le théâtre de nombreuses dérives. Dans un article publié sur votre blog, à propos des grands enjeux de la communication en 2024, vous l'avez même qualifié de « chaos informationnel où la désinformation pullule, le conspirationnisme prolifère et le cyberharcèlement devient le mode d’action… » Comment cela s'est-il traduit concrètement pour vous ?
La plateforme a toujours plus ou moins été un espace où il se disait tout et n’importe quoi. En revanche, le point de bascule a été lorsque les extrêmes sont arrivés. Toutes les petites minorités qui ont du mal à se faire entendre dans les médias classiques, se sont servis des réseaux sociaux et particulièrement de Twitter pour se faire entendre et créer du bruit, afin attirer l'attention des journalistes qui se sont de plus en plus inscrits sur le réseau social.
J’ai eu la chance de ne jamais me faire « cyber harceler », ni recevoir des menaces de mort ou devoir fermer mon compte. Mais il y a 3 ans, un des communicants numériques du leader du parti « Reconquête », n’avait pas apprécié une blague que j’avais faite à son égard. Il a alors tagué une bonne partie de la « droitosphère » de Twitter, qui m’a « trollé » et insulté pendant 48h. Ce phénomène de violence, ne date pas du rachat de la plateforme par Elon Musk. Déjà, X anciennement Twitter, était le terrain de jeu de nombreuses dérives.
Et pour les entreprises ? Avant d’en arriver là, quel intérêt a représenté Twitter en tant que tel pour celles-ci ? Pourquoi les entreprises y sont-elles allées ?
Le premier intérêt des entreprises était de veiller sur ce qui se passait dans leur secteur. Cela permet de voir ce que racontent les concurrents, quels contenus ils proposent et quelles communautés ils touchent. Ce qui permet par ailleurs d'atteindre des gens qui peuvent être très prescripteurs et de se faire mieux connaître. Parfois même, de se faire mieux connaître auprès de cibles plus jeunes.
Aujourd’hui, dans ce contexte, diriez-vous donc que cela a encore du sens pour une entreprise d’être présente sur X ?
Doit-on rester sur X ? Doit-on partir ? C’est une question que beaucoup se posent, tant X est devenu violent. Encore plus pour les personnalités publiques et pour certaines entreprises qui se font interpeler à tout va ! Si le rôle du community manager est de sans cesse nettoyer ou bloquer, la présence sur X devient contre-productive. Parfois, moi-même je m’interroge sur le fait de rester ou non sur la plateforme. Mais je constate que j’arrive quand même à trouver l’information en suivant les bonnes personnes et en cherchant un peu.
Par ailleurs, il faut bien garder à l’esprit que, souvent, les crises naissent sur les réseaux sociaux. Ainsi, être présent aujourd’hui sur X reste un puissant outil de veille pour les marques, qui leur permet aussi de toucher des communautés avec peu de moyens. Raisons pour lesquelles je conseillerais à ces mêmes entreprises de conserver un compte.
X compte tout de même 200 millions d'utilisateurs. Il y a des gens assez intéressants, les journalistes entre autres, mais pas seulement. On y trouve aussi créatifs, des artistes, des sportifs… En définitive, on y reste aussi pour ces gens.
Dans ce même article sur votre blog, vous conseillez aux communicants de s'inscrire sur les réseaux Bluesky et Thread, pour « mieux en appréhender les codes et constituer une sorte de pont communautaire qui pourra être utile, si d'aventure, l'exode massif venait à se produire sur X ». Et qu’en est-il des entreprises ? Devraient-elles en faire de même ? Quelles alternatives existe-t-il pour elles ?
Ce que je conseille, c'est que le communicant en charge du numérique dans l'entreprise, aille faire sa propre expérience sur ces plateformes. Pour voir s’il y a quelque chose de pertinent et d’intéressant à en tirer. Aujourd'hui, sur Bluesky, il ne se passe pas grand-chose. La plateforme est très limitée en termes de fonctionnalités. Par exemple : on ne peut pas mettre de vidéo ou taguer des personnes dans un post. Pour le moment, ils ont peu de moyens. Or, si l’infrastructure ne tient pas la route, tout le monde va partir. En revanche, ce qui est intéressant, c’est que l’on se retrouve dans l’entre-soi des débuts de Twitter.
Il y a aussi Threads, qui est directement relié à Instagram, que je teste en ce moment. J’ai également testé Mastodon, mais j'ai complètement abandonné, car selon moi, celle plateforme est comme Discord : un réseau social pour les geeks et technophiles, qui adorent les trucs compliqués (Rires) !
YouTube reste aussi très puissant. On l'oublie souvent, mais la plateforme offre la possibilité de faire de belles choses. En revanche, cela requiert un petit peu plus de moyens. Si l’idée d’une marque est de parler à des publics plus jeunes, Instagram et TikTok, sont incontournables.
On constate que parfois certaines entreprises communiquent de la même manière sur X et LinkedIn. Qu’en pensez-vous ?
La première question à se poser est la suivante : à quelle cible je veux parler ? Quels sont ses codes ? Ses attentes ? Et en fonction, s’adapter en choisissant le bon canal de communication. Il est évident que tous les réseaux sociaux n’ont pas les mêmes codes et ne peuvent être investis de la même façon. Par exemple, la vocation de X, est de faire du « micro-blogging », c'est du flux d'informations. Sur LinkedIn, au contraire, nous préférons les posts plus étoffés, qui permettent plus de profondeur et qui renvoient éventuellement vers un article, une vidéo ou une infographie.
Pensez-vous qu’une prise de parole sur X, devrait être faite via le compte d’un communicant, représentant de l’entreprise, ou via le compte de l’entreprise elle-même ?
Pour les aspects business, stratégie ou réponse aux médias, c’est toujours mieux d’avoir une personne qui incarne l’entreprise. Cela donne une dimension plus humaine et permet de créer une vraie interaction. En revanche, lorsque l’on pose la question de la marque employeur, il est préférable que ce soit l’entreprise elle-même qui prenne la parole. Le but étant de rendre l’entreprise attractive. C’est à ce moment précis que la marque « corporate » prend tout son sens.
Les entreprises qui s’expriment sur les réseaux sociaux, publient des posts, mais interagissent assez peu en tant que marque sur ces mêmes réseaux sociaux. A l’inverse, les dirigeants ou communicants qui représentent ces entreprises, prennent davantage la parole. Partagez-vous ce constat ? Si oui, comprenez-vous pourquoi ?
J’ai deux exemples à ce sujet. Le premier : Xavier Niel, PDG de Free, fait très peu de tweets, mais lorsqu’il en fait un, cela créer le buzz. Free s’inscrit au cœur de sa stratégie de communication, construite autour de la rareté de la parole de son dirigeant.
Le second exemple, concerne Dominique Schelcher, PDG de Système U. Lui, à l’inverse de Xavier Niel, est extrêmement présent sur les réseaux sociaux mais également sur les plateaux et dans les médias.
Car il avait une double tâche. La première : succéder à Serge Papin, un homme très médiatisé,. La deuxième : succéder à son concurrent direct, Michel-Edouard Leclerc (E.Leclerc).
Le PDG de système U, est suivi aujourd’hui par plus de 135K sur LinkedIn et 17,9K sur X. Ses comptes suscitent un nombre d’interactions conséquent car il y parle de tout. Et de façon authentique et engagée.
Lorsqu’un dirigeant ou un communicant s’exprime en son nom, l'entreprise est incarnée et cela lui donne une dimension plus humaine. Aujourd'hui, c’est ce que l’on aime écouter. L’histoire qu’il a construite, la façon dont il en est-il arrivé là. Cela lui permet par ailleurs nourrir l’image que l’entreprise renvoie.
Propos recueillis par Manon Ottou--Guilbaud