Comment choisissez-vous vos sujets au quotidien ?
Chaque matin, nous avons une conférence de rédaction où l’on détermine le « chemin de fer » du journal, c’est-à-dire les sujets dont on va parler. Chacun propose ses idées, on en débat, puis on arbitre selon la pertinence et l’importance de l’information. On prend aussi en compte les contraintes du média. La Croix est un journal quotidien donc il faut considérer le temps dont on dispose pour enquêter et la disponibilité des journalistes pour aller sur le terrain. Certains sujets ne sont pas traités faute de place, de temps ou de moyens pour les couvrir. Tandis que d’autres s’imposent d’eux-mêmes. Un exemple concret : lorsque Sébastien Rights Watch, qui m’aident à obtenir des autorisations pour me rendre dans certaines zones de guerre.
Quelles sources utilisez-vous pour construire vos sujets ?
Je m'informe de façon quotidienne sur l'actualité. Je me renseigne avec la presse papier et la radio. J’ai aussi d’autres sources comme mon réseau personnel et professionnel, les livres, les open sources et parfois le hasard. Une rencontre pendant un reportage peut me donner une idée d’article. Je travaille aussi régulièrement avec les services de presse des armées de Terre, de l’Air, de la Marine et avec le CEMA (Chef d'état-major des armées). Je les sollicite pour des interviews ou des reportages. Je collabore également avec des ONG comme Amnesty International ou Human Rights Watch, qui m’aident à obtenir des autorisations pour me rendre dans certaines zones de guerre.
Comment décririez-vous votre relation avec les attachés de presse et leur rôle dans votre travail ?
Concrètement, les attachés de presse m’aident à identifier rapidement des interlocuteurs. Par exemple, lorsque je travaillais pour un article sur les vidéos filmées par les Gazaouis et leur potentiel pour nourrir la justice internationale, je me suis orienté vers les RP des ONG. Ils m’ont mis en contact avec les bonnes personnes. Pour un reportage dans l’ouest de la République démocratique du Congo, j’ai contacté Médecins Sans Frontières pour savoir s’il était possible de venir dans les hôpitaux et l’attachée de presse a organisé les contacts et identifié les personnes capables de m’accompagner sur place.
La relation avec eux varie selon le type d’organisme qu’ils représentent. La défense est un sujet sensible, il faut être conscient du risque d’instrumentalisation. Avec ceux qui travaillent pour des institutions militaires, politiques, ou avec l’État, je reste prudent, car ils subissent des pressions pour faire passer un message précis. Par exemple, lors d’un de mes reportages en Afrique, j’ai collaboré avec des agences de communication qui représentaient les présidents. Ce que j’avais écrit leur avait déplu.
À l’inverse, avec les ONG, je me sens plus libre et en confiance, car elles ne cherchent pas à imposer un message. Dans le monde de l’édition, il y a aussi un très grand respect de notre liberté. Nos articles ne sont pas relus.
Quel usage avez-vous du communiqué de presse ?
Les communiqués me servent de point de départ pour un sujet, mais je ne les reprends jamais tels quels. Par exemple, une déclaration officielle de l’Élysée peut me fournir des éléments, mais je ne vais pas me contenter de relayer ces prises de parole. J’en extrais les points clés, puis, je demande à être mis en contact avec des experts pour décrypter la situation en fonction de mon angle.
Qu’attendez-vous d’un communiqué de presse ?
Le communiqué de presse doit être court et aller à l’essentiel pour que je comprenne tout de suite ce que je peux en faire. Je reçois des centaines d’e-mails et de messages chaque jour, je n’ai pas le temps de tout lire. Il faut que ce soit rapide, efficace et surtout qu’on ne me survende pas le sujet. L’attachée de presse peut me proposer une idée et je décide ensuite si je l’utilise.
Je ne lis pas un communiqué s’il n’est pas pertinent ou qu’il n’a aucun lien avec ma rubrique et je le fais savoir clairement, dans la bienveillance. En revanche, même quand je dis oui à un sujet, cela ne garantit pas que l’article paraîtra. L’actualité peut changer les priorités.
Qu’attendez-vous concrètement des attachés de presse dans votre travail ?
Je travaille souvent avec les mêmes attachés de presse, mais je reste ouvert à d’autres profils. Si les communicants ont des contacts avec des chercheurs du Collège de France, des cadres de l’OTAN ou des experts moins connus, je suis preneur. Tout ce qui peut nourrir ma réflexion et enrichir un sujet m’intéresse. J’attends des attachés de presse qu’ils me mettent en contact avec des experts compétents et pertinents dans leur domaine.
Je cherche des interlocuteurs capables de décrypter les enjeux avec nuance et d’analyser les faits. Il faut également qu’ils soient à l’aise pour s’exprimer, sans chercher à défendre une image ou une institution. Par exemple, si je traite un sujet sur l’Ukraine, je veux quelqu’un qui explique les enjeux clairement, sans propagande.
J’attends aussi des RP qu’ils me facilitent l’accès au terrain et organisent rapidement les interviews nécessaires. Récemment, je suis parti en reportage du vendredi au dimanche avec un article à rendre le mardi d’après. Pour préparer ça, j’ai appelé plusieurs ONG, la Cour pénale internationale et deux auteurs avant de partir. Un des intervenants n’a pas répondu à temps, j’ai donc dû rédiger mon papier sans lui. Dans la presse quotidienne, la réactivité est indispensable. L’attaché de presse doit être souple, efficace et réactif.
Enfin, pour moi, la relation avec les services RP doit rester professionnelle et basée sur le respect mutuel. Chacun connaît ses contraintes, ses limites, et cela doit rester transparent. Il ne faut pas nous harceler, survendre un expert ou chercher à déformer la réalité pour vendre une institution. Quand un communicant survend son sujet, il perd toute crédibilité à mes yeux. On n’est pas là pour être amis ou ennemis, on est là pour travailler efficacement et transmettre une information juste.
Les attentes de Laurent Larcher :
- Être mis en contact avec des experts capables d’analyser l’actualité
- Faciliter l’accès à des zones de guerre
- Éviter de survendre son sujet
- Des attachés de presse flexibles et réactifs
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