Le Média Le « personal branding » a-t-il encore besoin des RP ?
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Le « personal branding » a-t-il encore besoin des RP ?

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Que ce soit Christel Heydemann (Orange), Véronique Bédague (Nexity) ou Patrick Pouyanné (TotalEnergies), tous ont réussi à développer de véritables communautés sur LinkedIn. Les dirigeants construisent leur réputation et leur influence en ligne à travers du personal branding. A l’ère des réseaux sociaux, les relations presse sont-elles encore pertinentes au service de cette stratégie ? Décryptage  

Le « personal branding » a-t-il encore besoin des RP ?
La place des RP dans une stratégie de personal branding
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Yasmine Douadi, CEO de Riskintel groupe, a commencé à prendre la parole sur les réseaux sociaux en 2017/2018. Sa communication lui a permis de dépasser les 110 000 abonnés sur LinkedIn et de s’imposer comme une experte de la cybersécurité en France. «Cette visibilité et la communauté que j’ai construite m’ont aidé à structurer mes différentes entreprises à partir de 2020, à les faire rayonner et à leur donner de la crédibilité», affirme la dirigeante. Aujourd’hui, Riskintel média cumule 30 millions de vues par an.   

Cette stratégie relève du personal branding. Il s’agit de «gérer et promouvoir son image personnelle, comme le ferait une marque», développe Eve Gimenez, experte en relations presse corporate, personal branding et communication de crise. « Concrètement, on communique sur son histoire, ses valeurs, sa vision et son expertise. Appliquée aux dirigeants, cette stratégie peut être mise au service d’une entreprise, en alignant l’image personnelle du porte-parole avec celle de la marque.   

Le concept de communication incarnée existe depuis de nombreuses années, mais il s’est aujourd’hui imposé dans les stratégies de communication. Pour Karine Rameau, fondatrice et directrice de l’agence KRP, «une société ne peut plus communiquer sans qu’on sache qui est derrière». Le constat est clair, les dirigeants prennent de plus en plus la parole, en particulier sur les réseaux sociaux comme LinkedIn. Pour n’en citer que quelques-uns, Michel-Edouard Leclerc (E. Leclerc) réunit 523k abonnés sur LinkedIn, Anthony Bourbon (Blast Club), 544k et Alexandre Bompard (Carrefour), 215k. Aujourd’hui, 82% sont convaincus des bénéfices d’un usage actif du réseau social sur leur réputation d’après le Digital Impact Score 2023 (FTI Consulting). L’étude révèle que leurs comptes génèrent un taux d’engagement 36% plus élevé que les comptes corporate.   

La montée en puissance des réseaux sociaux comme levier du personal branding soulève une question: les relations presse ont-elles encore un rôle à jouer? Et si oui, comment articuler ces stratégies?   
 

Réseaux sociaux VS relations presse  


Dans une tribune publiée dans Stratégies en juin dernier, Eve Gimenez, dénonce le «rôle oublié des RP dans le personal branding». La directrice de KRP le confirme «c’est vrai que les réseaux sociaux ont pris le pas sur les relations presse.»   

Pourtant, les expertes interrogées sont unanimes: ces deux leviers sont complémentaires. L’équilibre à trouver entre les deux, en revanche, n’est pas immuable. Evidemment, le choix est directement lié au secteur d’activité et au type de cible visé. «Dans certains secteurs, la visibilité sur les réseaux sociaux est très importante, rappelle Yasmine Douadi,et les enjeux ne sont pas les mêmes entre une plateforme BtoB comme LinkedIn, ou Instagram». Il y a aussi une question de temporalité. «LinkedInsoffre d'avantage d'opportunités pour obtenir des résultats à court terme », explique Manon Beau, directrice générale de l’agence Le Surligneur. «La plateforme assure une visibilité rapide, tandis que les relations presse s'inscrivent plutôt dans une logique de résultats à long terme.»  

La communicante nuance: «Je ne pense pas que les relations presse soient oubliées, elles sont simplement plus difficiles à mettre en place pour un dirigeant.» A l’inverse, la force des réseaux sociaux réside dans leur accessibilité. Chacun peut prendre la parole immédiatement en gardant la maitrise totale de son message. «C’est chronophage, reconnaît Eve Gimenez, mais les RP restent un pari gagnant à long terme.»  
 

Un cercle vertueux  


Beaucoup de dirigeants ont le réflexe LinkedIn. Karine Rameau l’observe chez ses clients. «Ok, ils ont leur communauté qui les suit, mais ils n’ont pas la crédibilité apportée par les médias. Or, elle reste indispensable.»  

Ecrire des tribunes, donner des interviews, participer à des conférences, intervenir sur des plateaux TV, dans des podcasts... voilà autant de manières de mener des actions concrètes de personal branding dans les médias. La visibilité est alors démultipliée, comme l’explique la CEO de Riskintel média : « Au-delà d’amplifier les messages que je porte sur la cybersécurité, qui doit s’imposer comme sujet de société, obtenir l’écoute de certains médias à donner plus de valeur à ma parole en la diffusant à un nouveau public. » L’écho d’une retombée presse n’est pas le même qu’une publication sur les réseaux sociaux. «J’ai réussi à obtenir un portrait de 6 pages dans Les Echos Week End pour l’une de mes clientes. Par la suite, les sollicitations d’interviews se sont multipliées», se souvient Eve Gimenez.  

L’avantage, selon Manon Beau, c’est que les leviers de personal branding se répondent. «Une retombée RP peut être mise en avant sur LinkedIn. A l’inverse, un bon post sur les réseaux sociaux peut amener un journaliste à vous contacter. L’objectif est de créer une stratégie 360», développe la DG du Surligneur.   

Aux yeux de nombreux dirigeants, le personal branding appliqué aux médias reste une stratégie difficilement accessible, trop souvent associée aux figures du CAC 40.   
 

Les indispensables: engagement et authenticité  

Le principal obstacle à la mise en place d’une stratégie de personal branding est l’auto-censure. «Il ne faut pas se limiter ou avoir peur de paraitre ridicule», conseille Yasmine Douadi, «car aujourd’hui, c’est le meilleur moyen pour des petites structures ou des entrepreneurs de se développer.» En particulier sur des marchés devenus très concurrentiels, il faut être capable de se démarquer, en prenant la parole. Karine Rameau insiste: «Il faut un DG qui donne des informations. Le pire, c’est le manque de transparence.»  

Mais comment faire entendre sa voix dans un monde où tout le monde s’exprime? Le dernier rapport de l’agence Saper Vedere apporte des clés d’analyse pour sortir du lot. Comme celles de prendre position sur des sujets de société et dépasser les enjeux de l’entreprise. «L’étude montre très clairement qu’il faut avoir l’audace d’intervenir sur des sujets plus larges et s’engager. La transition écologique, l’innovation ou encore l’emploi peuvent être des exemples», résume Eve Gimenez, «mais attention aux sujets trop politiques, ou trop éloignés de son secteur d’expertise.  

C’est avec cet objectif que Karine Rameau a accompagné Corinne Jolly, la PDG de PAP (Particulier à Particulier) au moment de la pandémie. «Elle a choisi de mettre en place une action en faveur du logement des soignants. Moi je l’ai médiatisé, et comme c’était une des premières sociétés à s’engager à ce moment-là, nous avons obtenu une belle couverture presse.»   

Attention cependant, Eve Gimenez rappelle que les RP dans le personal branding, «ça ne doit pas devenir une question d’égo, il faut garder en tête que l’objectif, c’est le business». Il faut donc «éviter d’intervenir sur des sujets qu’on ne maitrise pas» ajoute Yasmine Douadi.   

Enfin, la principale recommandation, c’est surtout de rester authentique. «Il faut essayer de montrer qui vous êtes réellement: cela passe par les réussites comme les difficultés», abonde Manon Beau, «Ce sont les aspérités du dirigeant, son histoire, ses valeurs qui forgent une stratégie de personal branding.» 

       

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